lundi 29 juin 2009

Solidays investi par le "Front de Libération des Lapins Géants" (J3 - Dimanche 28 Juin 2009)

Ce matin, ce n'est pas Michael Jackson qui nous sort de notre tente, mais la chaleur, encore une fois insoutenable. On se précipite à la douche en quête d'un peu de fraicheur, mais on en aura pour nos frais : 1 heure d'attente... Le soleil tape fort, il n'y a pas un nuage à l'horizon et il fait très lourd. Comme depuis deux jours et ça devient de plus en plus dur. Où sont passés les orages et averses annoncés ? On en vient à se dire que les gens qui s'occupent de la météo, ça ne doit pas être leur vrai métier... Ils travaillent sûrement à la SNCF en temps normal.

Chaleur, donc... Le slogan "Sortez couverts" aura d'ailleurs rarement été aussi approprié : casquette et préservatif, voilà les deux ustensiles indispensables aux festivaliers de Solidays, surtout en cette édition 2009 placée sous le signe du beau temps (pour la deuxième année de suite, un bel exploit). Certains campeurs avaient prévu le coup et s'organisent pour combattre le soleil : on aperçoit notamment deux cow-boys à demi-nus dans une mini-piscine lancés dans un très sérieux duel aquatique . Dans un autre genre, on croise un mec en string fuyant les potes qui essaient de lui attacher une balle de tennis derrière la ficelle. Quand on vous disait que le soleil tapait fort...

Après un rapide tour au Village Solidarité (une centaine d'associations y sont représentées, que ce soit des associations françaises ou étrangères de lutte contre le SIDA, ou d'autres associations caritatives), qui a changé d'emplacement cette année et se retrouve sous un immense chapiteau (et donc à l'ombre), la dernière journée du festival débute par le concert de John & Jehn. Ce duo français exilé à Londres sonne comme un croisement entre The Kills et The Velvet Underground. Le duo joue serré, John torturant sa guitare pendant que Jehn s'excite sur son clavier. Leur concert fût très sympathique, mais il leur manque encore quelque chose pour passer le cap du groupe prometteur : des chansons plus accrocheuses et moins bavardes, un son moins faiblard, et un peu plus d'assurance. Un groupe à suivre.

En passant par l'espace presse, nous apprenons que le concert de Pep's, initialement prévu à 18h sous le chapiteau Domino, a été déplacé sur la grande scène Paris à 15h. Ça nous fait une belle jambe. Collé aux crash-barrières et ne manquant pas une note de leur concert, nous voyons progressivement renaître en nous l'excitation qui nous avait valu de devenir fan de Syd Matters. C'est que notre amour pour ce groupe avait été terni par un troisième album très décevant (Ghost Days) et une tournée pâlichonne. Rien de tel aujourd'hui, le groupe interprète une sorte de best of de ses trois albums, piochant allègrement dans ses deux premières merveilles (A Whisper And A Sigh et Someday We Will Foresee Obstacles) pour notre plus grand bonheur. Les rares titres de Ghost Days sont plutôt bien choisis : "Cloudflakes", "Everything Else",... Nous retrouvons le groupe fougueux et aventureux qui avait renversé La Cigale il y a de ça quatre ans. "End & Start Again", "Stone Man", "English Way", "Obstacles", "To All Of You", "Middle Class Men" : les petits chefs d'œuvre s'enchaînent sans temps mort. Le groupe est bon, soudé, concentré sur sa musique et, comme à son habitude, très réservé. Mais leur grande timidité n'est pas un obstacle lorsqu'ils proposent un concert du niveau de celui d'aujourd'hui. Ils se permettent même de reprendre l'intro de "Billie Jean" (hommage au King Of The Pop disparu dans la nuit de jeudi à vendredi) avant de se lancer dans l'épique "Stone Man". Pour pimenter tout ça, Rémi (guitares/clavier/chants) n'a rien trouvé de mieux que de se casser le poignet quelques jours avant le festival. Résultat : il joue plâtré, un médiator scotché à l'index de la main droite. Cela lui vaudra un moment de bravoure quand, sur "Stone Man", lancé à toute vitesse dans une série d'accords, son médiator se trouve projeté quelques mètres plus loin. La foule apprécie ce don de soi et l'acclame à plusieurs reprises. Sans renier nos premiers amours, on était allé à ce concert sans trop rien en attendre. On en ressort enchanté.

