samedi 30 mai 2009

Montgomery (Glazart, 21 Mai 2009)

Montgomery se produit ce soir au Glazart dans le cadre de l’Ascensationnelle des Boutiques Sonores, en compagnie d’Arch Woodman, Jordan, Fairguson et Fordamage. Leur attachée de presse nous explique qu’ils sont un peu stressés concernant la préparation de leur concert de ce soir : étant donné le nombre de machines et instruments à installer, ils ont peur de ne pas avoir le temps de tout mettre en place et de dépasser le temps qui leur est imparti.

Arch Woodman lance la soirée avec ses petites pop songs bien sympathiques aux mélodies accrocheuses. Ils nous offrent de surcroît un final d’une intensité bluffante. Vient ensuite Jordan, sorte de Klaxons bruitistes. Les voix sont puissantes et hautes perchées, l’énergie est là, mais manquent les chansons. On accroche moins. Encore un groupe avant Montgomery : les Fairguson. Ils délivrent un pop-folk largement inspiré par Midlake, aux accents légèrement country. C’est sympathique, même assez beau par moments, mais jamais vraiment passionnant. C’est même un peu mou du genoux à la longue, et on a l’impression d’avoir déjà entendu ça maintes et maintes fois. Ils mettent enfin le pied à l’accélérateur sur leur dernier morceau, qui fait penser à The Magic Numbers.

Arrive enfin – avec une bonne heure de retard – le gros morceau de la soirée : Montgomery. Comme ils le craignaient, mettre en place leur matériel dans les temps est une vraie gageure. La soirée avait déjà du retard, du coup ils sont pris par le temps. On pouvait imaginer de meilleures conditions pour préparer un concert.

Après une introduction planante, ils se lancent dans "Baleine" en ouverture. Le titre-phare de Stromboli peine ce soir à prendre toute sa dimension à cause d’un son cafouilleux. Le groupe s’en sort tout de même bien, mais c’est rageant. La soirée sera émaillée de petits accidents de parcours qui ne permettront pas au groupe de jouer de façon totalement sereine : la difficulté à installer tout leur matériel, donc, puis un gros problème au niveau des voix pendant tout le concert, et pour couronner le tout, Benjamin qui casse une corde.

Le son ne fait donc pas honneur à leurs compositions, et on peine à distinguer les voix. Du coup, on se concentre sur les parties instrumentales, franchement impressionnantes par moments. Le groupe restitue plutôt fidèlement les arrangements de leurs titres, et c’est un sacré exploit. Ils sont tous extrêmement concentrés, seul Thomas à la guitare sort de sa bulle par instants pour se déchaîner, comme sur le final de "Volcan".

En fond, derrière la batterie, défilent des projections collant bien à l’univers du groupe, mais on avoue ne pas y prêter une attention démesurée. On se concentre davantage sur la prestation du groupe. Et puis la salle ne s’y prête pas forcément très bien, du fait de sa petite taille, et du poteau situé en plein milieu de la fosse.

En live, leurs morceaux sont plus musclés. On pense notamment aux versions proprement époustouflantes de "Volcan" et "Athlète" qu’ils nous délivrent ce soir. Nous retiendrons également "6 Bonnes Raisons" , et puis "Le Ciel", sur lequel ils terminent le concert dans un déluge de guitares assourdissant.

Ainsi, malgré touts les petits cafouillages indépendants de leur volonté, Montgomery nous a livré ce soir une bonne prestation et a prouvé qu’ils étaient capables de jouer dans la cour des grands.

Etant donné l’heure tardive, nous filons dès la fin de leur set pour tenter d’attraper le dernier train. Nous ne verrons donc pas la prestation de Fordamage...

Lire également la chronique du concert sur Froggy's Delight.

Merci à Nicolas Brunet pour ses photos.

jeudi 28 mai 2009

Interview Montgomery (extraits)

Pour lire l'interview complète, allez sur Froggy's Delight.

Qu’est-ce qui a changé entre le premier album (Montgomery, 2006), et ce Stromboli ? De quelle façon vous êtes-vous enrichis ? Que vous a apporté cette expérience ?

Benjamin : Psychologiquement, les deux expériences sont assez différentes. Le groupe s’est formé sur le premier album, on était quatre, et Thomas, même s’il faisait partie de l’aventure, n’était pas encore vraiment intégré au groupe. Ensuite, toutes les trouvailles qu’on a pu faire sur le premier et qu’on a trouvées en enregistrant l’album tout seul, se résument sur le second. On a pris ce qui nous semblait le plus intéressant, les sons qu’on trouvait les plus cool pour représenter notre musique et pour aller le plus loin possible sur Stromboli. Ce qu’on avait touché du doigt sur le premier album, on a essayé de les pousser plus. C’est une suite logique. Le deuxième album ne serait pas comme ça s’il n’y avait pas eu le premier. C’est indispensable, c’est un chapitre avant l’autre.

Sur Stromboli, les arrangements sont d’une grande richesse, très diversifiés (bruitages en tous genres, sonorités très variées, plein d’instruments différents). C’est quelque chose auquel vous faites très attention, sur lequel vous passez du temps ?

Thomas : On passe beaucoup de temps à expérimenter en studio, à enregistrer des pistes, des instruments, même si la plupart du temps ce que l’on fait n’est pas conservé. Mais ça amène vers d’autres choses, ça permet de développer le morceau sur d’autres parties, ce qui donne au final un côté un peu "cut" à notre musique : on peut passer rapidement d’un univers à un autre, de quelque chose de doux à quelque chose d’hyper agressif. On bidouille vachement, c’est beaucoup de bricole. C’est aussi beaucoup de ratés, de petits accidents dans lesquels parfois il y a des choses vraiment bien qui sont découvertes, auxquelles on n’avait pas pensé. Parfois, c’est en gardant certaines pistes entre elles et en enlevant d’autres qu’on s’aperçoit qu’il y a un truc un peu nouveau, qui nous surprend. Généralement, c’est à ce moment-là qu’on décide de ne plus toucher le morceau, c’est quand il y a ce truc, cette sorte d’alchimie qui a été trouvée un peu malgré nous, on se laisse un peu porter par ce truc-là. Il y a beaucoup de choses proposées et on essaie de les synthétiser, d’y donner une cohérence.

C’est un peu ce que j’imaginais : je trouve que Stromboli est un album ambitieux, sur lequel vous avez tenté plein de choses et pour moi, c’est une réussite. Cela a dû vous demander de vous mettre en danger lors de l’enregistrement, pour tenter toutes ces expérimentations ?

Benjamin : A un moment, on s’est posé de vraies questions quant à la difficulté de faire des albums et la raison pour laquelle on faisait de la musique. On a une vraie ambition, on cherche à grandir, à s’épanouir par la musique et pour ça, on essaie de ne jamais se répéter. Donc oui, on cherche à se mettre en danger tout le temps sinon ça n’aurait aucun intérêt. Notre but est d’aller le plus loin possible, et donc forcément on est ambitieux. J’imagine que certains pourraient nous trouver présomptueux mais à notre âge, on n’a plus envie de faire de la musique pour imiter quelqu’un ou quelque chose. On a passé ce cap-là, on ne fait pas de la musique pour appartenir à un "crew". On est orienté uniquement vers la recherche de notre épanouissement artistique.

