lundi 21 septembre 2009

Pacovolume "Manhattan Baby"

Quelques mois après le EP CookieMachine, Pacovolume sort son premier album, Manhattan Baby. Lequel est à coup sûr l'un des tous meilleurs disques français de cette rentrée. C'est frais, c'est léger, c'est pop, et le tout dégage beaucoup de charme. Pacovolume, songwriter oenologue au parcours atypique, n'est pas pour ainsi dire un inconnu puisqu'il était déjà présent sur la compilation CQFD 2007 des Inrocks (pour la chanson "CookieMachine").

On découvre un univers bouillonnant aux influences anglo-saxonnes parfaitement assumées, avec beaucoup de guitare acoustique, un accent anglais sans tache, des ritournelles mélancoliques mais sans lourdeur et un vrai sens de la mélodie. Chaque titre impose un univers particulier, les arrangements sont recherchés et colorés (des cuivres, quelques claquements de doigt et un peu d'électro sur "4th Street Approximately", un ukulele, quelques touches de xylophone et des choeurs qu'Elliott Smith n'aurait pas reniés sur la magnifique "Judas", de splendides cordes indiennes sur l'ultime "Discontinued Things", ici et là des claps de main, des carillons, des claviers, des cordes,...). On sent percer le perfectionnisme de Pacovolume : rien n'est laissé au hasard sur ce disque. Même la très belle pochette attire l'oeil et éveille la curiosité.

Au petit jeu des influences, il apparaît que le multi-instrumentiste français a beaucoup de goût : il y a du David Bowie ("CookieMachine"), du Jarvis Cocker ("Ordinary Man") et du Win Butler ("Wolves") dans sa voix. On songe aussi à la B.O. de Once ("Tony Orlando and the Fantastic Five"). Son chant, gorgé de ferveur, développe un phrasé entraînant, ses refrains donnent des ailes : Pacovolume dispose indéniablement d'un vrai talent pour tisser des pièces pop.

A l'écoute de la très belle "Girl In The Choir" on manque de s'étrangler, mais non, on ne se méprend pas : il y a bien quelque chose en elle de Tennessee. Comme tout premier disque, Manhattan Baby charrie son lot de défauts : il manque notamment un ou deux singles évidents qui tireraient l'album vers le haut. On peut aussi déplorer quelques passages moins intéressants ("A Minor Peace", "Tony Orlando and the Fantastic Five") et un jeu de guitare parfois prévisible. Pacovolume flirte par moments avec la grandiloquence mais sans jamais franchir la limite. Il évite avec habileté bien des écueils et démontre une vraie maturité dès son premier essai.

Ainsi, ce premier album dégage plein de charme malgré ses légers défauts. Manhattan Baby, à la pop raffinée de bout en bout, est un disque rond et chaud, à la mélancolie ensoleillée. A l'image du clip chamarré de "Cookie Machine", la musique colorée de Pacovolume s'avère être le parfait remède à la grisaille et aux premiers froids de l'automne. Les bons albums pop français ne sont pas légion, réjouissons-nous d'avoir trouvé là un candidat sérieux et doué.

Lire également la critique de l'album sur Froggy's Delight.

dimanche 20 septembre 2009

Wax Tailor "In The Mood For Life"

En l'espace de deux albums malins et rafraîchissants (Tales Of The Forgotten Melodies en 2005, Hope & Sorrow en 2007) et une participation à la B.O. de Paris ("Seize The Day", véritable bijou), Wax Tailor a imposé un style, au croisement des chemins du hip-hop, de l'électro, du down tempo, du trip-hop et de la pop. Son succès au-delà de nos frontières a ouvert une brèche, et ce brassage des genres a trouvé écho en France chez Sporto Kantès et General Elektriks, qui ont fait évoluer la formule vers d'autres directions.

Wax Tailor a trouvé sa voie avec son splendide premier album Tales Of The Forgotten Melodies (qui comportait les magnifiques "Que Sera", "Our Dance", "How I Feel" et "Walk The Line") puis étoffé son style sur le second (Hope & Sorrow), qui pointait déjà quelques limites malgré des titres excellents ("The Games You Play", "Positively Inclined", "The Man With No Soul" et "To Dry Up"). Il confirme avec son nouvel opus tout le bien que l'on pense de lui, sans toutefois parvenir à gommer les faiblesses déjà entrevues par le passé.