Dans un tout autre genre (le spectacle hip-hop de marionnettes), Puppetmastaz a dynamité le Dôme avec son show aussi hilarant qu'entraînant. Les personnages se succèdent, s'interpellent et se chambrent entre deux titres. Les Puppetmastaz, ce n'est pas qu'un concept fumeux censé contourner les règles établies du hip-hop. C'est avant tout et surtout, un collectif de MC au flow tonitruant capable de produire des titres de l'envergure de "Bigger The Bitter", tube ultime du groupe. Postés derrière le rideau, marionnettes à la main et micro à la bouche, ils assurent comme des bêtes. Qui aurait cru qu'un jour des marionnettes pourraient conquérir une scène de festival ? Seul défaut de leur set : au bout d'un moment, on se lasse un peu musicalement parlant, les morceaux étant relativement similaires. En même temps, sous le petit chapiteau Cesar Circus, Piers Faccini délivre un concert magnifique. Sa musique est difficilement descriptible : tendant vers le folk, mais traversée de mélodies, rythmiques et sonorités tantôt arabisantes, tantôt bluesy, tantôt africaines. Elle est portée par une voix splendide et des compositions non moins magnifiques. Ce chanteur anglo-italien a sorti cette année son troisième album, Two Grains Of Sand, qu'on recommande chaudement (tout comme ses prédécesseurs Leave No Trace et Tearing Sky). Accompagné par un groupe dans lequel on aperçoit Laetitia Sheriff à la basse, ce concert fut un de nos gros coups de cœur du festival. Cet artiste aussi attachant que brillant reviendra à Paris le 16 Décembre prochain à La Cigale, salle qui se prêtera sans doute mieux à la délicatesse de ses chansons.

Pendant que le Patchwork des Noms se déroule sur la scène Paris, nous allons nous ressourcer au Bout Du Monde, véritable havre de paix ombragé respirant le calme. Un moment de détente (et de fraîcheur) bienvenu avant d'aller voir Ayo. Si l'on est pas vraiment fan de ses chansons gorgées de soul, de reggae et de folk (un peu trop lisses à notre goût), on doit avouer qu'elle se débrouille vraiment bien sur scène. Visiblement très émue de l'accueil fait par les spectateurs, elle écrasera quelques larmes durant son concert. Malgré un malheureux accident quelques jours avant Solidays (une fausse couche), la longiligne et séduisante allemande est là et bien là. Sa voix légèrement éraillée, à la fragilité captivante, est bien en place. On ne changera pas d'avis sur les morceaux de la dame, mais on ne peut qu'applaudir sa performance.

Direction l'ex-Yougoslavie désormais. C'est Emir Kusturica & The No Smoking Orchestra qui se pointe sur la scène Bagatelle pour mettre le bazar dans le cadre un poil trop ronronnant du festival. Vêtu d'un improbable costume bleu ciel moulant tendance chauve-souris (super sexy), le chanteur fait rire au début, mais se révèle être une véritable bête de scène. Multipliant les poses ridicules, invectivant le public, jouant avec ses musiciens (dont un Emir Kusturica stoïque et barbu à la guitare électrique), il assure le show sans se démonter.
Musiques tziganes, rock (allant jusqu'à reprendre l'intro de "Smoke On The Water" de Deep Purple), folklorique, frôlant par moment le hip-hop slave aux paroles incompréhensibles, le cocktail détonnant du No Smoking Orchestra est un bain de jouvence hédoniste, du grand n'importe quoi élevé au rang d'art. Les titres phares du groupe, qui compose les B.O. des films de Kusturica, sont chantés à tue-tête par le public : "Pitbull Terrier" et "Fuck You MTV" en tête.
Un interlude est même proposé, le temps d'organiser un concours de virtuosité mettant aux prises le violoniste du groupe et Emir Kusturica à la guitare. Le principe ? Le jeu consiste à tendre un archet (de taille normal, puis de plus en plus grand, jusqu'à arriver à un archet géant) en hauteur et à laisser le violoniste et le guitariste se débrouiller pour jouer en faisant glisser leur instrument sur l'archet. De la haute précision. Ils font monter deux filles sur scène (pas mal choisies, les filles) pour réaliser la tâche ardue de tenir l'archet en hauteur.
Ils ne se prennent pas au sérieux et s'amusent comme des petits fous sur scène : on a l'impression de voir des gamins dans une cour de récréation. Le résultat est euphorisant car, loin de ne faire que les imbéciles, ce sont de très bons musiciens qui savent faire décoller les foules en un rien de temps. Peu avant un final épique, le chanteur fait signe aux spectateurs de monter sur scène, ce qui aboutit à une invasion de scène totalement bordélique et incontrôlable. Ce concert jubilatoire fût l'un des meilleurs moments du festival.

