vendredi 27 août 2010

Arcade Fire "The Suburbs"

Trois grands albums en autant d'essais, peu de groupes peuvent s'enorgueillir d'avoir réussi pareille prouesse. Pas même Radiohead (Pablo Honey est passé par là). C'est chose faite pour Arcade Fire qui, avec cette troisième livraison, se hisse au sommet de la montagne rock. Après trois ans d'une ascension fulgurante qui, de tournées marathon en enregistrements incessants, les a laissés sur les rotules, les Montréalais se sont octroyés une longue pause salvatrice. Ils reviennent habités d'une intensité et d'une fraîcheur intactes, avec des morceaux destinés à faire vibrer les spectateurs aux quatre coins du monde.

On attendait fébrilement The Suburbs, sans trop savoir à quoi s'attendre. L'enjeu était de taille et les questions multiples : Arcade Fire pouvait-il rationnellement nous décevoir ? Se vautrer dans la facilité ? Allait-il prendre une nouvelle direction ? En rajouter dans l'emphase ? Creuser plus profond encore que le ténébreux Neon Bible ? Suivre la voie mégalo tracée par U2 avec la volonté affichée de conquérir les plus grands stades du monde ? Ou enfoncer le clou et prouver au monde entier qu'ils méritent le titre de plus grand groupe actuel ?

Première impression : la folie géniale et spontanée de Funeral a laissé place à une maîtrise époustouflante. La joyeuse troupe ne lésine pas sur les moyens et met tout son cœur dans la bataille, comme elle l'a toujours fait. Arcade Fire ne sait pas faire les choses à moitié et c'est pour cela qu'on les admire tant.

Loin de faire du surplace, la fanfare rock canadienne offre de nouvelles pistes. On est cueillis par l'agressivité de "Month Of May". Paroles scandées, riff crasseux plus que classieux semblant sortir tout droit de la guitare du Queens Of The Crooked Vultures en chef, Josh Homme. Arcade Fire lâche complètement les chevaux et se mesure aux QOTSA sur leur propre terrain. On est très vite rassuré quant à leur puissance de frappe : "Empty Room", "Month Of May" et "Ready To Start" nous mettent littéralement en transe. "Modern Man", rengaine pop de haute volée, "Rococo" et son refrain entêtant, "Suburban War" (qui rappelle les meilleures compositions de The Coral ou The Shins), la lancinante et épurée "Wasted Hours" et surtout la splendide "Deep Blue" dévoilent un Win Butler interprétant avec une touchante sobriété des titres à la fragilité peu habituelle chez les canadiens.

Avec "Empty Room", on est davantage en terrain connu. Mais l'excellence des mélodies et la verve du groupe balaient tout sur leur passage : déflagration sonore, tempo effréné, guitares hurlantes, rythmique martiale, violons en sur-régime, chant de sirène québécoise : le morceau est une source de plaisir intense qui n'est pas prête de se tarir. "We Used To Wait" aurait pu être un "Rebellion (Lies)" bis, mais emprunte un chemin plus complexe fait d'étonnantes basses électro et d'arrangements luxueux. "Sprawl I (Flatland)", d'une tristesse magnifique, fait écho à "My Body Is A Cage". Cordes à fendre le cœur et Win Butler émouvant comme jamais.

Les deux moments les plus forts de The Suburbs sont répartis de part et d'autre de la galette. Le bouquet final "Sprawl II (Mountains Beyond Mountains)" sonne comme une version haïtienne du "Heart Of Glass" de Blondie. Surtout, elle laisse transparaître chez nos protégés de surprenantes influences 80's (les arrangements font la part belle aux synthés). Parmi la pléthore de groupes de seconde zone ne jurant que par cette décennie, on crie régulièrement au mauvais goût. C'est ici admirable. Enfin, gardons le meilleur pour le début : "The Suburbs", éblouissante chanson-titre et merveilleux titre d'ouverture. Elle donne d'emblée le ton de l'album : plus radieux qu'à l'accoutumée. Tout simplement notre chanson préférée de l'album, une des toutes meilleures que le groupe ait jamais jouée, et jusqu'ici, plus belle chanson de l'année.

Petit jeu de piste obligatoire pour tout fan francophone qui se respecte : à quel moment du disque Régine Chassagne chante-t-elle en Français ? Si cela sautait aux yeux sur "Haïti" et "Black Wave / Bad Vibrations", cela nous a pris un moment pour entendre, à la toute fin d'"Empty Room", caché derrière un mur de guitare et de cordes, ce "Toute ma vie est avec toi, moi je t'attends, toi tu pars".

Quant à son alter ego à coiffe d'iroquois, il nous prend par la main et nous entraîne dans des courses éperdues vers un ailleurs fantasmé, loin d'une réalité que l'on veut fuir, à la recherche d'une voie salvatrice. The Suburbs est hanté par le mal-être et les regrets adolescents ("Wasted hours before we knew where to go and what to do, wasted hours that you make new and turn into a life that we can live" - "Wasted Hours"), la nostalgie de l'innocence enfantine ("Now our lives are changing fast, hope that something pure can last" - "We Used To Wait" - / "If I could have it back, all the time that we wasted, I'd only waste it again" - "The Suburbs (continued)"), et surtout l'ennui profond de la vie en banlieue ("I feel like I've been living in a city with no children in it" - "City With No Children" -, "In this town where I was born, I now see through a dead man's eyes" - "Half Light II (No Celebration)").

Les thèmes du disque sont, comme auparavant, peu réjouissants. Mais la musique, lumineuse, apporte une légèreté qu'on ne leur connaissait pas. Il flotte sur The Suburbs un air de désenchantement sublimé par la grâce de mélodies imparables. Win Butler, qui n'a sans doute jamais aussi bien chanté qu'ici, prouve qu'il dispose d'une des voix les plus incroyables qu'on ait entendue depuis Thom Yorke. Tout au long du disque, il chante comme si sa vie en dépendait.