Sur ce In The Mood For Life au titre clin d'oeil à Wong Kar Wai, il n'y a pas vraiment de surprise ni de nouveauté : Wax Tailor fait du Wax Tailor. Le résultat est très bon, et il prouve une fois de plus qu'il n'a pas son pareil pour mixer habilement les genres. Mais les disques du DJ français se suivent et se ressemblent, et c'est bien là le problème. Mêmes fulgurences géniales, mêmes sonorités, même défauts : l'effet de surprise est retombé et on aimerait le voir prendre un peu plus de risques.

On retrouve une nouvelle fois ici une ribambelle de collaborateurs venus poser leur flow sur la bande, qu'ils soient de nouveaux venus (le suédois Speech Defect sur l'entraînante "B Boy On Wax", la chanteuse soul anglaise Dionne Charles sur "Leave It", d'inspiration Motown, Charlie Winston, qui s'en sort avec les honneurs sur "I Own You") ou des fidèles de la première heure (l'envoûtante Charlotte Savary qui apparaît sur quatre titres, et Mattic). Ils apportent tous une touche personnelle au hip-hop orchestral et mélancolique du français. In The Mood For Life propose des arangements méticuleux où la flûte traversière, le violoncelle, les scratchs, samples et bouts de dialogues cinématographiques jouent souvent les premiers rôles, comme c'était déjà le cas sur les précédents disques. Le résultat se révèle coloré, aérien, enthousiaste, et sans doute moins sombre qu'à l'accoutumée.

Il y a beaucoup à se mettre sous la dent sur ce troisième disque. Peut-être même trop (51 minutes, 19 titres et de nombreux intermèdes) : Wax Tailor gagnerait à être moins bavard, à distiller avec davantage de parcimonie ses interludes urbains et ses passages de films qui sont certes sa marque de fabrique, mais alourdissent l'écoute et donnent un côté fouillis à l'ensemble. On apprécie davantage ses titres rythmés et dansants que ses compositions down tempo ("Go Without Me", "Dragon Chasers", "Fireflies"). Le constat reste le même que sur ses deux précédents albums : bien que porté par quelques chansons de très haute volée ("B Boy On Wax", qui a de faux airs de "Positively Inclined", "No Pity", "Leave It", "Sit And Listen", "Say Yes",...), on reste un peu sur notre faim. Pourtant, même si In The Mood For Life ne comporte pas de titres du niveau de "How I Feel" ou "Que Sera", c'est peut-être le disque le plus cohérent de Wax Tailor. Mais on sait qu'il peut faire encore beaucoup mieux.
Lire également la critique de l'album sur Froggy's Delight.

samedi 19 septembre 2009

The Asteroids Galaxy Tour "Fruit"

Ne surtout pas se fier à l'hideuse pochette SF du disque, comble du mauvais goût : ce duo venu du froid (Danemark) mérite le détour. On plonge avec délice dans leur Fruit, disque de pop haut en couleurs, à la fois funky, psychédélique, groovy et sucré. Deux singles énormes et sautillants ("Around The Bend", bande son d'une pub pour iPod et "Lady Jesus"), des rengaines accrocheuses à défaut de faire preuve d'originalité ("The Sun Ain't Shining No More", "Push The Envelope", "Satellite", "The Golden Age") : The Asteroids Galaxy Tour sont parfaitement dans l'air du temps et le succès les guette à coup sûr.

Outre le monde sonore foisonnant construit autour de leurs chansons, la principale qualité du duo, c'est le chant étonnant de la chanteuse, Mette Lindberg. Il évoque à la fois les intonations haut perchées de Olivia Bouyssou Merilahti, chanteuse franco-finlandaise de The Dø (c'est même flagrant sur l'insipide "Hero") et les feulements sensuels de Nina Person (chanteuse de The Cardigans et de A Camp, son projet solo). On songe aussi parfois à Shirley Manson (Garbage) pour son côté animal. C'est que la voix de Mette Lindberg dégage quelque chose de suave et sensuel : on l'imagine aisément dans la peau d'une redoutable tentatrice. On regrettera juste ses penchants pour la minauderie.

