lundi 25 octobre 2010

I Am Kloot (24 Octobre 2010, La Maroquinerie)

Séduit instantanément à l'aube des années 2000 par la finesse et l'originalité des pépites entendues sur Natural History (2001) et I Am Kloot (2003), on avait depuis remisé I Am Kloot aux oubliettes (et on en a un peu honte). La faute - entre autre - à des disques pas mauvais mais tout de même moins bons (Gods And Monsters, 2005 ou Play Moolah Rouge, 2007). Sky At Night, excellent dernier album en date, vient nous rappeler combien le trio mancunien est un groupe essentiel. La confirmation de l'embellie est attendue ce soir à la Maroquinerie.

En première partie Katel, joli bout de brune vêtue d'une jupe de cuir noir pour l'occasion, chante crânement ses chansons, seule avec sa 6 cordes sur scène. Le jeu de guitare nerveux apporte un supplément de force à des compositions oscillant entre folk, esprit rock et chanson française. On est curieux de voir ce que cela donnerait avec une section rythmique, mais les chansons, bien que trop bavardes, font mieux que tenir la route. C'est dans les moments les plus pop que l'on accroche vraiment. En gommant quelques défauts (des accords déjà vus par-ci, une ballade mélancolique un peu plate par-là, ou encore des textes qui semblent parfois passer avant la musique), Katel pourrait nous réconcilier avec une certaine idée de la chanson française.

Le cocktail s'avère plus séduisant et énergique que la grande majorité des chanteurs hexagonaux interchangeables que les maisons de disque essaient de nous refourguer à longueur d'année. Katel donne à entendre de belles envolées qui malheureusement tombent parfois dans le travers de l'emphase ainsi qu'une voix habitée mais qui manque encore de caractère. On l'aura compris, il y a à chaque fois un "mais" qui fait que malgré un a-priori positif, on reste sur notre faim. "Je m'appelle Katel au fait, et vous ?" : la sortie est parfaitement réussie.

Une musique de film retentit, et les six I Am Kloot arrivent, tous armés d'une bière à la main. En sus du trio originel (bassiste / batteur /chanteur-guitariste), on recense un deuxième guitariste tapis dans l'ombre, un clavier sur la droite de la scène, et un joueur de flûte traversière et saxo qui ferait bien de ne pas trop reculer s'il veut que le public l'aperçoive.

C'est tout naturellement les morceaux de Sky At Night qui ouvrent le bal : dès "Northern Skies", composition soyeuse et premier titre de l'album, la voix au grain si particulier de John Bramwell fait chaud au coeur : on a l'impression de retrouver un vieil ami perdu de vue. Sur "Lately", que la chanteur décrit comme une "chanson sur l'instabilité mentale", I Am Kloot s'écarte des sentiers folk pour s'aventurer sur les terrains soul. John Bramwell se la joue crooner, épaulé par son groupe qui soigne ses contre-chants, breaks, solos de guitare et lignes de saxo. Sur le thème "l'alcool... et ses désastres", la déchirante "To The Brink" (valse mélancolique à 3 temps) fait son effet. Le clavier a laissé sa place à l'accordéon, le batteurs caresse ses caisses claires et ses cymbales avec son balais : c'est beau à pleurer.

Coincée entre un "The Stars Look Familiar" fort sympathique et "It's Just The Night", douce et romantique ballade qui donne envie d'être amoureux, "Hey Little Bird", un peu répétitive, avoue quelques faiblesses malgré une rythmique originale tout en contre-pieds (qu'on retrouve d'ailleurs sur plusieurs morceaux). Ce sera le cas de tous les titres de Play Moolah Rouge interprétés ce soir. Il leur manque ce petit quelques chose qui fait la différence : "Someone Like You" (plus entraînante que "It's Just The Night", jouée juste avant, mais aussi moins réussie), "At The Sea" et "One Man Brawl", où John Bramwel empoigne la guitare électrique : ça groove autant que ça envoie, mais on préfère quand les anglais font preuve de douceur.