On file immédiatement à l'Espace Presse, où les conférences de presse d'Emir Kusturica puis de Manu Chao nous attendent. En arrivant, on découvre une Ayo courtisée de toute part par une horde de journalistes. Attendant que le tourbillon passe, nous parvenons à demander à la chanteuse une photo, qu'elle accepte avec grand plaisir, juste avant de repartir vers d'autres aventures. Au milieu de tout ça, personne ne semble remarquer Pep's, qui, doit se demander ce qu'il fait là. Alors que le nombre de personnes attendant patiemment dans la salle d'interview augmente petit à petit, la nouvelle tombe : conférences annulées pour Emir Kusturica et Manu Chao. Génial.


On rejoint notre petit groupe devant la scène Bagatelle, où les Wampas s'apprêtent à retourner le festival. Sur le trajet, nous croisons un rasta endormi en plein milieu du passage vers la grande scène, c'est-à-dire à l'endroit où il y a le plus de passage à la minute. Il s'en faut d'ailleurs de peu pour que les gens ne lui marchent dessus. Pendant l'attente, on nous dit le plus grand bien du concert de Caravan Palace, malheureusement placé en même temps que celui d'Emir Kusturica & The No Smoking Orchestra. Dommage. Alors, quid des Wampas ? Comme à chacun de leurs passages, ils ont pris d'assaut la scène et le public pour ne les relâcher qu'une fois complètement lessivés. Punk-rock joué à toute berzingue, chansons enchaînées sans répit, show frapadingue de notre conducteur RATP préféré, qui crie plus qu'il chante, se jète dans le public, et charrie Manu Chao (qui joue juste après) sur la chanson du même nom : "il est là cette année, je l'aurai ! je l'aurai!". Mais oui, Didier, mais oui. Le groupe qui, comme chacun le sait, a "inventé le rock & roll" joue comme si sa vie en dépendait, constamment à 200%, collant au cul de son chanteur survitaminé. La fosse n'est plus que sueur et corps s'entrechoquant, le public rugit son bonheur. Les Wampas, même la dixième fois, c'est toujours aussi bon.

Dernier groupe avant le clou de la soirée, Cocoon revient à Solidays après un passage remarqué l'an dernier. Un peu à l'image des Ting Tings, ils ont acquis en un an une notoriété non négligeable à force de tourner sans relâche dans toute la France. Du coup, ils changent de dimension et jouent sous le grand Dôme dans une formation complète (avec bassiste et batteur). Alternant entre titres du premier album déjà en passe de devenir des classiques ("On My Way", "Vultures", "Christmas Song", "Chupee", "Owls", "Paper Boat") et chansons du prochain album (qui ne parlera que d'animaux marins), Cocoon donne un très beau concert. L'apport de la batterie et de la basse se fait ressentir, les chansons ont plus d'allant.
Comme à l'accoutumée, Mark et Morgane, les jeunes et beaux chanteurs du groupe (lui à la guitare, elle au clavier) rivalisent d'humour et d'auto-dérision. Un groupe vraiment sympathique à défaut d'être révolutionnaire, et au succès mérité. On a pu vérifier à Solidays d'une part que leur côte de popularité était au beau fixe et d'autre part que le duo était toujours aussi attachant et passionnant en live. S'ils franchissent avec succès l'épreuve du deuxième album, ces deux-là semblent bien partis pour s'installer durablement dans le cœur des français, en attendant pourquoi pas de conquérir ceux d'autre pays.