Sur le disque, certaines chansons sortent du lot ("Baleine", "Volcan", "Le Ciel"…), mais il n’y a pas de single évident. L’album forme un tout cohérent et assez homogène. Vous l’avez conçu davantage comme une œuvre, un voyage, qu’une collection de chansons ?

Benjamin : On cherche à créer un univers, à faire ressentir des choses aux gens, quitte à ce qu’elles soient parfois gênantes ou désagréables. On est dans une culture de l’œuvre et on cherche à ce qu’au final, toutes les chansons forment un univers particulier.

Thomas : On a vraiment la culture de l’album, de l’objet "disque". On aime bien les albums qui s’écoutent d’une traite. Pas forcément les concept-albums ou les opéras rock, ce qu’on fait ce n’est pas du tout ça. Mais les disques qui forment un bloc, où on ne va pas écouter une ou deux chansons et jeter le reste.

Stromboli n’est pas un album qui s’impose immédiatement comme une évidence, à la première écoute. Il demande du temps pour se révéler et dévoiler sa complexité, ce qui est souvent un gage de qualité. Avez-vous conscience de ça, et en êtes-vous fiers ?

Benjamin : Oui, à fond ! Et c’est quelque chose qu’on recherche à la base, on est foisonnant d’idées dans tout ce qui touche à la musique. Les disques qu’on aime sont ceux où les artistes sont allés chercher des détails et qui font qu’un album peut avoir une durée de vie assez longue. Donc on prend ça vraiment comme un compliment, et on joue dessus, ça fait vraiment partie de notre culture. On trouve ça cool que notre album mette du temps à s’installer et qu’on puisse redécouvrir constamment des petits trésors dedans.

Il y a un côté très contemplatif, très innocent dans votre musique. De plus, vos paroles sont souvent décalées, voire fantaisistes, comme sur "Baleine" ("On parle d’une baleine qui me parle de vous…"). C’est quelque chose qui vient naturellement ou que vous cherchez à inclure dans votre musique ?

Benjamin : Non, c’est naturel. Pour ce qui est des paroles, il n’y a pas vraiment d’histoire, c’est juste une envie de faire sonner les mots, d’avoir une image dans la tête. La baleine, on l’a utilisée parce que ça sonnait bien et que ça amenait une petite rythmique en même temps que la guitare et la batterie. On essaie juste de faire sonner les mots, donc c’est vrai que parfois ça peut paraître un peu simple, de la même façon que les Beatles ont aussi pu faire des chansons vraiment contemplatives. Mais pour nous, l’intérêt est dans la sonorité des mots, pas dans leur sens.

Sur scène, ce n’est pas trop difficile de retranscrire cet univers foisonnant ?

Thomas : Là aussi, on utilise le sampling. Il nous permet de ne pas nous balader avec tous les claviers qu’on a utilisés sur le disque, ce qui serait beaucoup trop compliqué. Ça nous permet d’amener tous les sons de l’album sur scène, mais tout est joué en live. Sur Stromboli, il y a pas mal de sons de guitares aussi, un peu triturés, et qui sont joués en direct sur scène. On est cinq, on a dix mains, et on essaie de se débrouiller pour retranscrire au mieux ce qu’il y a sur le disque. Pour l’instant, on essaie d’être assez proche de l’album.

Benjamin : Oui, là dans un premier temps, on essaie de maîtriser l’engin. C’est un sacré challenge de le retranscrire sur scène, ce n’est pas toujours évident. Mais on s’en approche, c’est du gros boulot et c’est passionnant.

Votre album dégage un univers très original, mais on ressent l’influence de certains groupes, notamment de Grandaddy. C’est même flagrant sur des titres comme "6 Bonnes Raisons", "Le Ciel", ou "Le Chat". Ressentez-vous une filiation avec ce groupe ou avec d’autres se situant dans la même esthétique (Grizzly Bear, Midlake, Mercury Rev…) ?

Thomas : Oui, Grandaddy on est vraiment tous fans. Par contre, on a écouté l’album solo de Jason Lytle (ndlr : Yours Truly, The Commuter, sorti en mai) et il est un peu décevant. Chez Grandaddy, on aimait bien ce côté à la fois très puissant et très fragile. On est aussi fan de l’utilisation qu’ils ont des petits claviers, avec des sons un peu tous pourris. C’est vrai qu’on est assez proche d’eux en fait.

Benjamin : C’est marrant, parce qu’on a commencé à les écouter au moment de notre premier album, avant on ne connaissait pas trop. On a trouvé pas mal de choses en commun, cela nous a pas mal apporté, et ça nous a conforté dans certaines idées qu’on pouvait avoir. C’est vrai que ça fait partie des références assez importantes pour nous. Jason Lytle, c’est quelqu’un qui fait des choses tout simplement belles avec pas grand-chose et en prenant certains risques, donc c’est aussi un exemple.

Thomas : On est proche d’eux dans la façon de faire : ils ont toujours enregistré leurs disques tous seuls, Jason Lytle mixait souvent les disques lui-même. Mais c’est plus un hasard, on n’a pas voulu reproduire ce qu’il a fait. En tout cas, ça nous aide de savoir qu’il y a des gens qui arrivent à faire de la musique aussi bonne de façon un peu artisanale et indépendante.

Benjamin : Et surtout de voir qu’il maîtrise son truc, qu’il est maître de ses choix, de la production. C’est un peu notre rêve aussi, d’arriver à retranscrire ce qu’on a dans la tête. Lui y est arrivé de façon très personnelle, et c’est un super exemple.

Une autre influence assez marquante, c’est Radiohead. Sur "Baleine", par exemple, les guitares semblent tout droit sorties de "OK Computer", quelque part entre "Subterranean Homesick Alien" et "Let Down"…

Benjamin : C’est cool, ce ne sont pas les morceaux les plus mauvais en plus ! On est des mecs des années 90, donc nos deux influences majeures, c’est Nirvana pour les guitares, et après c’est Radiohead pour tout le côté recherche, beauté de la chose. Donc oui, c’est une de nos principales influences, comme pour énormément de groupes de notre génération. Ils montrent la voie constamment, à chaque album. On connait tout Radiohead par cœur.

En toute fin d’album, on découvre un très beau titre caché. Quel est son nom ? Et pourquoi un titre caché ?

Benjamin : Elle s’appelle "La Fin Des Bobo Jours" (rires). C’est pas ton nom de famille d’ailleurs ?

Si, si… (rires)

Benjamin : On s’est dit s’il nous pose cette question on lui répondra ça, c’est marrant (rires). Et tu la poses en plus.

Thomas : Le titre, en fait, c’est "La Fin Des Beaux Jours".

Benjamin : C’est un vieux morceau, un des premiers qu’on a composés pour l’album, il devait même l’ouvrir. Mais au final il est très bien là, caché tout au bout. Comme une espèce de nuage qui arrive sur la fin pour dire "au revoir tout le monde, rendez-vous au prochain épisode". C’est un petit classique des albums qu’on a pu écouter dans les années 90. Ça arrivait souvent de trouver des chansons un peu plus loin qui venaient nous surprendre. Et comme celle-là est assez massive au début, ça correspondait bien.

Avez-vous une tournée de prévue, allez-vous sillonner la France ?