Les trois derniers titres sont purement anecdotiques et en-deça du niveau des autres morceaux. Mais le temps de sept chansons, The Asteroids Galaxy Tour (vraiment étrange ce nom de groupe) nous ont montré qu'ils avaient plus d'un tour pop dans leur manche. Ils pondent avec Fruit un premier album encourageant aux refrains accrocheurs quoique trop répétitifs. Reste à savoir si les danois sauront élever le niveau par la suite et produire des chansons aux strucutres plus étoffées et aux mélodies plus recherchées. Ce serait préférable, car le charme d'un premier album fait qu'on l'écoute souvent avec plus d'indulgence. Mais si leurs compositions sont certes encore un peu trop légères pour les prendre complètement au sérieux, c'est frais, agréable à écouter et prometteur. On ne peut pas en dire autant de nombre de groupes, donc c'est toujours bon à prendre.

Lire également la critique de l'album sur Froggy's Delight.

samedi 5 septembre 2009

Kasabian "West Rider Pauper Lunatic Asylum"

Et si après tout Kasabian, vilain petit canard du rock anglais qu'on raillait avec un malin plaisir, était un (très) bon groupe ? Une formation capable de rivaliser avec les ténors actuels du rock ? La question se pose désormais. Si on se veut de bonne foi, on dira qu'ils ont été occasionnellement bons par le passé, notamment sur leur premier album éponyme ("L.S.F.", "Club Foot", "Reason Is A Treason") avant de verser complètement dans l'indigeste avec un second album ampoulé (Empire). Pour ne rien arranger, leurs prestations live laissaient sérieusement à désirer et Kasabian traînait à raison une réputation de poseurs. Leur air de branleurs suffisants était en effet proprement insupportable (Oasis avaient les chansons qui allaient avec, à l'époque). Bref, la bande de Leicester était bien partie pour être notre tête de turc ad vita aeternam. Et ça nous convenait totalement tant ils avaient le profil parfait du groupe tête à claques. Oui, mais voilà : il viennent de sortir un album grandiose, ce West Rider Pauper Lunatic Asylum qui nous laisse pantois. Et ça change tout.

Ce troisième disque regorge de petites bombes, à commencer par "Where Did All The Love Go" et "Fire", dont les refrains nous collent à la peau comme des sangsues. On ne se rappelle pas avoir écouté chansons aussi excitantes depuis le dernier Eagles Of Death Metal. La première surprise, c'est que même s'ils ne sont toujours pas de grands compositeurs, les deux leaders (Tom Meighan au chant et Sergio Pizzorno à la guitare) arrivent enfin à écrire des chansons là où ils se contentaient auparavant d'aligner les riffs pompeux et répétitifs. Seconde agréable nouvelle : la voix du chanteur, aux tics honteusement pompés sur Liam Gallagher, ne fait plus grincer des dents. On avouera même (du bout des lèvres) qu'il chante ici très bien. Troisième scoop : les titres de Kasabian, plus pop que jamais, ont désormais des teintes psychédéliques. Rien ne laissait présager que ces bourrins seraient un jour capables de tant de subtilité. Par magie, l'âne bâté est devenu pur-sang. Et pour couronner le tout, West Rider Pauper Lunatic Asylum est splendidement produit.

C'est simple : les trois-quart des titres sont formidables. Ca commence sur un riff énorme, ce "Underdog" à décorner les boeufs. On enchaîne avec "Where Did All The Love Go", assurément LE tube de l'été et un des tous meilleurs titres écoutés cette année. Qui, en 2009, est encore capable de mélanger avec cette insolente réussite guitare acoustique, mélodie pop étourdissante, cordes arabisantes, basse lourde et beats electro ? Par les temps qui courent, les chansons pop de ce niveau et aussi efficaces - dès la première mesure, notre corps entier devient incontrôlable - se comptent sur les doigts de la main. "Fast Fuse" sonne comme une version speedée et mature de "Club Foot". Tout ça est impressionnant de maîtrise et il est difficile de se remettre de ce départ en trombe.