S'il y a un artiste français pour qui le succès international n'a plus de secret, c'est bien Manu Chao. Celui qui est un vrai Dieu-vivant en Amérique du Sud a l'honneur de clore la 11ème édition du festival, accompagné par son groupe de toujours, Radio Bemba. Après une première demi-heure très classique et pas vraiment surprenante pour qui a déjà vu l'ancien leader de la Mano Negra en concert (énormément d'énergie, tempo échevelé, alternance de rythmes reggae et rock, solos de guitares énôôôôrmes, Manu qui donne du "Bombala Bombala Bombala" et du "Oh Yo Oh, Oh Yo Yo Yo", repris en cœur par le public), celui-ci baisse le tempo pour une longue plage où, pour une fois, il joue ses titres en entier. C'est que lors de ses précédents concerts, il avait la désagréable habitude d'entamer ses chansons puis de les faire partir dans des versions ska certes euphorisantes mais un peu lassantes à force. Lors de son passage à Bercy il y a un an, il était resté 3h30 sur scène, enchaînant sans répit des versions speedés de ses titres, et nous laissant au final sur les rotules. Si la performance est remarquable, on apprécie qu'à l'occasion de son passage à Longchamp, il ralentisse un peu la cadence et nous laisse apprécier jusqu'au bout ses petites ritournelles latino. Ainsi, "Clandestino", "La Rumba de Barcelona", "Me Llaman Calle", "Desaparecido" ou encore "La Vida Tómbola" retrouvent un second souffle, pour notre plus grand plaisir. Puis Manu Chao refait parler la poudre pour un final enflammé dont il a le secret. Devant les rugissements de plaisir du public, il se lance dans un titre de Sibérie M'était Comptée. L'organisation, veillant scrupuleusement à ce que les horaires soient respectés, coupe le son à deux reprises, mais Manu Chao, imperturbable, poursuit son concert. Le titre se poursuit en un "Pinocchio" d'anthologie, dédié à "tous ces politiciens, tous ces menteurs". Les bénévoles de Solidays montent sur scène et, en communion avec le public, prolongent le plaisir pendant de longues minutes en chantant à tue tête l'air de "Pinocchio". La fête est belle, mais comme tout bonne chose, elle a une fin. Un concert de Manu Chao trop court, qui aurait cru que ce serait possible ? Après 1h30 d'un concert intense de part en part, il se retire, laissant les spectateurs le réclamer pendant un bon moment, mettant par la même occasion Luc Barruet, le président de Solidarité Sida, dans l'embarras. Ceux qui désirent poursuivre la fête pourront voir Manu Chao lors de sa tournée française en septembre.












"Un lapin rose je vous dis ! De cette taille là !"



"Un vrai géant, grand comme ça ! Vous ne l'auriez pas vu ?"

Pour notre part, nous quittons le festival pour une dernière nuit au camping avant de revenir à notre train train quotidien. Le retour à la réalité sera difficile. Alors que nous pensions avoir eu notre quota de surprises pendant le Week-End, une de taille nous attend à la sortie. A mesure que nous nous en approchons, nous percevons une grande excitation devant les barrières de sortie. Arrivés à proximité, nous tombons sur une scène surréaliste : des centaines de festivaliers accrochés aux grillages, scandant en chœur "Libérez les lapins ! Libérez les lapins !" devant quelques membres de la sécurité du festival visiblement dépassés. C'est que, non contents de lutter avec ferveur pour la libération des centaines de sculptures de lapins géants de toutes les couleurs disséminés sur le champ de course de Longchamp (initiative du Cracking Art Group), certains festivaliers vont jusqu'au bout de leurs idées en sautant par-dessus les grillages et en tentant de subtiliser les lapins au nez et à la barbe des agents de sécurité. Ce qui aboutit à des plaquages mémorables et des courses poursuites fort amusantes. Sauf qu'on imagine que ces lapins doivent coûter une fortune, et on peut comprendre le peu d'humour du service de sécurité, qui repousse à grand peine les assaillants. Tout ça finit par se calmer, et on ressort définitivement de l'enceinte, après que les bénévoles, amassés à la sortie, nous aient adressé un dernier au revoir.


Encore une édition réussie pour Solidays. Beau temps, concerts de qualité, bonne ambiance : le festival était bel et bien placé sous le signe du plaisir solidaire. Que demander de plus ? Eventuellement une mise au pas du programmateur de Radio Camping ? Non, une Nuit du Zapping pardi ! Fort d'un bilan très positif (152 000 festivaliers sur les 3 jours, et environ 1,5 Millions d'€ récoltés), Solidarité Sida relance l'aventure de la nuit du Zapping, qui passera par Bercy le 24 Octobre prochain avant de partir en tournée dans toute la France. 5000 place à 15€ sont dors-et-déjà en vente pour la date de Bercy. N'attendez pas !