Benjamin : Il va y avoir un peu les festivals d’été : les Vieilles Charrues à Carhaix, Terres du Son, Jour J à Orléans, Foin de la Rue… Et à la rentrée on fera un peu de tournée, ce sera peut-être l’occasion de faire un tour au Canada et au Québec. Après il y aura la Belgique et la France. On a aussi le projet Mad Max, un ciné-concert. On a déjà mis en musique le premier film de la saga, c’est vraiment une expérience sympa. Les gens regardent le film et nous on joue notre musique à côté, c‘est super. C’est différent, ça change un peu. On va reproduire l’expérience à Montpellier notamment. C’est aussi une façon de rester en permanence créatifs. Ne faire que des concerts, ça peut être stressant, et c’est bien de proposer autre chose.

Y a-t-il des groupes que vous appréciez beaucoup en ce moment ?

Thomas : Les Fairguson, Arch Woodmann… Je fais de la promo pour ce soir…

Benjamin : Il y a Animal Collective qui montre pas mal de voies en ce moment, c’est chouette, ça nous botte bien. Ils apportent un truc différent, une fraîcheur qui manquait. Mais du coup tout le monde s’engouffre dedans. Il y a aussi Grizzly Bear, avec qui on avait pris une bonne claque sur le premier album. Et le deuxième aussi va être super. Et puis Crystal Antlers.

Thomas : On a des disques où on se rejoint tous, comme ceux qu’on vient de citer, mais chacun de nous a ses propres influences.

Benjamin : Après c’est vrai que tout ce qu’un membre du groupe aimera à fond, on l’aimera un minimum. Il y en a qui écoute plus de musique que d’autres, et d’autres qui sont un peu plus fainéants.

Thomas : Tu as acheté combien de disques ce mois-ci ?

Benjamin : J’en ai acheté trois : Microcastle de Deerhunter, Crystal Antlers, et j’ai acheté un autre vinyle, mais je ne sais plus lequel. C’est déjà pas mal…

Thomas (moqueur) : C’est bien, trois…

Interview réalisée pour Froggy's Delight.

mardi 26 mai 2009

Interview Revolver (extraits)

Pour lire l'interview complète, allez sur Froggy's Delight.

Bonjour, pour commencer pourriez-vous nous raconter en quelques mots comment vous vous êtes rencontrés et comment le groupe s’est formé ?

Ambroise : Alors, Christophe et moi, on s’est rencontrés au collège, et on a commencé à faire de la guitare ensemble au lycée. Christophe m’a appris à jouer de la guitare, je lui ai appris à chanter, ça s’est un peu fait comme ça. Très vite, on s’est mis à faire de la musique et à composer ensemble. Jérémie et moi, par contre, on s’est rencontré beaucoup plus jeunes, à 6 ans, à la Maîtrise de Notre-Dame de Paris. C’est une école de musique assez intensive, surtout quand on a 6 ans (cours le matin, musique l’après-midi). Puis on s’est perdu de vue, moi j’ai arrêté à 8 ans parce que mes parents ne voulaient pas que je continue la musique et lui, a poursuivi tout ce temps là. Quand on a commencé à faire de la musique avec Christophe, c’est là que j’ai eu envie de tout reprendre, de recommencer la musique, de retourner à la Maîtrise de Notre-Dame de Paris, et c’est là-bas que j’ai retrouvé Jérémie. Le groupe ne s’est pas formé automatiquement, ça fait deux ans maintenant qu’on a ce nom Revolver et qu’on joue tous les trois ensemble. Avant ça, avec Christophe, on a cherché pas mal de personnes pour nous accompagner, mais on était toujours tous les deux comme tronc solide du groupe, et ça ne s’est pas fait tout de suite avec Jérémie.

Vous aviez dès le départ une idée précise de la formation que vous vouliez pour le groupe ?

Ambroise : Pas vraiment, en fait c’est au moment de faire notre première maquette, on nous avait conseillé de créer un Myspace comme on avait un groupe, alors on en a créé un, mais dessus il n’y avait que des photos alors on s’est dit que ça serait bien qu’il y ait de la musique aussi ! Donc on a acheté un peu de matériel pour enregistrer, pas grand-chose, on a commencé à enregistrer nos compositions et en fait, assez vite on s’est rendu compte qu’à deux on se trouvait limité, et c’est à ce moment-là que j’ai demandé à Jérémie de nous rejoindre. Je me souviens que j’avais longtemps fantasmé sur le rôle du violoncelle dans un groupe, je me disais que cela pouvait faire la basse en même temps, des secondes voix, des contre-chants… Et le fait que Jérémie soit un vrai musicien et qu’il chantait bien également, ça m’attirait. Et du coup, dès qu’il est arrivé, il y a eu un truc évident qui s’est passé.

Christophe : On a trouvé un son qui nous plaisait vraiment, dans l’équilibre guitare/violoncelle/voix.

Pour ma part, je vous ai découvert un peu par hasard en juillet dernier, en première partie de Patrick Watson aux Bouffes du Nord. J’ai beaucoup aimé votre concert qui était une heureuse découverte, un vrai coup de cœur. Quel a été votre parcours depuis lors (quasiment un an) ?

Christophe : L’enregistrement de l’album, bien sûr, mais auparavant nous avons fait beaucoup de concerts, notamment à la rentrée.

Jérémie : On a aussi beaucoup évolué dans la façon de jouer nos chansons.

Ambroise : A cette époque là (NDLR : en juillet dernier), on voulait faire l’album tout seul et peu après on a rencontré Julien Delfaud, qui a finalement réalisé le disque, et là encore cela a été une rencontre assez évidente. Dès qu’on l’a vu, on s’est dit que c’était avec lui qu’on allait faire l’album.

Donc dans ce temps-là, il y a eu cette rencontre avec Julien Delfaud, et juste avant l’enregistrement de l’album, on a fait beaucoup de concerts, de premières parties dans toute la France. C’est là qu’on a posé les bases de l’album, c’est-à-dire quelque chose de plus rythmé que ce qu’on avait fait auparavant, une interprétation un peu plus vécue aussi, plus brute.

Ensuite, il y a eu l’arrivée de la batterie, qui s’est faite avec le début de l’album et grâce à la présence de Julien Delfaud, qui nous a orientés vers ça. Nous on hésitait, et cela a été le fruit d’une longue réflexion et d’un cheminement qui a énormément été influencé par le nombre de concerts que l’on a fait. En résumé, toutes ces expériences vécues depuis un an nous ont été extrêmement bénéfiques car elles nous ont permis de savoir exactement ce qu’on voulait faire sur l’album. Et depuis l’enregistrement, on a composé quelques nouvelles chansons.

Sur votre album, les arrangements sont distillés par petites touches. La batterie apporte une couleur que vous n’aviez pas forcément sur scène quand vous n’étiez que tous les trois. Est-ce une volonté pour vous de ne pas trop charger les arrangements pour mettre en avant les voix ?

GrasAmbroise : On a envie de garder les voix au centre de la musique, c’est ce qu’on aime le plus : les harmonies, le respect des textes…

Jérémie : Dans l’album, il y a aussi une volonté de ne jamais en faire trop, qu’on entende toujours l’essentiel, la mélodie.

Christophe : Oui, on voulait rester assez directs, aller à l’essentiel. Et puis aussi qu’on puisse entendre précisément les arrangements. Dans l’album, tout est assez clair, il n’y a pas d’arrangements cachés.

Jérémie : C’est pour ça qu’on peut parler de "pop de chambre", parce que ça reste très petit effectif, ce n’est pas symphonique…

Ambroise : On avait cette volonté d’aller à l’essentiel depuis toujours, cette recherche de l’évidence, ce rejet du superflu. On a quelque chose à dire, et on a envie de le dire de la façon la plus directe possible.