Le disque est sans doute un peu long - 16 titres, une heure de musique -, mais bien malin est celui qui trouvera un morceau à enlever de cette tracklist parfaite. On conseillera cependant une écoute en plusieurs parties pour bien s'imprégner de la profondeur des arrangements et de la qualité d'écriture du duo Win Butler/Régine Chassagne. S'ils en ressortent à chaque fois avec un album de cette trempe sous le coude, Arcade Fire peut bien prolonger son prochain congé à l'envi.

Disque d'une générosité et d'une ampleur peu communes, à la production étourdissante, The Suburbs est un enchantement de la première à la dernière note. Dans le marasme rock actuel, il est accueilli à juste titre comme une bénédiction. En attendant le prochain Radiohead - annoncé pour le début de l'année prochaine - voire le nouveau Strokes, Arcade Fire prend possession du trône et s'impose comme le groupe majeur de ce début de siècle. Bien loin de la grandiloquence pachydermique façon Muse ou de l'hypertrohpie cérébrale de U2, Arcade Fire prouve qu'on peut plaire à un large public tout en créant une musique aussi exigeante qu'originale et en restant simple. Et ça, ça fait un bien fou.

Lire également la critique de l'album sur Froggy's Delight.

jeudi 26 août 2010

The Coral "Butterfly House"

Avec Butterfly House, premier album sans le guitariste Bill Ryder-Jones, le corail liverpuldien poursuit son petit bonhomme de chemin à l'abri de toute considération commerciale. Être un des groupes les plus doués de sa génération n'a jamais été très vendeur : chaque décennie regorge de perdants magnifiques, à l'image de The Coral pour les années 2000.

Dans la continuité du précédent et sublime Roots & Echoes, le nouveau venu Butterfly House (produit par John Leckie, qui a déjà officié entre autres aux côtés de Radiohead, My Morning Jacket et The Stone Roses) puise ses racines dans le meilleur de Crosby, Stills & Nash, Beatles, Kinks, Love, Byrds, La's, Buffalo Springfield, Beach Boys, Shadows... Références élogieuses que The Coral assume avec une classe et une élégance remarquables depuis leurs débuts. Faire du neuf avec du vieux, voilà qui n'est pas à la portée de tout le monde.

L'épithète d'orfèvre prend tout son sens à l'écoute des bijoux mélodiques concoctés par les anglais, qui réussissent à faire presque aussi bien que Roots & Echoes - ce qui avait tout d'une gageure. Ces types sont épatants, et il serait bon que le monde entier s'en aperçoive enfin. Ce ne serait que justice après dix années de (très) bons et loyaux services.

The Coral, trésor pop trop bien caché comme en témoignent "Walking In The Winter" et ses arpèges lumineux, la splendide "1000 Years" - très America dans l'esprit -, les chœurs parfaits de "Butterfly House", la jolie rengaine "Falling All Around You" qui s'éteint à petit feu, ou encore "Coney Island" dont se dégage une atmosphère mystérieuse. Le déterminant commun ? Un sens mélodique rare, des harmonies vocales savamment troussées - aux accents Fab Four - et le chant magnifiquement désenchanté de James Skelly. La marque de fabrique de The Coral, un groupe qui vous veut du bien.

Lire également la critique de l'album sur Froggy's Delight.

mardi 24 août 2010

Pukkelpop J3 : "Queens Of The (Too) Stone Age" (21 Août 2010)

Acculé par la chaleur étouffante, c'est contraint et forcé que l'on se décide à sortir de notre tente à midi passé. On découvre un soleil encore plus intense que la veille. La casquette est de mise pour ce dernier jour à Pukkelpop. Début de journée pas vraiment transcendant avec Surfer Blood au Marquee. La performance scénique des jeunes floridiens ne soutient pas la comparaison avec leur album (Astro Coast). Le jeu du batteur s'avère un poil léger, la voix déçoit, et on reste circonspect devant la façon maniérée de bouger du chanteur, tout en sursauts et gestes brusques.

Dans un registre beaucoup moins sophistiqué, les Gogol Bordello démontrent sans trembler qu'ils portent bien leur nom. A leur aise sur la grande scène, les New-Yorkais font penser à une Mano Negra des Balkans. Devant la scène, une mer de bras levés approuvent. Un peu plus tard dans l'après-midi, on se retrouve en terrain balisé avec Two Door Cinema Club (préférés à The Drums, qui jouent en même temps et dont la hype paraît moyennement justifiée). Leur album (Tourist History) ne renverse certes pas les montagnes, mais leur musique est suffisamment fraîche et enlevée pour provoquer notre enthousiasme. Il faut dire qu'autant sur disque qu'en live, les jeunes pousses nord-irlandaises jouent avec fougue. Ce ne sont certes pas des bêtes de scène et leur musique carrée est un rien formatée, mais ils ont de l'énergie rock à revendre. Alex Trimble - le chanteur rouquin - assure, le groupe est bien en place.

Leur concert est une succession de petites pépites dansantes : "I Can Talk", "Come Back Home", "What You Know", "Do You Want It All ?", "Undercover Martyn", "This Is The Life", "Something Good Can Work". Malgré des structures trop ressemblantes d'une chanson à l'autre - batterie qui mouline, basse gonflée, chorus de guitare aigu et obsédant, enchaînement couplet calme/pont/refrain accrocheur boosté par la grosse caisse et les basses appuyées -, les Two Door Cinema Club passent sans problème l'épreuve du live. Le titre où la formule est sans doute la plus aboutie reste "Undercover Martyn", modèle du genre. Malgré ces quelques défauts, on aime.

A partir de maintenant, plus de répit : tout s'enchaîne très vite en ces dernières heures du festival. Tout d'abord, The National, qui livre sur la grande scène une prestation honnête mais en-deçà de nos espérances. Peu aidés par la sono, ils n'arrivent pas véritablement à retranscrire l'émotion de leurs albums. Le groupe est un peu statique, le chanteur très attiré par son verre de vin - tout en restant très appliqué - et la voix plus en retrait que sur le disque. Quant aux cuivres, ils apportent une belle couleur aux chansons. Excepté "Mr. November", la set-list puise essentiellement dans High Violet et Boxer, les deux derniers albums en date. On apprécie quand même : un peu de mélodie bien rythmée et pas l'inverse, ça sort un peu de l'ordinaire de Pukkelpop.