Mais la suite de l'album n'est pas en reste : "Take Aim" renverse les shémas habituels du groupe, qui n'a jamais sonné aussi organique (la guitare acoustique, les cuivres). "Thick As Thieves" montre que les anglais peuvent se muer en songwriter doués et que Tom Meighan a enfin appris à chanter. "West Rider Silver Bullet" ne ressemble à rien de ce qu'a pu faire Kasabian auparavant. Nappes de cordes fluctuantes, riff minimaliste et menaçant, mélodie recherchée, batterie lancinante, coeurs aériens : on se croirait chez Ennio Morricone. Après un léger coup de moins bien, les deux derniers titres viennent raviver le feu sacré : "Fire" donne envie de bondir partout comme Roger Rabbit sur son lit ("mille et un, mille et deux..."). Le motif de guitare sautillant et le refrain sont tout simplement irrésistibles. "Happiness" clôt ce petit chef d'oeuvre de pop psyéchédélique par un moment de douceur et de mélancolie encore une fois surprenant de réussite. On croirait même entendre du Blur.

On est quand même embêté de dire autant du bien de West Rider Pauper Lunatic Asylum, car avec cet album, les Kasabian vont se croire encore un peu plus les rois du monde. On reconnaîtra que ça se justifie mieux à présent. Kasabian s'est sacrément creusé la tête sur ce disque et le résultat est à la hauteur de leurs efforts. Désormais, ils tiennent le haut du pavé et Arctic Monkeys trouve là un rival insoupçonné. Reste à savoir si ce disque permettra de relever le niveau de leurs pataudes prestations scéniques.

vendredi 4 septembre 2009

Arctic Monkeys "Humbug"

Les années passent et Alex Turner continue de pondre les albums à un rythme effréné (quatre en trois ans en comptant The Age Of The Understatement des Last Shadow Puppets) tout en mettant la barre un peu plus haut à chaque fois. Après la splendide réussite de son projet en compagnie de Miles Kane (chanteur du groupe anglais The Rascals) l'an dernier, l'attente concernant ce nouveau Arctic Monkeys était énorme. On n'est pas déçu. De l'eau a coulé sous les ponts depuis 2006 : les ados boutonneux et impertinents de Whatever People Say I Am, That's What I'm Not sont désormais de jeunes hommes. Ce qui se traduit par plus d'assurance et de maîtrise, plus de prises de risques, plus de puissance, plus de cheveux, plus... de tout, en fait.

Pendant l'année écoulée, les quatres singes grand-bretons ont musclé leur jeu, aidés en cela par un Josh Homme (Kyuss, Queens Of The Stone Age, Eagles Of Death Metal, Them Crooked Vultures) peu enclin d'habitude à endosser le rôle de producteur pour un autre groupe que le sien. L'habitué James Ford (déjà aux manettes sur Favourite Worst Nighmare et The Age Of The Understatement) complète la fine équipe. Cette virée dans le désert californien a semble-t-il débridé le groupe et donné un coup de fouet à sa créativité.

Certes, le son d'Arctic Monkeys reste immédiatement identifiable. Il n'y a pas de changement en profondeur, les quatre lads de Sheffield ne se sont pas découvert une vocation pour la musique traditionnelle tibétaine. Mais sous la houlette du King Of The Stone Age, ils ont opéré un ravalement de façade. On retrouve les mêmes ingrédients (la gouaille jubilatoire d'Alex Turner et son jeu de guitare si particulier, l'abattage impressionnant de la batterie, les riffs de guitare martelés) mais réassaisonnés à la sauce piquante ("Crying Lightning", "Dangerous Animals", "Potion Approaching").

La nouveauté, c'est donc ce son plus rugueux, plus agressif. Mais ce renouvellement est davantage une évolution naturelle : le groupe grandit et explore de nouvelles voies. L'autre confirmation, ce sont les aspirations pop de plus en plus affirmées de son leader. L'escapade des Last Shadow Puppets semble avoir libéré Alex Turner, qui s'affirme un peu plus à chaque album comme un songwriter accompli ("Secret Door", "Cornerstone", "Fire And The Thud").

Humbug n'accuse aucune faiblesse et reste passionnant de la première à la dernière note. "Secret Door" est à cette heure la meilleure chanson jamais écrite par le groupe, avec une mélodie à faire fondre les coeurs les plus insensibles et de superbes arrangements de cordes. Ils ont réussi à trouver ici la parfaite alchimie entre l'entrain, l'évidence et la superbe de "Fluorescent Adolescent" et la grâce, la légereté et la sensibilité d'"Only One Who Knows". "Cornerstone" est de la même veine et montre également les bienfaits de la parenthèse Last Shadow Puppets. Il y a fort à parier que les refrains de "Crying Lightning" et "Dangerous Animals" risquent de faire tourner plus d'une tête. "Potion Approaching", "Dance Little Liar" et "Fire And The Thud" nous donnent l'impression d'être projeté en plein western. L'air du désert semble leur avoir donné des (bonnes) idées. Le disque se finit par "Pretty Visitors", de facture plus classique et "The Jeweller's Hands", délicieuse curiosité qui prouve que les anglais ont bel et bien franchit une étape et jouent à présent dans la cour des grands.