Votre album est une vraie réussite, mais un peu à l’image de votre concert aux Bouffes du Nord, si on devait lui trouver un défaut, ce serait ce côté un peu trop maîtrisé, trop parfait. N’avez-vous pas parfois envie de sortir un peu de ce cadre et de sonner plus rock sur certaines chansons ?

Ambroise : Julien Delfaud nous a permis de lâcher un peu prise, de se laisser plus aller à des choses non maitrisées. On est très appliqués, c’est notre qualité et c’est aussi un défaut : parfois, on manque de laisser-aller dans certaines choses. On en a conscience et on essaie d’aller vers ça. C’est une progression, et je pense qu’on a évolué dans ce sens depuis notre premier EP sorti il y a un an, et j’espère qu’on va continuer dans ce chemin-là.

Christophe : Je ne prends pas la maîtrise comme une sorte de reproche…

Ambroise : Non, c’est vrai, mais je vois ce que tu veux dire : c’est vrai qu’on a un peu du mal à assumer des défauts ou des imperfections.

Jérémie : Mais ça vient aussi du fait qu’on est un peu minimaliste.

Ambroise : Il y a peu d’éléments qui salissent le truc, donc c’est vrai que ça reste tellement épuré que finalement ça sonne propre. Mais ça fait partie de notre identité.

"Music For A While" est donc votre premier album. Pour les jeunes groupes, c’est souvent un rêve d’adolescent qui se concrétise. Votre disque sort dans quelques semaines, quels sont vos sentiments alors que c’est sur le point de se réaliser pour vous ?

Ambroise : En fait, comme les choses se font très progressivement, petit à petit le rêve est repoussé. Mais quand on y repense, on réalise combien notre histoire est incroyable, c’est sûr. Le rêve adolescent est encore très présent en moi car c’était il n'y a pas si longtemps que j’ai eu le rêve d’arrêter mes études pour faire que de la musique.

Christophe : Maintenant, on va voir ce qu’il va donner cet album.

Ambroise : Et on a envie de le défendre, puis d’en refaire d’autres.

Christophe : C’est une quête sans fin. Ce n’est pas parce qu’on sort un album qu’on se sent satisfait, on a toujours l’envie et le stress d’écrire de nouveaux morceaux, et on pense déjà à ce qui va suivre. En fait, on n’est jamais extrêmement serein.

Ambroise : On est toujours un peu en remise en question, et c’est ce qui fait qu’on avance. Autour de nous, on a des gens qui nous poussent, qui ont de l’ambition pour nous et cela nous oblige à ne jamais nous reposer sur nos lauriers. C’est la meilleure attitude à avoir. "Don’t Take It For Granted" comme dirait Bob Dylan.

Christophe : Tu imagines qu’il dit ça à 60 ans, "ne rien prendre pour acquis"…

Ambroise : Mais lui, il peut.

Oui, il sait de quoi il parle je pense…

Christophe : C’est le type qui a écrit le plus de chansons au monde…

Ambroise : Depuis Charles Trénet ! (rires)

Christophe : C’est juste fou, il écrit tellement et il continue à dire ça !

C’est un bel exemple…

Ambroise : C’est un modèle, c’est clair. Même si son dernier album est décevant. Mais l’avant-dernier était très bon. On est tous fans du Dylan des années 2000, mais là le dernier je le trouve moins bien.

Neil Young aussi a sorti un nouvel album cette année dont l’accueil a été moins chaleureux.

Ambroise : Je ne l’ai pas écouté. Mais Neil Young, j’ai l’impression qu’il est nostalgique de ses jeunes années et qu’il essaie de refaire ce genre de folk alors que Dylan, lui, est à des milliards d’années lumière de ses premiers albums. Il se réinvente sans cesse et c’est pour ça que je considère Dylan encore comme un artiste actuel. Neil Young, c’est plus un monument historique.

A l’écoute de Music For A While, on pense par moments à Cocoon, notamment sur "Luke, Mike and John". Leur premier album et la tournée qui a suivi ont connus un engouement étonnant. Ce succès sympathique semble être lié d’une part à la chanson "On My Way", qui a été en quelque sorte leur carte de visite, leur porte d’entrée, et d’autre part au fait qu’ils ont écumé sans cesse les salles de concert au cours de l’année. Pensez-vous que "Balulalow" ou "Luke, Mike and John" seront vos "cartes de visite"? Les avez-vous composées dans cet esprit ?

Ambroise : C’est marrant qu’on parle de "Luke, Mike and John" parce que pour moi, ce n’est pas une chanson évidente comme carte de visite. "Balulalow" un peu plus, déjà. On a eu beaucoup de mal à trouver un single pour cet album parce qu’on n’a pas du tout raisonné dans ce sens. Là où je trouve que c’est un bon album, c’est qu’il n’y a pas de déchet, toutes les chansons pourraient quasiment être défendues comme un single (il baisse la voix). Et ce n’était pas forcément le cas sur l’album de Cocoon (rires).

Ça sera répété…

Christophe : Et amplifié… (rires)

Mais c’est vrai que sur leur disque, plusieurs chansons sortaient du lot, le vôtre est plus homogène.

Ambroise : Oui, c’est vrai, mais ce que j’aime beaucoup dans leur succès, c’est que c’est venu très progressivement et c’est vraiment venu du fait qu’ils ont fait énormément de concerts.

Christophe : C’est vraiment sain comme succès, ce n’est pas un truc programmé qui a explosé d’un coup.

Avez-vous la même approche de la scène qu’eux, c’est-à-dire aller défendre votre album dans toute la France, aller au maximum au contact des gens pour leur faire découvrir votre musique ?

Revolver (en chœur) : Oh oui, absolument !

Jérémie : On veut aller vendre nos albums à la sortie de chaque concert !

Je suppose que tout ça va s’accélérer dans les semaines à venir ?

Ambroise : On espère, oui.

Christophe : Ce sera plutôt à la rentrée car cet été, on ne fait pas trop de festivals. J’espère qu’on pourra faire le maximum de concerts.

Ambroise : La scène, c’est un vrai défi pour nous, c’est quelque chose qu’on a envie de faire le mieux possible. Ça va être une vraie conquête : au même titre qu’on a essayé de faire un bon album, on va essayer de faire une belle tournée, la plus dense possible. On aimerait avoir le plus de dates rapprochées possible, partir sur la route, c’est un vrai fantasme.

Christophe : Et puis vendre ses albums à la fin des concerts, c’est là où tu peux conquérir chaque personne.

Ambroise : "Toi, tu seras fan, ma fille !" (rires)

Interview réalisée pour Froggy's Delight.

Phoenix "Wolfgang Amadeus Phoenix"

Phoenix, on y est venu progressi-vement, ça n’a pas été un coup de cœur immédiat. On les laissait même un peu de côté, il faut bien le dire. Jusqu’à ce que l’on se rende compte que finalement, non, au contraire de tant d’autres groupes tombés dans l’oubli, Phoenix n’est pas le groupe d’une seule chanson (« If I Ever Feel Better »). Et c’est encore moins le groupe pour midinettes qu’on a pu décrire par le passé. Ils ont su poursuivre leur voie, en restant exigeants envers eux-mêmes, et sans gagner à la facilité du Rock FM (Kings Of Leon, quelqu’un ?). Tout le mérite leur revient, et nous pouvons maintenant affirmer que l’engouement qu’ils suscitent depuis des années chez un nombre toujours croissant d’admirateurs était bel et bien justifié.