Festival couvert pour Froggy's Delight.

Merci à Nicolas Patault pour ses photos.

Solidays : "Shut Up And Let Me Sleep" (J2 - Samedi 27 Juin 2009)

On a connu réveil plus agréable. Non, mais franchement... A quoi pensaient les organisateurs en installant des haut-parleurs aux quatre coins de l'enceinte et en diffusant dès 9h du mâtin la radio du camping à fond les manettes ? On n'a rien contre les Scissor Sisters, Madonna, AC/DC, Manu Chao, ou même l'animateur de "Radio Camping" (quoi que...), mais force est de constater qu'outre l'heure matinale, la programmation musicale se révèle assez douteuse... Passons les détails, mais il est vrai que s'il est assez insupportable - quel que soit le moment - de se voir imposer l'écoute de "Free From Desire" de Gala ou de "Wannabe" des Spice Girls (ah, les années 90 et la dance....), allez donc imaginer leur effet au réveil... Et puis oui, on sait : Michael Jackson est mort. C'est triste. Mais pas à 9h du matin ! Surtout quand c'est pour passer quatre fois "Heal The World" par heure. OK, OK, on exagère un peu, mais le bilan reste peu glorieux : réveillé contre notre gré après quatre petites heures de sommeil, la tête comme un pastèque et, pour ne rien arranger, chaleur insoutenable sous la tente et pas franchement plus supportable dehors... Réveillé, donc, mais pas franchement opérationnel...

Vous l'aurez compris, je ne suis pas vraiment du matin... Pour partir d'un meilleur pied, je décide d'aller prendre une douche (froide, la douche). Je constate que la tente de nos voisins a disparu en cours de nuit, ce qui est somme toute plutôt intriguant. Cela devient même plutôt marrant quand on nous raconte que les deux occupants de la tente en question sont revenus du festival la nuit précédente sans savoir où était partie leur tente, ni qui l'avait prise. Une tente mobile : ils sont vraiment forts chez Décathlon... Honnêtement, qui ne rêve pas de pareille surprise en revenant d'une journée de festival ? Cette histoire sent à plein nez la mauvaise blague d'amis sous l'emprise de l'alcool (c'est le terme officiel). Direction la douche, donc. En chemin je croise (non, pas un lapin rose géant, même si ça aurait pu...) deux potes tout heureux d'avoir déniché - je ne sais où - une bouteille de whisky et semblant fort pressés de revenir à leur tente pour la descendre. Je vérifie l'heure, des fois qu'on ne m'aurait pas mis au courant d'un quelconque décalage horaire. Mais non, c'est bien ça : il est 9h10, et tout va bien. Je constate d'ailleurs en avançant vers les douches que loin d'être un cas isolé, ces deux énergumènes sont plutôt en retard sur le timing : des apéritifs collectifs s'improvisent en effet déjà un peu partout dans le camping. Malgré la fouille très rigoureuse pratiquée à l'entrée et le nombre impressionnant de bouteilles réquisitionnées, on constate qu'une quantité non négligeable d'alcool circule dans le camping. Les petits heureux passés entre les mailles du filet font d'ailleurs profiter à qui veut le fruit de leur victoire, prouvant par là les valeurs profondément socialisantes de la boisson.

Revigorés par la douche froide, nous entamons notre journée de festival par une visite à l'Exposition "Renaître à la Vie", sur laquelle Solidays met les projecteurs cette année. Constituée à l'initiative du Fonds Mondial de Lutte Contre le SIDA, cette expo regroupe le travail de 8 photographes ayant suivi à travers le monde et sur plusieurs années 33 personnes infectées par le virus et bénéficiant d'un traitement. Plusieurs écrans munis d'un casque audio sont placés dans la salle, chacun étant libre de choisir le pays qui l'intéresse (Haïti, Pérou, Mali, Afrique du Sud, Rwanda, Swaziland, Inde, Russie et Vietnam). Nous voyons défiler un diaporama par-dessus lequel les personnes photographiées et leurs proches témoignent de leur vie avec la maladie. Les photos sont très belles, les témoignages émouvants, le message très fort. Regarder toutes les vidéos nécessiterait de passer la moitié de l'après-midi devant l'écran, mais c'est une expérience à recommander. Le livre tiré de l'exposition est lui aussi très beau (il reprend les mêmes photos et témoignages que ceux visibles dans les vidéos) et vaut le détour.