Broken Bells, la sensation pop de l'année, monte sur la scène Marquee. Ce n'est certes pas une surprise de voir l'association James Mercer (chanteur de The Shins) / Danger Mouse (moitié de Gnarls Barkley et producteur auprès de Gorillaz, Beck, feu Sparklehorse, The Rapture, Martina Topley-Bird, The Black Keys, The Good, The Bad & The Queen) briller de mille feux sur leur premier disque. Mais on attendait une confirmation en live : on l'a eue. James Mercer, voix haute perchée, tient la baraque. Danger Mouse, comme à l'accoutumée, reste impassible derrière son clavier. Les chansons et leurs harmonies parfaitement ciselées parlent d'elles-même, pas besoin d'en faire des tonnes, et le duo (auquel se sont joints plusieurs musiciens pour la tournée) le sait parfaitement. Très bon concert. Ces deux là ne sont pas près de nous décevoir.

Tout le contraire des Queens Of The Stone Age, groupe que l'on adule pourtant depuis une décennie. On repense souvent avec émotion à leur passage fracassant à Rock en Seine en 2005. Après un titre d'ouverture permettant de vérifier que le batteur Joey Castillo dispose toujours d'une force de frappe atomique, Josh Homme et sa bande se lancent dans leur grand classique, "The Lost Art Of Keeping A Secret". La chanson est triturée dans tous les sens, on a parfois du mal à la reconnaître. Le son est énorme. Trop, même. Ce sera l'un des points sensibles de ce concert où les QOTSA - pourtant en très grande forme et clairement ravis d'être à nouveau réunis - passent nos tympans à la moulinette à coups de joutes guitaristiques d'une agressivité rarement entendue. Jouant sur du velours, le frontman rouquin donne le ton du concert : "Just keep dancin', that's all I'm asking". Ça tombe bien, on est venus pour ça, Josh !

Malheureusement, ça se gâte par la suite : "Sick, Sick, Sick" entame une parenthèse réservée à Era Vulgaris, dernier album des américains du désert (sorti il y a déjà trois ans), mais également le moins bon. On sort de notre torpeur : "Go With The Flow" puis "No One Knows" d'une violence incroyable, meilleurs moments du set. "The very first time we played in Europe was here, in Pukkelpop ! I was drunk. Still drunk !" : Mr. Homme amuse la galerie avant de repartir interpréter quelques titres d'Era Vulgaris, le pied rivé sur l'accélérateur. Son jeu de guitare semble s'être transformé depuis son escapade en compagnie des Dieux de l'Olympe, Dave Grohl et John Paul Jones. Plus complexe, plus torturé, moins pop. On était venus pour en prendre pour les oreilles, on n'est pas déçu. Mais une nouvelle fois, la set-list a tué notre enthousiasme dans l'œuf. Une constante agaçante à Pukkelpop cette année.

Si plein de bonne volonté qu'il soit, ce n'est pas Jónsi qui changera la donne. Depuis cinq ans, Sigur Rós a tourné le dos à leur magnifique lyrisme neurasthénique originel pour enfanter une pop scintillante moins estampillée Lexomil, mais surtout bien moins intéressante. Il en va de même du premier album solo de Jónsi (chanteur et leader des Islandais) qui, sans démériter, ne s'écoute que d'une oreille. Idem pour ce concert pourtant fort sympathique et enjoué. On voudrait juste savoir pourquoi Jónsi s'efforce de chanter comme une fille. C'était magnifique à l'époque d'Agaetis Byrjun. Mais là, ça devient un peu trop systématique.

C'est au duo belge de 2manydjs que revient l'honneur de clôturer ce festival, sur la grande scène. Leurs remix boostés à la testostérone sont d'une efficacité imparable. Les écrans géants affichent en parfaite synchronisation avec la musique les jaquettes des titres remixés - ce qui donne un aspect fort peu improvisé au show. On distingue "Money" de Pink Floyd, Roxy Music, "Kids" de MGMT, "You Shook Me All Night Long" d'AC/DC, "Standing In The Way Of Control" de Gossip, "Music Sounds Better With You" de Stardust, "The Magnificent Seven" des Clash, Prince, "If I Ever Feel Better" de Phoenix, "You Wanted A Hit" de LCD Soundsystem, Daft Punk, Justice, et pour finir "Love Will Tear Us Apart" de Joy Division repris en chœur par la foule. Les 2manydjs démontrent un savoir-faire écumé dans les plus grands festivals de Belgique et de Navarre. Un gigantesque jet de confettis clôt ce très bon DJ Set.

Le directeur du festival déboule sur la scène, raconte on ne sait quoi en flamand. On se doute que ce doit être en rapport avec l'anniversaire du festival vu que les écrans géants égrènent ensuite chronologiquement les 25 affiches Pukkelpop depuis 1985. S'en suit un beau feu d'artifice dans le ciel de Kiewit. Rideau. On prend une dernière fois le chemin du retour vers le camping, slalomant au milieu d'un océan de gobelets en plastique. Bilan du festival un peu mitigé : quelques bonnes découvertes (Two Door Cinema Club, Band Of Horses, Broken Bells, Fat Freddy's Drop, Villagers, Fanfarlo, Girls), des confirmations (Hot Chip, Blood Red Shoes, Black Rebel Motorcycle Club), mais surtout des déceptions (Queens Of The Stone Age, Eels, Placebo, The Flaming Lips).

Le rock règne en maître à Pukkelpop, imposant sa loi sur la plupart des scènes, même si un espace un peu à l'écart ainsi que trois scènes sont consacrés exclusivement à l'électro. Signe des temps ou manque de richesse et de diversité de la programmation : peu de choses réellement surprenantes ou enthousiasmantes à se mettre sous la dent pendant ces trois jours. Restent de bons concerts (et d'autres moins bons), un site sympathique, des stands de restauration/boisson au rapport qualité/prix proche du scandaleux, un camping qui, malgré les efforts des bénévoles, se transforme petit à petit en déchetterie géante, et des festivaliers belges à la bonhomie toujours aussi appréciable et dont le sens de la fête reste une valeur sûre.