A contrario, l'enchaînement de la superbe "From Your Favourite Sky" (cris de joie dès les premiers arpèges), de l'espiègle "Storm Warning" (ancien morceau présent sur le 1er EP du groupe et sur leur album originel, Natural History), d'"Over My Shoulder" (excellent titre de Gods & Monsters), puis de "86 TV's" (le batteur y fait étalage de sa dextérité, baguettes feutrées en main) est parfait.

Au gré des sorties et retours des musiciens sur scène et selon les besoins des morceaux, le groupe joue au complet, en trio basse/batterie/guitare, le chanteur seul à la guitare, accompagné d'un clavier,... La formation à géométrie variable interprète ensuite "Bigger Wheels", titre country-folk sympa mais pas renversant. On admire tout de même les baguettes phosphorescentes du batteur.

"I Still Do" : magnifique. Le temps s'est arrêté (bien que le "do" ait parfois du mal à sortir). L'enchevêtrement d'arpèges des deux guitares et du clavier est absolument superbe. On a subitement envie de redevenir gosse. John Bramwell, resté seul, n'est pas trop encombré pour jouer "Astray" et son joli refrain. Retour du groupe au complet pour "Fingerprints", titre à l'atmosphère feutrée. Applaudissements appuyés et mérités. "The Moon Is A Blind Eye", charmante mélopée, vient compléter ce beau tableau.

Le thème du ciel est omniprésent dans les textes, qui y font référence une chanson sur deux. Le chanteur d'en amuse, déclarant n'avoir aucune explication censée à fournir. Beau-parleur (entre deux morceaux, il fait valoir son croustillant humour pince sans-rire, so british), frontman épatant de maîtrise, ne s'offrant aucun répit, on est totalement sous le charme de sa voix éraillé. John Bramwell pourrait réciter le botin qu'on l'écouterait religieusement.

Sur "Same Water Deep As Me", on s'ennuie un peu malgré - une fois de plus - le beau trio d'arpèges. Le problème est différent sur "Because", joli titre qui souffre d'une redondance aiguë (2 accords, une mélodie). Si l'on était méchant on dirait que ça ressemble à une ballade des Stereophonics : c'est beau, mais quand est-ce qu'ils changent d'accord ? Bon moment tout de même (confirmé par le crescendo final), mais les mancuniens sont capables de mieux. Aux 2/3 du concert, nos protégés sont-ils victimes d'un petit coup de mou ?

Que nenni : ils repartent de plus belle, forts d'une bon stock de cartouches sous le coude. A commencer par "Radiation", étonnant morceau de Sky At Night, très cinématographique. Attaquée au clavier, toute douce, elle prend de l'ampleur progressivement dans une partie instrumentale où le saxophone joue un rôle non négligeable. Break, puis la batterie lance la machine et la chanson part complètement autre part. Tout ça ressemble fort à un titre d'au revoir. Erreur : les anglais en ont encore sous le pied.

Ils ne pouvaient raisonnablement pas quitter la scène sans jouer "Proof". Sur les premières notes, notre coeur fait un bond. On note avec satisfaction que l'on n'est pas le seul à avoir le sourire jusqu'aux oreilles. Un plantage gros comme le nez au milieu de la figure nous ramène les pieds sur terre. "Fuck off !", fustige le chanteur fautif, qui repart comme si de rien n'était. Le public est à bloc, on peut lire les paroles sur la plupart des lèvres. Une spectatrice trop enthousiaste se fait même surprendre sur un "without you" délibérément retardé par le chanteur. Malgré le léger couac au lancement du morceau, c'est absolument admirable.