Arctic Monkeys tient là un petit bijou et prouve qu'il mérite sa place au sommet de la hiérarchie Rock des années 2000. A ce niveau-là, les groupes capables de suivre la cadence ne sont pas légion. La formation d'Alex Turner s'impose comme LE groupe le plus excitant actuellement, ne serait-ce parce que pour une fois, on se demande jusqu'où ils pourront aller.
Lire également la critique de l'album sur Froggy's Delight.

mercredi 2 septembre 2009

Julian Plenti "Julian Plenti Is... Skyscraper"

Si l'écoute de ce disque vous donne des airs de déjà vu, c'est que Julian Plenti n'est autre que le pseudonyme utilisé par Paul Banks - chanteur d'Interpol - pour son premier album solo. A l'image de Thom Yorke et de son Eraser, et comme 80% des Strokes (dernier en date, et pas des moindres : Julian Casablancas, dont l'album solo Phrazes For The Young sortira prochainement), Julian Plenti is... Skyscraper ressemble fort à une évasion solitaire à mission salutaire. Traduction : "prenons temporairement le large afin d'éviter l'implosion".

Il est fort à parier que la génèse de ce disque trouve sa source dans les soubresauts qui animent régulièrement la vie interne d'Interpol, groupe qu'on annonce régulièrement au bord de la rupture. Les albums solo sont l'occasion pour un chanteur, libéré des contraintes et des concessions de son groupe, de laisser libre cours à son inspiration et à ses obsessions. C'est humain, mais il est rare que cela donne de grands albums. Ils permettent souvent de vérifier l'adage selon lequel on est toujours plus fort à plusieurs que tout seul. Dans un groupe, chacun a son opinion, et les inévitables prises de bec sont la plupart du temps productives musicalement parlant. Pas nécessairement bénéfiques aux relations entre les musiciens, il est vrai. Mais ces divergences permettent avant tout d'éviter la crise de mégalomanie galopante qui menace tout leader de formation rock (Axl Rose, si tu m'entends...).

Ainsi, Julian Plenti is... Skyscraper ne déroge pas à la règle, mais offre davantage qu'une honnête compilation de Faces B d'Interpol. Certes, mis à part la fragile et émouvante "No Chance Survival", parcourue par des arpèges de guitare aériens, rien d'exceptionnel à se mettre sous la dent. Rien de comparable non plus à Antics (le chef d'oeuvre du groupe New-Yorkais), si ce n'est l'explosive "Games For Days", chanson qui se rapproche le plus de l'univers du groupe. Et pourtant, cet album mérite que l'on s'y attarde et qu'on tende l'oreille d'un peu plus près.

La nouveauté, c'est l'air frais qui souffle dans les compositions de Paul Banks. Elles respirent et laissent place à de nouvelles sonorités (arragements de cordes, guitares acoustiques, plans de synthé discrets, touches délicates de piano). Il se permet même une chanson gaie ("Unwind"). On rassure les fans : l'ensemble reste tout de même sombre et mélancolique, on ne se refait pas. Mais Paul Banks arrive enfin à se détacher de ses sempiternelles influences (Joy Division) et ouvre peut-être une nouvelle voie pour son groupe, plus délicate et diversifiée.

Il faut donc prendre Julian Plenti is... Skyscraper pour ce qu'il est : un disque très agréable à écouter, le témoignage sincère d'un songwriter crédible qui se sent à l'étroit dans les costumes noirs de son groupe. C'est en tout cas autrement plus intéressant que le premier album solo de Jason Lytle, qui semble avoir bien du mal à se remettre du split de ses Grandaddy. Si vous êtes convaincu par le disque, vous pourrez tenter l'aventure en live le 13 décembre prochain à l'Alhambra.
Lire également la critique de l'album sur Froggy's Delight.