On apprend de bien tristes nouvelles à notre retour en France. Le festival s'est trouvé doublement endeuillé lors de ces trois jours. Michael Been, ingénieur du son et surtout père de Robert Turner (de son vrai nom Robert Levon Been), bassiste et chanteur des Black Rebel Motorcycle Club, est mort d'une crise cardiaque dans les coulisses du festival. Quant à Charles Haddon, leader et chanteur d'Où Est Le Swimming Pool, il s'est suicidé vendredi après son concert à Pukkelpop. Il s'est jeté dans le vide après avoir escaladé un pylone du parking des artistes. Les deux groupes devaient se produire ce Week-End à Rock En Seine, le festival maudit. Si les BRMC ont annoncé qu'ils seraient tout de même présents au Domaine National de Saint-Cloud, on doute qu'Où Est Le Swimming Pool en fasse de même. C'est Martina Topley Bird qui les remplacera au pied levé à Rock en Seine.

Lire également la chronique du concert sur Froggy's Delight
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lundi 23 août 2010

Pukkelpop J2 : "That Look You Give That Guy" (20 Août 2010)

La seconde journée démarre sous un soleil de plomb avec la très belle pop-folk de Villagers. Beaucoup de monde malgré l'horaire pas évident (12h). Le groupe semble d'ailleurs agréablement surpris de voir autant de spectateurs devant eux. Le chanteur/auteur/compositeur Conor J. O'Brien donne de la voix et mène habilement la barque. Les irlandais, visiblement heureux d'être là, séduisent avec des compositions au fort potentiel mélodique qui gagnent souvent en intensité à mesure que la chanson avance. Le concert monte lui aussi en puissance jusqu'à un final intense. Une belle découverte.

On passe ensuite devant Matt & Kim, duo New-Yorkais dont on entend plus qu'on ne voit les deux dernières chansons. Leur électro-pop dansante est agréable à écouter et on a rarement vu une batteuse aussi ostensiblement heureuse de jouer. Le public leur réserve en tout cas un accueil extrêmement chaleureux.

On aurait aimé ensuite voir Fanfarlo à l'abri du soleil, sous la scène château. C'était sans compter sur un service de sécurité faisant rentrer au compte-goutte les spectateurs à l'intérieur d'un chapiteau à moitié vide. Mesures de sécurité, on imagine. Du coup on suit le début du concert comme à la radio. Les anglais jouent un folk-rock entraînant et de qualité. On se contentera malheureusement d'écouter l'album à notre retour.

Du coup, on se cogne - c'est le cas de le dire - The Cribs et leur power rock musclé. Mastoc et carré à défaut d'être réellement passionnant. Jonny Marr ou pas, on passe notre chemin. Ce qui nous donne l'occasion de voir un uluberlu s'engager dans une périlleuse ascension d'un poteau de signalisation, faire son malin arrivé en haut, avant de se poser la question de savoir comment redescendre. La chute de trois mètres de haut qui s'en suit était quelque peu prévisible, mais fort drôle ma foi.

Au forceps, on parvient à percer les défenses de la sécurité et pénétrer sous le chapiteau où joue Fanfarlo. Les quelques titres entendus font penser à un Arcade Fire de poche. Sur scène, un trio guitare-basse-batterie accompagné par un violon / ukulele et un clavier / trompette. Le groupe maîtrise ses crescendos et termine son set par un dernier titre effréné qui fait une nouvelle fois songer au groupe de Win Butler.

Après un rapide coup d'oeil aux Blood Red Shoes pour constater que la guitariste n'a rien perdu de sa superbe, on file voir The Soft Pack. Intrigué plus que séduit par leur album, on est curieux de voir ce que cela donne en live. Enceintes crachant des riffs saturés : leur post-punk n'a rien de soft. Les américains proposent un set tendu et électrique mais demeurent désespérément statiques. Très (trop ?) concentrés, ils semblent en oublier la présence de spectateurs en face d'eux. Les chansons ne sont pas mal quoique parfois brouillonnes, mais il n'y a pas de partage, tout ça manque de fougue. Le show pâtit d'un manque de charisme et le chanteur traîne une voix nonchalante. Comme me le fait remarquer l'armoire belge à côté de moi : "C'est meilleur les yeux fermés". Pas faux, l'ami.

On se rabat sur la fin du concert des Blood Red Shoes : là au moins on a les yeux grands ouverts. Laura-Mary Carter est toujours aussi sexy lorsqu'elle susurre "Enjoy the rest of your day". Elle se mue en diablesse dès les premiers accords tonitruants de "Heartsink", qui conclut avec brio le concert. Le duo de Brighton, outre son sex-appeal indéniable, reste une valeur sûre. Rapide détour devant la grande scène où White Lies déballe sa new-wave aussi comestible que la mayo servie ici avec les frites. Un tube efficace mais aussi fin qu'un double pancake nutella ("To Lose My Life"), une voix d'outre-tombe qui pourrait être celle du chanteur d'Editors (lequel a lui-même tout pompé sur Ian Curtis), synthés glacés, batterie en mode repeat : on ne s'attarde pas.

Au Marquee, The Black Box Revelation, locaux de l'étape, ne comblent pas les espérances placées en eux. Look, énergie, jeu de guitare, poses : le duo bruxellois a toute la panoplie du parfait rocker. Mais ils donnent l'image de Black Rebel Motorcycle Club peu inspirés. Les jaillissements de guitare saturée et la batterie martelée font pourtant d'entrée leur effet, mais on perd petit à petit le fil, faute de grandes chansons. Leur set reste malgré tout un bon moment de rock & roll, un énergique cocktail blues rock aux riffs tranchants. Le batteur survitaminé secoue sa tignasse à longueur de chanson et maltraite ses fûts avec une rigueur métronomique. Ce qui ne parvient pas à palier le manque de force des compositions.