Phoenix, c’est l’histoire d’une mésentente. On ne s’est vraiment penché sur leur cas qu’avec le précédent album, « It’s Never Been Like That », aux sonorités rock plus affirmées. On ne les avait pas oubliés, loin de là. On avait même écouté leur premier album, l’inégal « United », et son tube « If I Ever Feel Better » – sans vraiment adhérer à l’enthousiasme qu’il suscitait. On avait beaucoup aimé le suivant, « Alphabetical », aux tonalités plus soul et aux compositions plus abouties. Et voilà trois ans, ils ont débarqué avec « It’s Never Been Like That », disque à la fraîcheur et à l’énergie contagieuses, bourré de tubes en puissance. Nous avons alors dû nous rendre à l’évidence : ce groupe a vraiment quelque chose de plus. On se demandait comment ils allaient pouvoir faire mieux sur leur quatrième album, et là réponse vient de nous arriver : avec ce nouveau disque, Phoenix change de catégorie et entre dans le club très fermé des grands groupes pop.

Non que Phoenix se soit métamorphosé en l’espace de trois ans – on retrouve ici leur son, leur patte –, mais ils ont grandi. Les quatre versaillais semblent avoir trouvé ici la parfaite alchimie entre l’électro-soul de leurs débuts et les aspirations pop-rock de « It’s Never Been Like That ». Sans conteste, le groupe se bonifie avec le temps et délivre avec « Wolfgang Amadeus Phoenix » son meilleur album. Le plus cohérent, le plus abouti.

Il n’y a quasiment aucun déchet sur ce disque, si ce n’est un léger coup de pompe sur la fin (« Count Down » et « Girlfriend », légèrement en retrait). Pour le reste, on est tout simplement renversé par tant de maîtrise. A commencer par cet incroyable instrumental de plus de sept minutes, « Love Like A Sunset », qui reprend les choses là où le groupe les avait laissées trois ans plus tôt (« North »). A ceci près que ce titre est autrement plus ambitieux et complexe que son sympathique prédécesseur. Presque six minutes d’une impressionnante montée d’adrénaline où l’on pense tour à tour à Radiohead (période « Kid A ») puis à Air. La chanson se compose d’un diptyque dont le deuxième volet – habité par la voix de Thomas Mars, débarrassée ici de tous ses tics – fait retomber la tension. Il conclut le titre par une partie apaisée et lumineuse, qu’on dirait tout droit sortie du dernier « Viva La Vida Or Death And All His Friends » de Coldplay.

Si « Love Like A Sunset » est leur morceau de bravoure, l’album regorge de pépites, toutes plus impressionnantes les unes que les autres. En tête « Lisztomania », qui a tout pour devenir un tube énorme. Portée par une rythmique titanesque et une mélodie accrocheuse, elle concentre tout ce que l’on aime chez Phoenix. « 1901 » est du même acabit, et nous permet d’apprécier l’apport de la production de Philippe Zdar (membre du groupe Cassius, qui a produit l’album dans ses studios) sur les chansons du groupe. « Fences » est un sommet de délicatesse auquel Phoenix nous avait peu habitué. Encore une fois, la production est extrêmement léchée, tout en restant sobre. Thomas Mars n’a sans doute jamais aussi bien chanté, et cela explique pourquoi ce titre s’avère si touchant. Un peu plus loin, l’introduction de « Lasso » surprend avec sa ligne de basse et son chant inspirés par Of Montreal. Un des titres les plus directs et résolument rock de l’album, aux variations d’intensité bien pensées. « Rome » est un sommet de plus, révélateur des progrès accomplis par le groupe, et une des plus belles chansons qu'il ait composé. Au final, l’album peut paraître assez court (36 minutes, 10 chansons, voire 9 si l’on regroupe « Love Like A Sunset » en une seule partie), mais il est d’une intensité telle qu’il n’y a rien à redire. Par ailleurs, on ne peut que louer la production, très travaillée et qui enrobe magnifiquement les compositions des français. De par la qualité de ses chansons, des arrangements, du chant, du jeu de guitare, des sons de clavier,… Phoenix parvient une nouvelle fois à se surpasser, et l’on se demande où ils vont s’arrêter…

« Nul n’est prophète en son pays » : cette maxime colle depuis trop longtemps à la peau des versaillais. « Wolfgang Amadeus Phoenix » marquera-t-il la fin du – relatif – désamour entre Phoenix et le public français ? Car depuis ses débuts, ils est assez surprenant de constater le décalage entre l’énorme engouement qu’ils suscitent chez nos confrères anglo-saxons et la relative froideur qui accueille régulièrement leurs disques en France. Phoenix vient clairement de passer un cap de célébrité outre-Atlantique : ils sont tout d'abord devenus le premier groupe français à passer au show télévisé Saturday Nigh Live – une véritable institution, ayant accueilli tout ce qui se fait de mieux sur la planète rock. Puis, dans la foulée, leur nouveau bébé est venu se placer directement en tête des téléchargements dès sa sortie aux Etats-Unis.

Quel accueil leur sera réservé dans l'Hexagone ? Impossible de savoir, et là n'est pas l'essentiel. Avec cet album, et jusqu’à ce que Air sorte de sa tanière – à condition que ceux-ci redressent la barre après un « Pocket Symphony » mou du genoux–, Phoenix s’impose sans discussion possible comme le plus grand groupe français actuel, et comme l’autre groupe hexagonal incontournable des années 2000. Les deux seules choses qu’ils auront ratées avec cet album, c’est son titre et sa pochette. Pour le reste... Chapeau bas, messieurs !

Lire également la critique de l'album sur Froggy's Delight.

jeudi 21 mai 2009

Patrick Watson "Wooden Arms"

C’est parfois un exercice difficile que de critiquer un disque, pour exemple ce dernier album de Patrick Watson, qui dispose d’indéniables qualités, mais qu’on n’arrive pourtant pas à trouver autrement que décevant. On aimerait en dire du bien, mais on n'arrive pas accrocher. Il faut dire que le Québécois avait placé la barre sacrément haute il y a trois ans avec l’album qui l’avait fait connaître au grand public : « Close To Paradise », magnifique recueil de chansons habitées par un souffle lyrique, une émouvante mélancolie et un touchant côté enfantin.

On a eu l'occasion de le voir à deux reprises lors de la tournée marathon qui s’en était suivie (au Trabendo puis aux Bouffes du Nord), et il nous avait à chaque fois subjugué. Patrick Watson est un O.V.N.I. musical naviguant à contre courant. Ses concerts sont des expériences toutes particulières où, dans une hilarité assez incongrue, il nous envoûte de sa voix planante. C’est un sacré personnage, réellement passionnant sur scène et accompagné d’un excellent groupe (The Wooden Arms) totalement acquis à sa cause et dont les arrangements mettent magnifiquement en avant ses compositions.

Bref, Patrick Watson est une de nos meilleures découvertes de ces dernières années. Et c’est pourquoi on est d’autant plus déçu par ce « Wooden Arms », clairement pas à la hauteur de son prédécesseur. Aucun titre n’arrive à la cheville de chansons telles que « Luscious Life », « The Great Escape », « The Storm », « Close To Paradise », « Giver », ou encore « Man Under The Sea ».