Alors que nous sortons de l'exposition, nous tombons sur la scène France 4 (la chaîne fait une émission en direct du festival ce soir, avec plusieurs artistes invités) où Alela Diane effectue sa balance. Avant même de parler de musique, ce qui nous choque d'emblée, ce sont... ses cheveux. Qu'en a-t-elle fait ? Après la frange, les cheveux courts : Alela Diane semble en plein crise capillaire... Pour ce qui est de la musique, de crise il n'y a point, le baromètre est au beau fixe : après avoir sorti cette année son très beau second album (To Be Still), l'américaine est demandée partout et s'apprête à parcourir de long et en large le vieux continent dans une tournée marathon (31 concerts d'ici à mi-septembre, avec des aller-retour entre l'Europe et les Etats-Unis !) au cours de laquelle elle passera en France à plusieurs reprises. Pour sa balance, elle chante deux fois de suite "The Ocean" et, même interprété en dilettante, l'esprit ailleurs, le résultat est remarquable et de toute beauté. Outre ses brillantes compositions, on ne tarira jamais assez d'éloges sur la voix chaude et mélancolique de la chanteuse. Plus tard, en début de soirée, elle envoûtera complètement le chapiteau Domino avec des chansons telles que "White As Diamonds", "Pirate's Gospel", "The Ocean", "Lady Divine", ou encore "Tatted Lace". Le temps semblera alors suspendu pendant une heure au-dessus de Longchamp, comme retenu par une magicienne folk à la voix céleste et aux cheveux courts... Elle enchaînera ses plus grands titres sans temps mort. En deux albums et à à peine 26 ans, elle s'est déjà constitué un répertoire à faire frémir de jalousie n'importe quel chanteur.

Après les prestations pas vraiment mémorables des Québécois de Creature (pop-rock dansante vaguement électro et lorgnant sur les 80's : malgré toute la volonté du monde, il leur est difficile de cacher le manque de profondeur de leur musique, et leur concert tourne rapidement dans le vide) puis des français de La Casa (un énième groupe marchant sur les plate-bandes de Noir Désir dans ce qu'ils ont de plus agaçant, faisant même parfois penser au spectre honni de Cali), place à Stephanie McKay, artiste autrement plus intéressante. Son album Tell It Like It Is, paru en fin d'année dernière, s'inscrit dans la lignée du revival soul dont Raphael Saadiq et Erykah Badu sont les principaux ambassadeurs. Même goût pour la soul des années 70, sublime voix au timbre délicieusement éraflé, rythmiques funky, compositions classieuses, mélodies accrocheuses,... Stephanie McKay a tout pour devenir une grande dame de la soul, mais il lui reste encore des progrès à faire sur scène. Tout agréable qu'il fût, son concert n'avait rien à offrir de comparable avec la démonstration de Raphael Saadiq au Bataclan en avril dernier. Si son album comporte de bonnes chansons ("Jackson Avenue", "This Letter", "Where Did Our Love Go ?", "Little More Time"), leurs versions live sont moins enthousiasmantes. Ce n'est pas faute de se dépenser : quelque part entre Macy Gray et Ms.Dynamite, l'américaine occupe sans relâche le devant de la scène, fait le show tout en restant sobre, misant sur l'impact de sa voix. Mais ce n'est pas suffisant, et à vouloir trop être mise en avant, peut-être Stephanie McKay oublie-t-elle quelques ingrédients essentiels à tout bon concert soul : des choristes et des cuivres. Leur absence se fait cruellement ressentir et, du coup, si bon que soit son groupe, les versions live manquent de relief et d'allant. C'est dommage, mais il en restera tout de même un bon concert et un moment agréable.

Non loin de là, sous le Dôme, Amadou & Mariam entament leur show. Leurs rythmiques africaines sont de tels appels à la danse qu'on en oublie presque la grande naïveté des paroles et le caractère un peu répétitif des titres. La musique des deux Maliens vise à faire battre les coeurs, à donner du plaisir, et remplit très bien sa fonction. Accompagnés par un percussionniste, un batteur, une guitariste, un bassiste, un clavier et deux choristes dansant en synchronisation, Amadou & Mariam parviennent sans grande difficulté à faire danser les spectateurs du Dôme du début à la fin de leur concert.