Juste le temps d'attraper une bière et un sandwich avant de se positionner devant la grande scène pour Eels. Jamais vu en concert, on attend avec impatience le groupe de l'énigmatique E. Ce dernier débarque tout de blanc vêtu, lunettes de soleil noires, bandana de corsaire dans les cheveux et barbe qui n'a rien à envier à celle de Seasick Steve. Eels semble d'ailleurs être un groupe totalitaire de la barbe : pas une seule joue visible à l'horizon. Si Eels cherche un mécène, Gillette lui semble tout indiqué. "Prizefighter", titre d'ouverture d'Hombre Lobo, est également celui du concert. Excellente introduction, mais on pressent une setlist très rock, tendance Souljacker. Cela se confirme très vite : Eels privilégie les blues écorchés comme "Hombre Lobo" à ses splendides ballades. On est en festival, cela se tient. Mais à trop vouloir durcir le ton, Eels finit par décontenancer.

Sa voix écorchée ne perd pourtant pas de sa superbe, le groupe est bon, E est très à l'aise sur scène, les titres interprétés avec fougue. Mais la setlist ne nous satisfait pas. Pas assez équilibrée. Il y a bien la charmante nouvelle mélopée "Spectacular Girl" (sur Tomorrow Morning, sortie dans les jours qui viennent) qui provoque un regain d'attention. Des fans agitent leurs panneaux sur les écrans géants : "I Like Birds !", "I Like Birds 2 !", "Me 2 !". L'appel sera-t-il entendu ? Alors qu'on n'osait plus l'espérer, E offre un "That Look You Give That Guy" d'une simplicité et d'une beauté à fendre le coeur, tout simplement le plus beau moment du festival. Le concert d'Eels valait le déplacement, ne serait-ce que pour ces quatre minutes de bonheur.

L'excitation retombe malheureusement bien vite : entre deux titres blues rock, Eels envoie un "Mr. E's Beautiful Blues" boogie-yéyé - pas mal - puis "I Like Birds" en version punk débraillée et vite expédiée. Deux façons de voir les choses : soit l'on considère qu'E revisite son répertoire en musclant son jeu, soit qu'il piétine la version originale. Après un ultime titre rageur, le groupe se retire. On attend "Novocaine For The Soul" en rappel, mais elle ne viendra pas. Snif.

C'est à présent la nouvelle génération qui débarque à Pukkelpop : la soirée s'annonce riche en sensations avec Foals, Local Natives, Hot Chip, Beach House et The XX. Ce qui frappe d'emblée avec Foals ? L'excellence de leur batteur. C'est du martèlement de haute volée, le battement est épileptique. Enchaînant crescendos menés tambour battant, envolées aériennes, pulsations frénétiques et passages vaporeux, Foals dévoile l'étendue de sa panoplie. Les jeunes anglais sont clairement très doués, mais il nous manque toujours l'essentiel : l'émotion. On apprécie davantage leur récent Total Life Forever que l'indigeste Antidotes, mais l'ensemble manque encore de substance. On en ressort une nouvelle fois pas convaincu malgré l'indiscutable maestria du groupe. La fosse, elle, est au bord de l'extase.

Les américains de Local Natives, moustachus à 60%, donnent un concert réussi au Club. Les fans énamourés du chanteur et de ses bacchantes à la Freddie Mercury tiennent leurs pancartes à bout de bras. Leur musique tortueuse alterne harmonies vocales à quatre, moments apaisés et passages rock. C'est certes moins impressionnant rythmiquement que Foals, mais tout de même assez recherché. Le cocktail proposé est abouti sans être toutefois mirifique. On retiendra surtout la très belle et originale "Airplanes", sur laquelle les Local Natives montrent un vrai savoir-faire mélodique.

On profite de la venue sur la grande scène de Limp Bizkit pour faire un tour rapide au camping. Confirmation de ce que l'on supposait jusqu'ici : à toute heure du jour et de la nuit, il y a autant de monde ici qu'au festival. Il y en a, aussi, du monde, pour voir Hot Chip au Dance Hall. Les anglais n'ont pas leur pareil pour mélanger électro et pop, pour insérer une dose d'humanité et de chaleur dans les sonorités froides des machines. La voix de cristal d'Alexis Taylor y est pour beaucoup, mais plus les albums passent plus leur sens des harmonies se fait entendre. C'est le cas sur le dernier One Life Stand. Les puristes crient sûrement au scandale. Pour notre part, nous nous réjouissons de compter un groupe qui parvient à faire rimer électro et émotion.

Hot Chip, ou comment faire danser en parlant au coeur. Sacré challenge, mais ils s'en sortent très bien. Tendance qui se confirme une nouvelle fois : en 45 minutes, les concerts tournent le plus souvent en de véritables contre-la-montre qui voient les artistes enchaîner les titres sans répit. Le concert est une succession de tubes certifiés : "And I Was A Boy From School", "One Life Stand", "Over & Over", "Hand Me Down Your Love", et un "Ready For The Floor" irrésistible en clôture. L'air de rien, Hot Chip vient d'accomplir l'un des concerts les plus solides vus ces deux premiers jours. Cerise sur le gâteau : Alexis Taylor, pour une fois, n'est pas déguisé en geek attardé. On regrette juste que l'ambiance n'ait été plus survoltée (on garde un souvenir ému de leur passage à Benicassim en 2008 devant une horde de fans anglais furieux et incollables).

Impossible d'accéder au chapiteau où se produit The Tallest Man On Earth, la copie la plus crédible de Dylan en 2010. On prête brièvement attention à la musique délicate et intimiste de The Prodigy avant d'aller écouter Beach House. Ces derniers jouent une musique souvent très belle ("Silver Soul", "Used To Be", "Better Times"), voire magnifique ("Zebra") mais dont la lenteur est le principal défaut. Surtout quand la chanteuse se lance dans une incompréhensible danse des cheveux derrière son clavier.

La grande interrogation de la soirée : que donnent The XX en concert ? On a beau être séduit par l'album, on reste sceptique quant à la transcription live. A raison : une fois passés "Intro" et "Crystalised", superbes titres d'ouverture à mi-chemin entre tension et délicatesse, l'effet de surprise s'estompe. La beauté des chansons ("Basic Space", "Islands", "Infinity", "Night Time") et les refrains accrocheurs ne parviennent pas à compenser le manque d'envergure des voix, les guitares timides et le jeu de scène restreint. Les XX réussissent tout de même l'exploit de faire danser la fosse avec leurs chansons éthérées et sombres.