C’est bien là où le bât blesse : les chansons. Sur « Close To Paradise », son second album, les arrangements étaient à leur service, plutôt en retrait, créant une atmosphère planante, un univers original, coloré et captivant. Ils enrobaient les titres dans de somptueux ornements, mettant en lumière les mélodies. Là, le groupe donne l’impression d’expérimenter à tout va, et met en exergue son côté bruitiste et ses aspirations d'aventurier sonore. En cela, « Wooden Arms » ressemble davantage au premier album de Patrick Watson, « Just Another Ordinary Day », très inférieur à son successeur.

Tout cela sonne comme si Patrick Watson avait laissé encore plus son groupe prendre possession de son univers. Là où la porte était entrouverte sur « Close Paradise », elle est grande ouverte ici, et la confusion entre le titre de l’album et le nom du groupe du Québécois est assez révélatrice. D’au service des compositions de son chanteur, The Wooden Arms est devenu un tout, un ensemble noyant les mélodies sous des couches sonores (certes souvent virtuoses), et semblant étouffer quelque peu la créativité de son leader. On peut également imaginer qu’après leur éreintante tournée, les québécois étaient tout simplement harassés et que ce virage plus expérimental leur aura permis de se ressourcer.

Mais les chansons n’étant pas à la hauteur, tout ça tourne rapidement dans le vide, à notre plus grand regret. Le piano, qui dominait de sa grandeur « Close To Paradise », se fait ici plus discret, moins mélodique, plus rythmique, cantonné à une peau de chagrin alors qu’il évoquait tout un monde sur l’album précédent. Reste la voix, à la puissance évocatrice sans pareille.

L'album débute par un titre en faux semblant, plutôt trom-peur : "Fireweed". Avec ses faux-airs de « The Rip » de Portishead, il nous rappelle les émotions procurées par « Close To Paradise », sans qu'il soit de la qualité de ses précédentes compositions. Il monte progres-sivement en intensité, avec des chœurs planants derrière, mais se termine en queue de poisson. « Tracy's Waters » installe une atmosphère intéressante avec ses percussions avant que la voix, puis le bandjo, les cordes et le piano viennent s’y mêler. Mais c’est la voix de Patrick Watson qui change tout et rend la chanson autrement plus intéressante. Le groupe a diversifié sa palette musicale sur cet album et n’a pas cherché à reproduire le son de « Close To Paradise ». Il a notamment travaillé avec de nouveaux instruments et cherché à mettre davantage en avant les rythmes. Bref, il a trouvé de nouvelles idées, mais malheureusement, elles apparaissent moins bonnes, ou en tout cas moins bien concrétisées que sur le disque précédent.

« Beijing », avec son piano étrange et ses percussions originales, accroche l’oreille au début, mais tourne au rond au bout d’un moment. La chanson ne démarre jamais vraiment. Pourtant, le refrain contient un potentiel mélodique incroyable (« it was the sound of the city… »), mais ce n’est pas ce qui semble intéresser le groupe ici, et c’est bien dommage. « Wooden Arms » nous redonne des couleurs : c’est le sommet de cet album, la preuve que Patrick Watson est encore capable de nous bouleverser avec trois fois rien. On salive déjà de la version live que le groupe nous concoctera, en espérant qu’elle sera aussi étonnante que celle de « Man Under The Sea ». « Hommage » est un court instrumental bercé par un quatuor à cordes. Apaisant, mélodieux, mais pas franchement passionnant.

« Traveling Salesman » est hanté par un son de synthé tout droit sorti d’un film d’horreur, on pense à « La Cité des Enfants Perdus » de Jeunet. On attend la mélodie qui fera partir la chanson, mais elle ne viendra jamais. « Big Bird In A Small Cage » commence de façon très prometteuse, puis s’oublie en route. Elle demeure une belle chanson, mais trop répétitive, et du coup pas nécessairement indispensable. Pourtant, les voix se mêlent parfaitement l'une à l'autre, et les chœurs qui s'élèvent sur la fin sont plutôt beaux. Mais rien de comparable à « The Great Escape » encore une fois. « Down At The Beach » débute par une indigeste introduction de 2 minutes, puis se rétablit un peu lorsqu’apparait la voix céleste de Patrick Watson, survolant avec grâce ce magma sonore. Mais celle-ci disparait trop rapidement à notre goût (à peine trente secondes) et la chanson repart ensuite dans un no man’s land où percussions, arpèges de piano et ligne de basse se répondent sans vraie logique et sans réelle harmonie. La fin réserve toutefois une belle surprise : de magnifiques arpèges de harpes, mais qui ne suffisent pas à rattraper le niveau de l’ensemble.

« Man Like You » essaie de nous refaire le coup de « The Storm », mais encore une fois, bien que la chanson tienne la route, on décroche au fur et à mesure. Une fois de plus, on se dit qu’on attendait tellement mieux de la part de Patrick Watson… « Where The Wild Things Are » n’est pas déplaisante et sonne de façon assez originale avec ses pizzicato de cordes, son xylophone, mais la mayonnaise ne prend qu’à moitié. Pour conclure, « Machinery Of The Heavens », plus enlevée et avec une vraie mélodie accrocheuse, relève le niveau et redonne – un peu tard – des couleurs à l’album. Mais elle aurait gagné à être plus concise.

Il y a beaucoup de choses intéressantes dans cet album, mais ça part trop dans tous les sens, et l’alchimie ne prend pas. Quelques passages sont pourtant magnifiques, mais trop peu de chansons tiennent la route sur la durée. Le groupe a cherché sur « Wooden Arms » à multiplier les pistes, à diversifier sa palette, à ne pas rechercher la facilité. Davantage que le travail d'un songwriter, le disque semble ainsi être le fruit des expérimentations sonores de ces musiciens aguerris. L’intention était louable, mais le résultat n’est malheureusement pas à la hauteur.

Au final, "Wooden Arms" est l'album le plus lumineux de Patrick Watson, mais le noir semble davantage lui convenir. Malgré ce léger accroc, on ne peut que vous inciter à aller voir Patrick Watson et ses « Bras de Bois » sur scène. C'est là où son univers et surtout sa voix donnent leur pleine mesure, où ses chansons prennent toute leur dimension, et où il parvient à nous subjuguer.

Lire également la critique de l'album sur Froggy's Delight.

mardi 19 mai 2009

PJ Harvey & John Parish (Bataclan, 17 Mai 2009)

« A une époque, lors de mes tournées, je ne jouais aucune chanson de Ten Years After. Je ne faisais que des nouveaux titres pour tenter d’échapper à ce que j’appelle le « syndrome du juke-box itinérant » (…). Puis un jour je suis allé voir Jerry Lee Lewis en concert et il n’a joué aucun de mes morceaux rock favoris. Je me suis promis que je ne traiterai plus jamais mon public de la sorte ». Ces propos d’Alvin Lee (Rock & Folk n° 492, Août 2008, p.36), ancien leader du groupe culte des 70’s Ten Years After, on ne les comprend que trop alors que l’on ressort du Bataclan dans un état de frustration rarement atteint à la suite d’un concert.

La soirée avait pourtant bien commencé, avec une sympathique première partie : Tom Brosseau, chanteur folk américain, se présente seul devant nous avec sa guitare, visiblement impressionné et pas très à l’aise. Avec son look de premier de la classe, il paraît tout fragile, et même si, physiquement, il a quelque chose de Bowie jeune, la comparaison s’arrête là. En effet, le jeune américain, contrairement à son homologue anglais, semble être doté d’un charisme d’endive. Fort heureusement, il possède une très belle voix, et ses chansons sont plus qu’honorables (notamment le très beau « Here Comes The Water Now »). Nous ne courrons pas acheter son nouvel album (« Posthumous Success »), mais son honnête première partie était une bonne introduction au concert tant attendu de PJ Harvey.