Immédiatement après vient le grand moment de la journée : Keziah Jones sur la grande scène, devant laquelle une foule immense l'attend de pied ferme. Précédé par son batteur et son bassiste, il débarque sur scène torse nu, pantalon africain bariolé et converse rouges. Après trois titres dont un "My Kind Of Girl" un peu expédié, il se lance dans une danse endiablée, jouant avec son public et bougeant son corps musculeux dans tous les sens. Rapidement, on sent que quelque chose cloche : trop de passages instrumentaux, pas assez de mélodies. Keziah Jones fait étalage de ses incroyables talents de guitariste, mais semble oublier qu'il est aussi un excellent chanteur. Du coup, et même s'il sort le grand jeu sur sa six cordes, on ne s'enthousiasme pas vraiment, contrairement à son magnifique concert à l'Olympia en janvier dernier. La fin du concert remontera un peu le niveau d'ensemble avec une reprise endiablée du "All Along The Watchtower" de Jimi Hendrix, puis "Beautiful Emilie", où Keziah Jones fait chanter le refrain au public (qui n'attend que ça) et, enfin, la chanson tant espérée et passage obligé de chacun de ses shows : "Rythm Is Love". L'effet bœuf est instantané : ce titre a vraiment quelque chose de magique. Le nigérian se retire, puis revient pour un rappel intense mais qui retombe dans les travers du début de concert : Keziah Jones utilise sa guitare comme percussion. Si impressionnant que ce soit, on ne rentre pas vraiment dedans. Ainsi, malgré de très bons moments, on reste globalement sur notre faim. On a plutôt eu l'impression d'assister à un concert en pilote automatique, et on aurait aimé entendre davantage de titres de la trempe de "Long Distance Love", "Familiarize", ou "My Brother". Pourtant, le concert fût plutôt bon, mais le nigérian nous a tellement habitué à placer la barre très haut qu'on ne peut qu'être déçu.

Après un détour par le centre névralgique du festival pour quérir une bière bien fraîche, nous nous approchons du chapiteau Cesar Circus, rempli à ras bord pour écouter les ballades pop-folk de Yodelice. Celui qui s'est fait connaître avec l'excellent titre "Sunday With A Flu" donne un très beau concert, bien aidé par ses compositions de très bonne facture, aux tonalités organiques et imprégnées d'un brin de tristesse. Un arbre de décoration que Tim Burton n'aurait pas renié occupe la scène non loin du guitariste. Autre atout : le français au chapeau à plume dispose d'une magnifique voix, avec beaucoup de caractère. Au final, ce concert reste une excellente surprise et force est de constater que les commentaires positifs ayant suivi la publication de son album Tree Of Life sont parfaitement justifiées. Les chansons de Yodelice n'ont certes rien de révolutionnaire, mais elles sont de très bon goût, interprétées avec une grande conviction, et tissent une univers souvent fantasmagorique qui intrigue et interpelle. Pour finir, il nous offre une reprise étrange et toute personnelle de "Smell Like Teen Spirit" : lancinante, ténébreuse, une vraie réussite. La lumière perce rarement dans la musique de Yodelice, mais c'est un vrai bonheur que de l'écouter chanter.

Sans temps mort, nous nous rendons sous le chapiteau Domino, où jouent les anglais de Friendly Fires. Nous ne connaissons d'eux que le sympathique morceau "In The Hospital", enlevé et dansant. Leur concert se résumera à un électro rock aux sonorités synthétiques joué à grand renfort de grosses caisses, très proche dans l'esprit de Hot Chip, Metronomy ou Late Of The Pier. Très hype, donc. Malheureusement, les compositions ne suivent pas vraiment et manquent d'originalité. De plus, le chanteur s'époumone tout ce qu'il peut d'une voix plutôt agaçante. Bref, on est pas vraiment fan. On en vient à bailler assez rapidement, et du coup on tourne les talons pour aller attendre les Ting Tings à l'autre bout du festival.