Après une partie de dancefloor vitaminée par Digitalism, on tombe sur une troupe de flamands marrants et visiblement désireux de converser en français. On comprend très vite que la rivalité wallons / flamands n'est pas sujet à plaisanterie. Puis, arès échange de banalités du type choucroute/frites, "Sarkozy pas bien" et une leçon de flamand marrante (allez dire "Voulez-vous coucher avec moi ce soir ?" en flamand, et on en reparle), on parvient à glaner une information de la plus haute importance : "En Belgique, il faut venir en juin, en juillet et en août. Après, il pleut." On en prend bonne note, puis on tourne les talons en direction du camping et de notre duvet.

Lire également la chronique du festival sur Froggy's Delight
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dimanche 22 août 2010

Pukkelpop J1 : "Packt Like Sardines In A Crushed Tin Box" (19 Août 2010)

Rock En Seine, Solidays, Eurockéennes, Vieilles Charrues,... Après avoir fait le tour des principaux festivals hexagonaux, l'envie nous prend de changer d'air. La curiosité nous pousse à faire nos valises et à aller voir ce qui se fait chez nos voisins question gros raout estival. Après l'Espagne voilà deux ans (Benicassim), c'est au plat pays que nous nous rendons pour 3 Jours de rock, de camping et (surtout) de bière.

Pukkelpop - puisque c'est de cela dont il s'agit - fête cette année ses 25 ans parmi l'élite des festivals européens. Basé depuis 1991 à Kiewit, petite bourgade proche de Hasselt et de la frontière néerlandaise, le festival a accueilli en un quart de siècle le gotha du rock mondial. Pour ne citer qu'eux, Radiohead, Nirvana, Neil Young, Sonic Youth, The Jesus & Mary Chain, Ramones, Nick Cave & The Bad Seeds, Pixies, Iggy Pop (avec et sans ses Stooges), Rage Against The Machine, The Smashing Pumpkins, Red Hot Chilli Peppers, Beck, Metallica, Queens Of The Stone Age, PJ Harvey, Portishead, Elliott Smith, Coldplay, Muse, Guns N' Roses, Interpol, Arcade Fire, Franz Ferdinand, Arctic Monkeys, Daft Punk, Massive Attack,...

Tous ces grands noms ont un jour ou l'autre foulé le pré belge de Pukkelpop. Certains groupes programmés cette année sont même des habitués : The Flaming Lips, Jónsi (avec Sigur Rós) et Black Rebel Motorcycle Club avaient déjà joué une fois à Pukkelpop. Eels y retourne pour la troisième fois, Queens Of The Stone Age et The Prodigy la quatrième. Quant à Placebo, ils semblent avoir fait de Pukkelpop leur résidence secondaire : ils y donneront cette année leur sixième prestation (!).

Après quatre heures à avaler l'asphalte franco-belge, Kiewit pointe enfin le bout de son nez. Et là, stupéfaction : que de monde ! Du jamais vu. On a beau être la veille du festival à minuit passé, les abords du site fourmillent de festivaliers. Certains semblent avoir entamé les hostilités éthyliques depuis un petit moment. L'herbe a déjà bien souffert : on suppute que certains spectateurs sont arrivés depuis plusieurs jours. Une fois les formalités accomplies (parking, bracelet du festival) nous regagnons le monstrueux camping : un immense champ de près d'un kilomètre de long où les nouveaux arrivants se livrent à une véritable foire d'empoigne afin de dénicher leur emplacement. Il est près de 3 heures du matin lorsque, coincé entre l'énorme barnum quinze places installé par notre peu conciliant voisin belge et une inéluctable promiscuité avec des dizaines de tentes Quechua, les préparatifs se terminent enfin. Le festival peut commencer : "Now I'm Ready To Start", pour reprendre l'hymne de la bande de Win Butler (notre tube de l'été à nous).

Lève-tôt, couche-tard, il y en a pour tous les goûts à Pukkelpop : premier concert à 11H20, extinction définitive des enceintes à 4h du matin. Ce qui laisse une bonne marge pour ingurgiter sa dose quotidienne de Rock. Pour notre part, on vérifiera tout au long de ces trois jours que musical ne rime pas forcément avec matinal. C'est donc à 14h00 que nous commençons notre première journée par le concert des australiens Tame Impala. Chanteur pieds nus et exhibant un bandeau dans ses (longs) cheveux : ces petits nouveaux présentent tout l'attirail du parfait groupe hippie. Calmes et concentrés, leur musique laisse deviner une écoute assidue de - au hasard - MGMT (Tampe Impala a assuré des premières parties pour la tournée américaine des New-Yorkais). Leur pop psychédélique tortueuse et acidulée s'avère une belle entrée en matière, même si l'ensemble manque de mordant.

Passant d'un chapiteau à un autre, place à Lonelady. L'anglaise (de Manchester, plus précisément) propose un set aride et tendu qui ne passionne guère. Flanquée d'un batteur et d'un préposé aux bidouillages électro et autres claviers, la chanteuse montre pourtant de belles choses vocalement. Mais cela manque trop d'émotion et on décroche assez vite. On en profite pour se faufiler jusqu'à la grande scène juste avant l'arrivée de Seasick Steve. Allergiques au blues, passez votre chemin. Après tant de froideur, nous y trouvons largement notre compte. Affichant une barbichette de trois mois, un débardeur jaune doublé d'une une casquette verte, et accompagné d'un batteur encore plus distingué, l'américain velu va à l'essentiel. Même si la formule présente des limites, son blues près de l'os joué avec ferveur fait plaisir à entendre.