21h : précédée de son groupe et de John Parish, PJ Harvey arrive, mettant fin à l’insoutenable attente. Vêtue d’une robe noire, pied nue, cheveux noirs, bougeant de façon totalement désordonnée, sourire vissé aux lèvres derrière son micro, elle fait irrémédiablement penser à une petite fille (et ce malgré ses bientôt 40 ans). Le concert débute par « Black Hearted Love », chef d’œuvre de rage contenue ouvrant le dernier album. D’emblée, on est consterné par le manque d’envergure de l’interprétation livrée par le groupe ce soir : les guitares rugissantes et le chant puissant ont fait place à des six cordes sous anesthésie, bien trop sages, et à une voix à peine audible. On ne le savait pas encore, mais ce sentiment de déception allait se poursuivre tout au long de la soirée, et on ne se remettra jamais vraiment de cette impression de gâchis initial.

La faute à qui ? La faute à quoi ? Comme on le craignait avant le concert, la coupable est toute désignée : la set-list. C’est bien simple, les titres joués ce soir sont exclusivement tirés du dernier (et très inégal) « A Woman / A Man Walked By » et du dispensable « Dance Hall At Louse Point », précédent album écrit conjointement par John Parish et PJ Harvey en 1996. On a longtemps gardé l’espoir d’entendre ce soir des extraits de « Uh Huh Her » ou de « Stories From The City, Stories From The Sea », mais le suspense a rapidement tourné court, puisque juste avant d’attaquer la splendide « Leaving California », la fluette anglaise prend le temps de préciser que « ce soir, le groupe ne jouera que des titres composés par John Parish et (elle) ». Consternation immédiate… Il est vrai que l’affiche annonce « PJ Harvey & John Parish », et on se doutait bien que ce « A Woman / A Man Walked By » occuperait une place de choix ce soir, mais de là à jouer l’album dans sa totalité et à faire abstraction du reste de son impressionnante carrière et de 7 de ses 9 albums, il y a plus qu’un pas… Certes, on ne s’attendait pas à ce que PJ nous délivre un best of ce soir, mais on n’a clairement pas obtenu ce qu’on était venu chercher…

Nous éprouvons le plus profond respect pour cette artiste, et notamment pour son désir toujours plus ardent de toujours se renouveler. C’est la marque des grands, et peu d’artistes aujourd’hui en sont capables avec autant d’audace et de réussite qu’elle. Mais on avait déjà été à moitié convaincu par son dernier album qui, s’il contenait pas moins de cinq pépites (« Black Hearted Love » en tête, suivie de « Sixteen, Fifteen, Fourteen », « Leaving California », « The Soldiers », et « Passionless, Pointless »), comptait également trois chansons proprement insupportables (« April », « A Woman A Man Walked By », et surtout l’épouvantable « Pig Will Not »). Et force est de constater qu’il n’y a pas grand-chose à sauver de « Dance Hall At Louse Point », dont quatre extraits seront joués ce soir.

1h20 de concert, 15 titres, tout ça paraît qui plus est un peu court. Le public semble curieusement conquis, et on a la sensation bizarre qu’il était acquis d’avance. Il en réclame davantage, crie, siffle, tape dans ses mains tout ce qu’il peut. C’est vraiment une étrange expérience que de se retrouver en décalage complet avec la majorité d'une salle. Lorsque l’anglaise revient pour un rappel, des spectateurs lui réclament certains titres, mais celle-ci explique qu’ils ne les connaissent pas, qu’ils ne les ont pas répétés. Elle s’en sort avec une pirouette, avouant qu’ils n’ont « pas assez d’espace de mémoire » et ajoutant « quand tu auras mon âge tu comprendras… ». Le public en rigole, on ne peut s’empêcher de rire jaune.

Au final, il y aura eu quelques moments de grâce pure : « The Soldiers », magnifique titre accompagné d’un ukulele et de quelques notes de piano ; « Leaving California », sûrement la plus belle chanson du dernier album où la splendide voix de PJ Harvey est magnifiquement mise en valeur par le jeu de guitare sobre de John Parish ; « Sixteen, Fifteen, Fourteen » et son banjo rock & roll, et la très belle « Passionless, Pointless ». Pour le reste, rien que des expérimentations bruitistes touche-pipi – ou presque. On ne sera d’ailleurs pas loin du ridicule sur « A Woman A Man Walked By » et « Pig Will Not ». Le concert se terminera par « April », où la chanteuse gémit tellement qu’on a envie d’abréger ses souffrances, et les nôtres par la même occasion.

Une question reviendra sans cesse durant le concert : « Mais quand va-t-elle empoigner sa guitare, bon sang ? ». On espèrera en vain jusqu’à la dernière note sans succès. Ce n’est pas la PJ Harvey qu’on espérait voir qui a joué ce soir, et rarement on sera sorti à ce point énervé d’un concert. La prochaine fois que nous serons amenés à voir l’anglaise sur scène, nous veillerons à ce qu’il ne soit pas mentionné « & John Parish » sur l’affiche. Ça nous évitera d’éprouver la désagréable sensation d’avoir été en quelque sorte pris en otage, embarqué dans une aventure qu’on imaginait autrement plus excitante. C’est fort regrettable, mais faisons lui confiance pour redresser la barre lors de sa prochaine tournée.

Set-list PJ Harvey : 01 Black Heated Love, 02 Sixteen, Fifteen, Fourteen, 03 Rope Bridge Crossing, 04 Urn With Dead Flowers In A Drained Pool, 05 Civil War Correspondant, 06 The Soldiers, 07 Taut, 08 Un Cercle Autour Du Soleil, 09 The Chair , 10 Leaving California, 11 A Woman A Man Walked By / The Crow Knows Where All The Little Children Go, 12 Passionless, Pointless, 13 Cracks In The Canvas, 14 Pig Will Not / rappel / 15 False Fire, 16 April.

Lire également la chronique du concert sur Froggy's Delight.

dimanche 17 mai 2009

General Elektriks "Good City For Dreamers"

"Good City For Dreamers" est la parfaite bande son de l'été, le compagnon sonore idéal aux futures heures passées à buller au soleil. Délicieusement groovy, il est traversé par des mélodies aériennes et porté par de merveilleux claviers old school. C'est un album pétillant, ensoleillé, tranquille, qui recèle des trésors cachés à ses quatre coins et dégage une fraîcheur des plus agréables.

General Elektriks, c'est en fait le projet solo d'Hervé Salters, français exilé depuis plusieurs années à San Francisco, où DJ Shadow l'a pris sous son aile. Collectionneur compulsif de synthés vintage et de claviers en tous genres, Hervé Salters a notamment fait un bout de chemin avec l'excellent groupe hip-hop américain Blackalicious (participation à l'enregistrement de l'album "The Craft" en 2005, et à la tournée qui a suivi). Auparavant, il avait publié le sympathique premier album de General Elektriks ("Cliquety Cliqk", 2003), dont est tiré le tube "Tu M’intrigues" (plus connue pour être la bande-son d’une publicité pour une célèbre marque de voiture).

