jeudi 30 septembre 2010

Pacovolume (29 Septembre 2010, La Maroquinerie)

A peine le temps de siroter une bière et hop ! Dissonant Nation débarque guitares en avant, poitrine gonflée à bloc, prêts à en découdre. Manque de bol pour eux, le public est encore à l'heure de l'apéro. Du coup "You Are Vegetables", chanté devant une fosse complètement vide (tous les spectateurs sont restés en altitude), prend une tournure assez cocasse.

Ne se laissant pas décourager, le jeune trio frenchy déballe avec envie son punk-rock énergique. Leur musique zieute vers celle des défunts Rakes, les tubes en moins. Les membres du groupe ont tout l'air de se livrer en interne à une compétition du T-shirt rock le plus cool de la terre : Sonic Youth, Ramones, et notre préféré (arboré par le chanteur), reprenant le slogan "I'm A Bitch In Disguise" des Plasticines.

Le chanteur-guitariste, affublé d'une coupe à la Kapranos et d'un slim plus proche du boxer que de raison, assure le show à lui tout seul : battement de pieds et flexions de jambes frénétiques, solos où il en fait un peu trop. Mais mieux vaut trop que pas du tout. Outre cette belle maîtrise des codes rock, les Dissonant Nation montrent aussi de belles choses avec leurs instruments.

"We Play We Are" : ça a beau ne pas être toujours extrêmement subtil, ça respire le rock à plein nez. Le trio essaie tant bien que mal de dévergonder un public bien timide et confortablement assis sur les marches, sans succès jusqu'ici. Nouvelle tentative : "Il est temps de danser maintenant !". On sent que les trois larrons ont des fourmis dans les doigts. Ils enquillent une reprise vigoureuse et réussie du "D.A.N.C.E." de Justice qui voit enfin le public sortir de sa léthargie.

Le chanteur se lance ensuite dans une distribution chaotique de masques de chirurgien qui voit la Maroquinerie se muer en une gigantesque salle d'opération. Vision assez flippante. Une première année en médecine à exorciser ? Dissonant Nation a en tout cas un goût certain pour les slogans accrocheurs : "I Hate The Doctor", "Call The Police" (ambiance apocalyptique) et "Je veux être Andy Warhol, no sex, no drug, no rock & roll". Et puis c'est tout.

Bilan : une qualité de concert suivant l'évolution inverse de l'ambiance dans la salle (bien au début, un peu trop répétitif ensuite), de bons guitaristes, un bassiste discret (dont on aimerait bien savoir ce qu'il cache sous cette mèche), des titres en français très efficaces, des paroles en anglais assez convenues. Les motifs de satisfaction résident davantage dans la forme que dans le fond. Ne manque plus que des compos plus originales et un chant plus varié (le chanteur crie plus souvent qu'il ne chante, dommage car il montre de belles capacités) pour vraiment casser la baraque. Dissonant Nation n'avait pas la tâche facile en ouvrant pour Pacovolume tant leurs univers sont en complet décalage. Mais les jeunes rockeurs ne se sont pas dégonflés malgré un public qui a tardé à réagir et ont prouvé qu'ils méritent plus que de la simple curiosité.

C'est une salle bien remplie désormais qui accueille Pacovolume, notre chanteur-oenologue favori. Dès "Everybody Dies", on est surpris par la tournure très rock du concert. "Tony Orlando And The Fantastic Five" confirme la tendance. Le public semble plus en phase avec le style de musique et l'ambiance s'en ressent.

Troisième facette du personnage : le Pacovolume boute-en-train. Plutôt que de présenter sobrement le nouveau guitariste qui regagne la scène, il avoue : "J'avais le choix entre Henry et Slash, j'ai pris Henri". Lequel serait "fan de "Hotel California" des Eagles". Et le chanteur d'entonner un des célèbres vers de la scie 70's : "She got the Mercedes Benz..." . "C'est trop classe ce passage, "She got the Mercedes Benz...", je le chante tout le temps au karaoke". Il n'est pas sur le planches depuis dix minutes que son capital sympathie est déjà au climax.

La version enlevée de "Stand By Me (Belfast '79)" lève tout soupçon quant à la capacité du groupe à retranscrire les chansons en live. Exhibant ce qu'on croit être un ukulélé, Pacovolume devine nos pensées : "Contrairement à ce que vous devez croire, ce n'est pas un ukulélé mais un charango. C'est un truc de péruvien macho, un truc de vrai dur, comme moi quoi. Bref, c'est mieux qu'un ukulele, mais on a l'air con quand même".

Avec "Jesus" (au charango, donc), on retrouve l'atmosphère douce et colorée de l'album. Très beau moment. On saute du coq à l'âne avec "Kids In Amercia", chanson un peu débile mais extrêmement efficace de Kim Wilde. Reprise des milliers de fois, elle scintille de mille feux dans un habillage power rock qui lui sied à la perfection.

Le single "Cookie Machine" remue la fosse, qui clape des mains pile quand il faut. On y retrouve l'articulation britannique singulière de Pacovolume. L'excellente version qui nous est servie ce soir réussit à être encore plus entraînante que sur disque. Autre moment marquant : "Ordinary Life", une des plus belles chansons du disque, à la guitare acoustique.





Entre deux blagues sur Henry Caraguel, guitariste par intermittence, et un running gag impliquant "Hotel California", son "She got the Mercedes Benz..." et la grosse caisse du batteur (on ne vous fera pas l'affront de vous expliquer le jeu de mot), le groupe interprète "4th Street Approximately" (titre un peu atypique, assez soul dans l'esprit) puis "Manhattan Baby", opérant une impeccable et graduelle montée en intensité.