Sur le chemin, nous croisons Keziah Jones interprétant "Lagos vs. NY" sur la scène France 4, plutôt une bonne surprise. A l'inverse, sur le chemin, nous passons très vite devant la scène Paris où Bénabar aligne ses fadasses chansonnettes aux paroles marrantes ou indigestes, c'est selon. Si le personnage est fort sympathique (nous avons pu le vérifier plus tôt dans l'après-midi en conférence de presse) et s'il se révèle être un très bon show man, on le regarde avec consternation chanter de sa voix plate ses aventures trépidantes avec sa machine à laver et sa brosse à dent... Alors que nous arrivons en avance pour The Ting Tings, nous écoutons avec amusement une bande de joyeux lurons passablement alcoolisés raconter avec ferveur et avec maints détails croustillants le show de "Bénabouze", qui semble avoir troqué sa machine à laver pour des papillons... Première remarque concernant les Ting Tings : ils ont enfin réussi à se débarrasser de leur méticuleux mais horripilant roadie rouquin. Le duo anglais avait été la révélation du festival l'an dernier, et on se souvient avec émotion de leur fantastique concert sous le minuscule chapiteau Cesar Circus. On les avait revus quelques jours plus tard au Festival de Benicassim, où ils avaient une nouvelles fois impressionné. L'évolution en un an est considérable : ils ont pris une dimension énorme, joué à plusieurs reprises à guichets fermés à Paris (notamment au Bataclan), et c'est devant une bonne dizaine de milliers de spectateurs qu'ils vont se produire ce soir.

Ce concert est l'occasion de constater à quel point il est difficile de tenir une si grande scène, qui plus est à deux, voire toute seule. En effet, Jules de Martino reste la plus part du temps derrière sa batterie et laisse le soin à Katie White - encore une fois terriblement sexy dans son rôle de Betty Boop rock & roll - d'assurer seule le show. Elle s'en sort avec les honneurs (il faut dire qu'elle stimule quelque peu les hormones de la gente masculine), même si on peut lui reprocher une certaine froideur dans son attitude. Mais ne sont pas les Kills qui veut. Si bons que soient les Ting Tings et leur album (We Started Nothing, sorti l'an dernier, et véritable carton commercial), ils ne disposent pas encore d'un répertoire leur permettant de postuler au rang de grand groupe rock. Car si leur disque recèle quelques tubes électro-rock rendant ivres de plaisir un public les connaissant sur le bout des doigts ("Shut Up and Let Me Go", "Great DJ", "That's Not My Name", "Keep Your Head", "Be The One"), le reste est un peu moins consistant. De plus, même si le concert sera au final une vraie réussite, un pur moment de défoulement, avec des titres jouissifs déjà élevés au rang d'hymnes, force est de constater que le show des Ting Tings n'a quasiment pas évolué en un an. Pas de nouveaux titres, même jeu de scène, versions identiques,... Du coup, à aucun moment on n'est vraiment surpris. On attend désormais avec impatience le second album du duo, en espérant retrouver autant de machines à danser que sur We Started Nothing.

C'est parti pour la seconde nuit électro. Début des hostilités avec Beardyman, extraordinaire human beatbox qui, par la seul magie de sa bouche, fait danser les milliers de personnes entassées sous le chapiteau, rendant notamment à plusieurs reprises hommage à la machine à tube qu'était Michael Jackson. Vraiment étonnant. La seconde moitié de son set, plus orientée électro, sera moins passionnante même si de bonne facture. Le moment le plus attendu de la nuit sera le passage sous le Dôme de DJ Zebra. Le champion des bootlegs rock made in France n'a pas son pareil pour mixer des titres qui n'ont, a priori, rien en commun, et en tirer de petites bombes. L'exemple le plus marquant reste "J'Arrive" de Joey Starr, doublé de la marche de l'empereur de Star Wars, le tout donnant un résultat explosif : "Joey Starr Wars" (DJ Zebra se targuant d'avoir, lui, réussi à amener Joey Starr à Solidays). Un grand moment de n'importe quoi et un amusant jeu de devinettes musicales. Seule petite critique : la plupart des bootlegs joués ce soir sont connus depuis un moment déjà, un peu de renouvellement ne ferait pas de mal à DJ Zebra.

Toutes nos plus plates excuses à Buraka Som Sistema, Autokratz, Surkin et Girl Talk, mais la fatigue se faisant grandement ressentir, nous sommes rentrés plus tôt que prévu au camping. Au moment de se coucher, on espère de toutes nos forces que la station émettrice de "Radio Camping" sera détruite pendant la nuit, ou que les hauts-parleurs deviendront subitement défectueux... N'importe quoi, mais par pitié laissez-nous dormir !

Festival couvert pour Froggy's Delight.

Merci à Nicolas Patault et Eddy pour leurs photos.