Ignorant sans scrupule les anglais de The Kooks, c'est à bras ouverts que l'on accueille Black Rebel Motorcycle Club sur la scène Marquee. Malgré un dernier album pas précisément enthousiasmant (Beat The Devil's Tattoo), les américains restent ce qui se fait de mieux actuellement au royaume du blues-rock torturé (et saturé). La set-list se concentre sur Beat The Devil's Tattoo, tout en ayant la bonne idée de n'en jouer que les meilleurs titres : "Bad Blood" (qui rappelle avec bonheur Baby 81, meilleur disque du trio à ce jour), la lancinante chanson-titre "Beat The Devil's Tattoo", et surtout l'explosive "Conscience Killer" qui provoque moult remous dans une fosse plutôt mollassonne jusqu'ici. Les deux guitaristes/chanteurs (Peter Hayes et Robert Turner), accompagnés d'une main de fer par la nouvelle venue Leah Shapiro à la batterie, sonnent comme s'ils étaient six sur scène. Propulsé vers le haut par les classiques que sont désormais "Stop", la rustique "Ain't No Easy Way", la musclée "Berlin", "Weapon Of Choice" (jouée tête dans le guidon), "Spread Your Love" et "Whatever Happened To My Rock & Roll" (qui conclut le show par un déluge de guitares hurlantes), le show des Black Rebel Motorcycle Club lance le festival sur d'excellents rails.

Après tant de noirceur vénéneuse, on en a oublié qu'il fait encore grand jour dehors. Et beau. Et chaud. Place maintenant au duel des "Band" : Band Of Skulls Vs Band Of Horses. Le Rock Band du festival, en quelque sorte. C'est Band Of Skulls qui monte le premier sur les planches, devant un parterre à bloc, qui connaît les paroles par coeur. Après les BRMC, on reste en terrain connu : riffs bien sentis et lourds, solos de guitare appuyés. Le point commun entre le batteur barbu, la bassiste au look de Jonny Ramone et le chanteur blond (et barbu) ? Les cheveux longs. Mis à part ça, les canadiens sonnent comme les Raconteurs ("Death By Diamonds And Pearls") quand ils ne lorgnent pas vers Franz Ferdinand ("I Know What I Am"). Ils proposent un cocktail rock sympathique à défaut d'être vraiment original.

Devant une assemblée plus conséquente, les Band Of Horses se montrent un cran au-dessus. Leur sunshine pop à haute teneur mélodique fait des étincelles malgré une sono pas vraiment à la hauteur. La musique des américains évoque successivement My Morning Jacket, Wilco, Fleet Foxes ou encore The Shins. Pas exactement des tâcherons, donc. Band Of Horses, c'est encore une histoire de poils : chanteur moustachu, clavier et guitariste barbu. Derrière les cinq musiciens, un diaporama épileptique retrace la vie du groupe pendant la tournée. Beaux refrains, harmonies pas piquées des hannetons : les Band Of Horses ont une classe de plus que le groupe rock lambda. Leurs titres proposent de belles envolées, mais on préfère lorsque le tempo ralentit et que la chanson se fait plus subtile. Le chant reste un peu trop uniforme, dommage. Après un dernier titre brillant, les américains se retirent. On reste sur notre faim : 45 minutes, c'est un peu court, mais telle est la dure loi des festivals.

La venue de Blink 182 sur la grande scène a au moins un avantage : prendre encore plus mesure de la qualité de la prestation de Band Of Horses. Concernant le show des punks à paillettes américains, tout est question de virgule. En ce qui nous concerne, elle se place après le 1. Variante : 182, comme la distance du périmètre de sécurité autour de la grande scène. Pour être totalement franc, c'est carré, rodé, costaud. Pas l'once d'un brin de subtilité à l'horizon. Entre deux morceaux pour skatteurs attardés, le chanteur nous sert des "holy fuck !" et des "holy shit !" du meilleur goût. Autant dire que ce n'est pas du tout notre truc. Force est d'avouer pourtant que la foule en redemande.

On est autrement plus dans notre élément avec Girls, un de nos coups de coeur 2009 qui, juste après blinque ouane hey titou, redore le blason de la Californie. Les cinq musiciens (guitare/chant, seconde guitare, basse, clavier, batterie) enchaînent les titres sans temps mort. Les pépites pop défilent devant nos oreilles. On adhère, même si les versions manquent d'envergure et la voix trop maniérée agace par moments. On retiendra notamment la splendide "Laura", l'intense "Hellhole Ratrace" et son émouvant refrain ("I don't wanna cry my whole life through / I wanna do some laughing too") et un "God Damn" autrement plus rageur que sur disque. Le show se termine sur "Morning Light", titre puissant et psychédélique, noyé sous des strates de réverb.

Place désormais à la grande messe Hard Rock du festival : les vétérans britanniques d'Iron Maiden investissent la grande scène pour deux heures d'un énorme show métalo-SF. Peu étonnant vu le nombre impressionnant de T-Shirt (hideux) estampillés Iron Maiden croisés sur notre chemin aujourd'hui : une horde de fans a pris d'assaut la scène. Poings brandis, paroles vociférées, tête balancée en rythme. Le décor fait dans la démesure et le show dans le grand-guignolesque, notamment lorsqu'un alien s'invite à la fête (clin d'oeil appuyé à leur tout récent album The Final Frontier). Rock & Roll jusqu'au bout des ongles, Iron Maiden assume le caractère outrancier du spectacle : solos à n'en plus finir, chanteur parcourant des kilomètres sur les décors surélevés, poses de guitaristes avec manches à 90° et tentatives de grand écart contrariées par un slim peu extensible. Qu'on apprécie ou pas, on ne peut nier que les anglais assurent comme des bêtes. Gros riffs qui tâchent, chanteur à la hauteur niveau voix : on est captivé malgré nous (et malgré quelques longueurs).

Le moment est venu d'évoquer le gros point noir de la soirée : Placebo. Pendant cinq ans - de Without You I'm Nothing (le second album, 1998) à Sleeping With Ghosts (quatrième livraison du trio, 2003) -, on a aimé et défendu la bande de Brian Molko malgré des boursouflures gagnant un peu plus de terrain à chaque fois. Porté par une poignée de singles épatants, Placebo faisait partie des groupes qui compte. De l'eau a coulé sous les ponts, un Steve en a remplacé un autre derrière les fûts, et ce n'est pas Meds (2006) ni encore moins le pénible Battle For The Sun, sorti l'année dernière, qui changeront la donne : Placebo n'excite plus grand monde aujourd'hui.