Sur "Wolves", on entend malheureusement peu le clavier, mais la force de la chanson compense aisément. Le chanteur, confus, avoue qu'il a oublié de dire que c'était la dernière chanson. Le public râle, Pacovolume rebondit : "au revoir avec des bisous, ça marche mieux ?".

Notre aimable troupe revient pour le rappel avec "un nouveau morceau qu'on ne connaît pas et qu'on ne sait pas jouer, ça s'appelle "nouveau morceau". Mouais... Sur la setlist, ça s'appelle quand même "Master Writer" (une réponse aux Stereophonics ?). Pacovolume n'en rate pas une : "Si vous aimez vous pourrez dire que vous étiez là, sinon pas la peine de dégoûter les autres". Cette nouvelle compo annonce-t-elle un virage power rock ? C'est en tout cas fort réussi, avec un surprenant refrain ("je t'aime maman") qui ailleurs frôlerait l'overdose de sucre mais est ici très touchant.

Malgré une petite coquille à la guitare au début du morceau, le dernier et meilleur titre de l'album ("Discontinued Things") conclut en beauté cette fort agréable soirée. Le morceau ne pâtit pas trop de l'absence plutôt compréhensible de la cithare vietnamienne (instrument utilisé pour l'orchestration du titre sur l'album). Le groupe fait péter les Watts dans une avalanche sonore finale.

Devant l'insistance des spectateurs, le groupe revient pour un deuxième rappel. Plusieurs personnes dans le public - et c'est légitime - réclament "Hotel California". Refusant habilement l'offre, le chanteur préfère rejouer "Cookie Machine" : "Vous aviez l'air heureux quand on l'a jouée tout à l'heure". Pacovolume, ou l'art de se mettre le public dans la poche. L'assistance chante le chorus a capella et à tue-tête. Ce qui est assez gonflant chez les fans de Bertignac mais est ici très intense.

Setlist Pacovolume : 01 Everybody Dies / 02 Tony Orlando And The Fantastic Five / 03 Stand By Me (Belfast '79) / 04 Judas / 05 Kids In America / 06 Cookie Machine / 07 Ordinary Life / 08 4th Street Approximately / 09 Manhattan Baby / 10 Wolves / Rappel / 11 Master Writer / 12 Discontinued / Rappel 2 / 13 Cookie Machine

Crédits photos : Marie Guerre

mardi 7 septembre 2010

Timber Timbre "Timber Timbre"

La musique folk n'en n'est plus à une étrangeté près. Timber Timbre, trio canadien passé entre les mailles du filet jusqu'ici, en apporte une preuve aussi lumineuse qu'inclassable. Emmenés par l'épatant singer/songwriter Taylor Kirk, ils s'affranchissent des codes musicaux du genre pour pondre un troisième album en forme d'objet musical non identifié.

Sorti il y un an déjà outre-atlantique, Timber Timbre intrigue instantanément. Est-ce la voix ensorcelante de Taylor Kirk - quelque part entre la sensibilité rocailleuse de M.Ward et le vibrato lyrique et profond de Richard Hawley -, l'atmosphère envoûtante que le groupe tisse autour de cette dernière, ou encore l'agréable impression que le groupe n'en fait qu'à sa tête (tendance Devendra Banhart) ? Toujours est-il que Timber Timbre distille dans nos oreilles un agréable goût de reviens-y.

Ambiance feutrée, compositions tenant sur un fil mélodique simplissime mais brillant - "Lay Down In The Tall Grass" en est l'exemple le plus éclatant -, titres lancinants et distillant très peu d'informations (Timber Timbre se rapproche en cela d'une version organique de The XX) : une douceur apaisante émane du disque, et la magie opère. Le folk habité des canadiens s'étire en longueur, les titres déroulent un fil d’Ariane, prennent le temps de poser leur atmosphère, répètent jusqu'à plus soif des gimmicks faits de peu de choses mais tellement addictifs. L'auditeur se retrouve emporté dans une lente et calme descente d'un long fleuve ténébreux.

On songe par-ci par-là à Bright Eyes ("We'll Find Out") ou Tindersticks ("I Get Low"). Mais, dans un style assez similaire (folk minimaliste), c'est Bon Iver dont l'ADN se rapproche le plus de celui de nos canadiens. Si l'on n'avait pas été totalement conquis par For Emma, For Ever Ago (premier album multi-encensé du groupe de Justin Vernon), Timber Timbre s'installe lui chaque jour un peu plus sur notre platine, les chansons tissant lentement mais sûrement leur toile dans notre esprit.

Bien loin de la candeur souvent barbante des divers essais folk actuels, l'album recèle un côté obscur parfaitement assumé. Il flotte tout au long de ce disque un parfum d'étrangeté fort troublant : Timber Timbre oscille entre une noirceur des plus âpres ("Magic Arrow" et "Trouble Comes Knocking" sonnent comme la bande son d'une sinistre fin de soirée trop arrosée) et une légèreté toute cinématographique ("Demon Host" en apesanteur, "No Bold Villain", "We'll Find Out").

Disque épuré et reposant, transportant l'auditeur d'un paysage à l'autre, Timber Timbre évite l'écueil de la préciosité (Antony Hogarty, si tu nous entends...). Sous ses airs arides (les arrangements tiennent en un clavier hanté, une basse caverneuse et une guitare dénuée de fioritures), cet album cache une flopée de mélodies en forme d'oasis qui continuent de vous obséder longtemps après la dernière note. Qu'on aime ou pas, on ne peut rester insensible à cette musique. En cela, les canadiens gagnent haut la main leur pari.



Découvrez la playlist Timber Timbre