Six ans après, General Elektriks accouche d'un des disques les plus enthousiasmants de l'année : "Good City For Dreamers" est une invitation au rêve, et un titre d'album aura rarement aussi bien porté son nom. C'est que sa musique est très cinématographique : elle passe en revue une multitude de paysages musicaux qui stimulent l'imagination de l'auditeur. Elle est puissamment évocatrice, ce qui explique que décrire l'étendue de l'univers de General Elektriks, la diversité des sons et des ambiances qui le traversent ne se révèle pas chose aisée.

L'écoute de l'album est un vrai voyage, une aventure, une découverte permanente. On va de surprise en surprise, plus excitantes les unes que les autres. L'univers musical est foisonnant, créant des climats et atmosphères différents d'une chanson à l'autre. Hervé Salters met en scène ses chansons comme un réalisateur de cinéma, et c'est sans doute pourquoi on croit souvent écouter la bande son d’un film. C'est aussi une des raisons pour lesquelles on pense souvent à Wax Taylor ici, autre français adepte des collages en tous genres et des mélanges de styles réussis. Sauf que dans le cas de General Elektriks, c'est Hervé Salters en personne qui se charge des voix, et l'ambiance est davantage portée vers la funk et la soul que vers le hip-hop. Mais de son expérience américaine du hip-hop, Hervé Salters a gardé un sens du groove incroyable.

Ainsi, "Good City For Dreamers" ressemble à un shaker géant où le français brasse un tas d'influences avec une réussite insolente. Fourmillant d'idées, de rythmes et de sonorités étranges, le résultat est épatant et révèle un talent pour le bricolage musical unique en son genre. On sent chez lui un vrai amour du son se traduisant par un sens de la mélodie et de l'orchestration rare. On l'imagine aisément passer des heures et des heures en studio à trifouiller sa vingtaine de claviers (dont celui utilisé par Stevie Wonder sur "Superstition") pour trouver LE son qu'il a en tête pour une de ses chansons. Orgues soyeux, nappes de cordes classieuses, claviers perchés dans les nimbes, riffs de synthés grinçants : c'est une véritable orgie de sons en tous genres que propose "Good City For Dreamers".

L'album débute par trois titres d'ouverture, tous excellents : "Take Back The Instant", et son clavier à la Stevie Wonder, emballe dès la première écoute. On est plongés d'entrée dans un incroyable tourbillon funk où claviers crasseux, basse montée sur ressorts, voix cadencée et batterie chaloupée se rendent coup pour coup. "Raid The Radio" tient sur une ligne mélodique obsédante : ce sifflement aérien qu'on ne peut s'empêcher de reproduire à l'envi, quelque soit l'endroit ou le moment. C'est un titre incroyablement addictif, qui ne vous quitte plus sitôt que vous l'avez écouté, et une véritable invitation au sifflotement. Sur "You Don't Listen", le tempo ralentit et se fait lancinant. La basse ronde, les claviers en retrait et sobres, la voix décontractée peignent un paysage douillet que la guitare vient régulièrement secouer de ses solos saturés. Mais le groove, bien que minimaliste, est plus que jamais là, et l'on prend toujours autant de plaisir.

"Helicopter", qui vient immédiatement après, nous convainc moins. Interprétée avec un son agressif et un tempo échevelé, elle durcit le ton et s'ancre clairement dans un esprit rock. Elle dégage énormément d'énergie, mais ne tient pas la comparaison avec les titres précédents. Au contraire de "Cotons Of Inertia", dont l'introduction semble tout droit sortie de la B.O. de Virgin Suicides (composée par Air). Portée par une superbe mélodie au piano, accompagnée d'un violoncelle et survolée par la voix sensuelle d'Hervé Salters, elle fait une nouvelle fois la preuve du talent du monsieur pour concocter des perles avec trois fois rien. Posant une atmosphère étrange et lancinante, cette chanson dégage une puissance érotique certaine.

Vient ensuite "Little Lady", LE tube de l'album, découvert une fois de plus sur Radio Nova qu'on ne remerciera jamais assez de nous sauver du marasme radiophonique ambiant. C'est tout simplement superbe : servi par des arrangements judicieux, sans superflu, c'est un petit chef d'oeuvre qui, comme "Raid The Radio", vous hante longtemps après son écoute. Il a l'évidence des plus grands tubes et une mélodie accrocheuse comme pas deux. Sautillante, mélodieuse, rythmée, sexy, c'est une chanson qui rend heureux et qui dégage un agréable parfum d'été, de soleil, et d'innocence.

La deuxième partie de l'album est un ton en-dessous, mais contient tout de même quelques passages magnifiques. "Engine Kickin'in", chanson sympathique, à l'ambiance lascive, commence comme la B.O. d'un James Bond et se poursuit comme du Jamiroquai. On change complètement d'univers avec "David Lynch Moments", qui va chercher du côté des dancefloor, où elle ferait sans aucun doute un ravage. On n'est jamais très loin de Hot Chip ou des Scissor Sisters ici, preuve qu'il est encore possible de réaliser une chanson dansante sans qu'elle soit immédiatement racoleuse. Si le couplet de "Gathering All The Lost Loves" demeure assez quelconque, c'est une chanson portée par une très belle partie de clavier et un très beau refrain. Sur "Mirabelle Pockets", le ton se veut résolument joyeux. On est ici dans le pastiche avec ce mélange entre piano de cabaret et guitares saturées. C'est à vrai dire un titre un peu débile et assez court, où Hervé Salters chante par onomatopées, le tout pour un résultat qui balance bien et fait mieux que tenir la route.

Le final de "Good City For Dreamers" met un peu plus encore le pied dans l'étrange, à commencer par "La Nuit Des Ephémères", instrumental de quatre minutes où Hervé Salters semble s'amuser comme un fou, à la recherche de sonorités toujours plus étonnantes. Au final, on est à mi-chemin entre un K2000 sous morphine et les bande-sons des films d'Hitchcock. C'est intéressant mais un peu trop redondant pour être réellement passionnant. Heureusement, un clavier bizarroïde vient casser cette dynamique un poil répétitive et redonner de l'élan sur la fin. Avec "Bloodshot Eyes", General Elektriks laisse entrer des sonorités jazz dans sa musique. Touches de clavier étranges, paroles sussurées, curieuse mélodie : bien qu'étonnante, la recette fonctionne, et le résultat est très convainquant. "Rebel Sun" clôt l'album par un titre aux accents latino, et va chercher ses influences du côté de la musique cubaine, le tout servi avec la touche General Elektriks. La chanson prend de l'ampleur dans la deuxième partie : la rythmique s'emballe, les arrangements deviennent plus fournis, et la voix se fait plus incisive. C'est une parfaite chanson de fin d'album, paisible et agréable.

Voilà... "Terminus, tout le monde descend" : le voyage au pays des rêves est terminé. Mais on n'a qu'une envie, c'est d'y replonger. C'est que cette musique sans frontières et à géométrie variable a quelque chose de jouissive. Habitée par un funk élastique, traversant différents âges et paysages musicaux, elle nous fait pénétrer dans un monde foisonnant tantôt cotonneux, tantôt épineux, parfois presque érotique (on retrouve un peu partout des mélodies lentes et suaves), et toujours passionnant. On en redemande, et on se mord les doigts d'avoir raté le passage de General Elektriks à la Maroquinerie en Avril tant ses performances live ont la réputation d'être incandescentes. Mais ce n'est que partie remise.

Lire aussi la critique de l'album sur Froggy's Delight.