La foule immense venue entendre leurs tubes en aura pour ses frais : mis à part "Nancy Boy", servie d'entrée, "Soulmates" - pas franchement leur plus grande réussite -, "Special Needs", un "Every You, Every Me" bâclé, la semi réussie "Meds", la reprise facile d'"All Apologies" (Nirvana) et l'agaçante "Song To Say Goodbye", on se farcit essentiellement le dernier album du groupe. Après une heure de show, "The Bitter End" parvient enfin à faire bouger une foule dans l'expectative. Pas de cris ni d'applaudissement pour le rappel. Le groupe revient pour quatre titres dont on retiendra un "Infra-Red" efficace et surtout un "Taste In Men" rappelant les moments d'éclats dont ils étaient capables à l'époque. Brian Molko, coincé sous son bonnet et derrière ses lunettes, ressemble à un petit lutin mal dans sa peau. Sa voix particulière nous donne aujourd'hui des boutons. Sept ans ont passé depuis Sleeping With Ghosts, la ferveur s'est évaporée, mais Brian Molko continue d'y croire. C'est tout le mal qu'on lui souhaite, mais ce n'est pas gagné.

Sans transition, on file voir les Flaming Lips sous l'immense halle Marquee, où l'effervescence règne : derrière des dizaines de ballons géants flottants puis rebondissant sur le public, on parvient à apercevoir sur scène un ours géant, une chorale yé-yé en mini-jupe orange en bords de scène et un Wayne Coyne sautillant. A l'image d'Of Montreal, on assiste à une performance plus qu'à un concert. Du grand n'importe quoi mis en scène et joué avec un enthousiasme à toute épreuve. OK, mais la musique dans tout ça ? Un gloubiboulga acidulé qui ravit sans doute les tenants du tout psychédélique mais finit par écoeurer. Dommage, car dans ses moments les plus posés, les chansons de Wayne Coyne peuvent s'avérer splendides ("Do You Realize ??", pour ne citer qu'elle).

On en profite pour aller voir ce que nous concocte Fat Freddy's Drop sous le petit chapiteau du Club. Les néo-zélandais surprennent agréablement et s'imposent même comme la bonne surprise d'une première journée en demi-teinte. Leur reggae électro teinté de soul (3 cuivres sur scène et la voix douce de Dallas Tamaira), d'une coolitude absolue, fait mouche.

samedi 7 août 2010

Roy Ayers (La Plage de Glazart, 6 Août 2010)

Ce n'est pas faute d'avoir cherché, mais entre le périph' avoisinant et les rangées de bâtiments grisâtres, difficile de trouver un quelconque attrait aux environs de la Porte de la Villette. Ce coin guère accueillant était pourtant "Ze place to be" ce vendredi soir. Profitant des beaux jours, le Glazart fait sa mue estivale et s'offre une sablonneuse scène extérieure où se succèdent tout l'été de très beaux noms. Deux jours après la funk acidifiée de George Clinton et son Parliament/Funkadelic, c'est Roy Ayers, l'homme le plus samplé au monde qui vient déverser son funk-jazz sensuel.

A 69 ans, Roy Ayers jouit d'une aura d'artiste culte. Ce qui signifie parfois stades remplis et hordes de fans enragés, mais plus souvent "musique réservée à un petit cercle de fidèles admirateurs". C'est le cas pour le pape du vibraphone qui, au vu du public clairsemé, n'a pas déplacé les foules ce soir. Quelques petits malins se sont mêmes placés sur la colline surplombant l'enceinte pour jouir gratuitement du spectacle.

Sur scène, un clavier (Rolland), un bassiste, un batteur blanc (et anglais), un percussionniste nigérian, un choriste/chauffeur de salle à béret et sandales Adidas et un saxo/clavier (Korg) composent le backing band. Roy, en devant de scène, dirige les opérations. Vêtu d'une très saillante combinaison costard-bonnet-chaîne en or-lunettes en plastique jaune et rouge, il jongle entre vibraphone et chant.

Après deux titres langoureux qui donnent sérieusement envie de copuler avec son prochain, le groupe balance une tuerie funk qui voit le parterre se trémousser sur le sable. Visiblement d'excellente humeur, Roy se lance avec son choriste dans un désopilant jeu d'onomatopées. Le public, amusé, s'incruste dans le jeu à la grande joie du chanteur alors que le choriste feint d'être vexé. Après un ultime refrain repris en coeur par les spectateurs ("My Wy" de Sinatra), retour aux affaire sérieuses.

Impassible en fond de scène, un improbable cow-boy noir tout droit sorti de Shaft scrute les moindres faits et gestes du groupe. Le manager, sans doute. Pendant ce temps, Roy Ayers alterne habilement entre parties de vibraphone inspirées, chant et moments où il laisse son groupe déployer son groove irrésistible. Le saxo amuse la galerie puis finit couché après un solo énergique.

Alors que ça s'embrasse avec la langue à notre gauche sous les derniers rayons du soleil couchant, le maître de cérémonie s'improvise juke-box. Il demande au public les titres qu'il désire entendre. S'en suit un prévisible brouhaha qui semble fort l'amuser. N'entendant rien, il décide que ce sera "Baby You Got It", sur laquelle le choriste y va de son solo en voix de fausset. La suite n'est qu'une pluie de standards : "Searchin", "Can't You See Me", "No Stranger To Love", et bien entendu "Everybody Loves The Sunshine".

Après 1h30 de show, Roy Ayers quitte la scène, non sans difficulté. Malgré les efforts du public, on sent que c'est râpé pour le rappel. Confirmation de l'organisation après quelques minutes : "désolé, mais c'est fini pour ce soir... soyez indulgent... 69 ans... 1h30 de show c'est déjà pas mal". On se contentera donc de ces très bonnes 1h30.

Vendant T-Shirts et disques à la sortie du concert, acceptant avec générosité de poser pour des photos, Roy Ayers est l'exemple même de l'injustice commerciale. Comme il l'a dit un peu plus tôt sur scène, "il est très difficile de trouver (ses) CD, vu que les maisons de disques ne sortent plus que les albums de Beyoncé". Hilarant ou triste, c'est selon. Cruelle vérité quoi qu'il en soit.