John Bramwell ré-accorde sa guitare en 10 secondes chrono et enchaîne avec "Twist", titre goguenard aux vapeurs alcoolisées, poisseux juste comme il faut ("There's blood on your legs, I love you", annonce le refrain). Après une rapide sortie, le chanteur revient avec un verre de vin blanc à la main, suivi par ses ouailles. Un seul titre pour le rappel (le 24ème de la soirée !) : un slow langoureux et jazzy qui conclut parfaitement une soirée réjouissante en tous points. Malgré quelques baisses de tension, I Am Kloot ne tient pas le haut du pavé folk depuis 10 ans pour rien. On les tenait déjà en haute estime, ce concert ne va rien arranger.

Set-list : 01 Northern Skies, 02 Lately, 03 To The Brink, 04 The Stars Look Familiar, 05 Hey Little Bird, 06 It's Just The Night, 07 Someone Like You, 08 From Your Favourite Sky, 09 Storm Warning, 10 Over My Shoulder, 11 86 TV's, 12 Bigger Wheels, 13 I Still Do, 14 Astray, 15 At The Sea, 16 Fingerprints, 17 The Moon Is A Blind Eye, 18 Same Water Deep As Me, 19 Because, 20 Radiation, 21 Proof, 22 Twist, 23 One Man Brawl

mardi 5 octobre 2010

Black Mountain (4 Octobre 2010, La Maroquinerie)

Pas franchement séduits pas leur nouvelle galette (Wilderness Heart), c'est davantage par curiosité et en souvenir du précédent In The Future (2008) que nous nous rendons ce soir à La Maroquinerie pour voir Black Mountain.

En guise d'accueil, un déferlement humain - le concert est complet - accompagné d'une étouffante bouffée de chaleur. Luttant à contre-courant pour descendre dans la salle, on réalise que l'on vient de manquer la première partie (Tweak Bird). Jouant des coudes, on réussit à glaner une bière au bar, laquelle se retrouve renversée avant même qu'on ait pu y tremper les lèvres. La soirée ne commence pas sous les meilleurs auspices.

Puis la tendance s'inverse : le sympathique latin responsable de la mare de bière à nos pieds nous propose la fin de la sienne, les enceintes crachent "Marquee Moon" de Television (ce fabuleux ping-pong de guitare, ce solo, cette voix haute perchée...) puis "Hang Me Up To Dry" des Cold War Kids pour nous faire patienter. Et les lumières s'éteignent.

En guise de longue mise en bouche, un chant liturgique laisse progressivement place à des percussions désordonnées, le tout dans une ambiance très space rock. Un larsen vient interrompre cette quiétude, puis le groupe fait son apparition.

En entrée, la chanson-titre "Wilderness Heart" et son riff pas finaud pour un sou. Efficace malgré tout. "Evil Ways", plus enlevée, donne à entendre une batterie originale préparant le terrain pour une joute guitaristique rondement menée mais qui s'étire trop en longueur. La chanteuse, secouant ses maracas, a l'air peu perdue au milieu de la scène pourtant pas bien grande.

"Let Spirits Ride" fait remuer quelques têtes avec ses accords tranchants. S'en suit un long titre progressif et plus calme ("Wucan") où il ne se passe pas grand chose. Les arrangements de synthé ne sont pas trop de notre goût, la décharge électrique se fait attendre. Black Mountain enchaîne avec un autre titre d'In The Future qui remet les canadiens sur les bons rails. Agressive puis lancinante, "Tyrants" fait penser à des Morning Jacket sous influence stupéfiante. La tension monte ensuite jusqu'à un final rageur de bon aloi.

Place maintenant au périlleux intermède acoustique : "Buried By The Blues" (chanson à deux voix et guitare acoustique) ne soulève pas - à juste titre - un enthousiasme démesuré alors que "Stay Free" (belle et lumineuse ballade présente sur In The Future) récolte de mérités applaudissements.

Après "Angels", tiède chanson mid-tempo, retour à l'électricité avec "Old Fangs" (titre étrange et menaçant du dernier album), l'efficace "Rollercoaster" puis l'énorme "Stormy High", à côté de laquelle les nouvelles compositions font pâle figure. Les Black Mountain sont meilleurs dès que ça s'énerve pour de bon. Le salut n'est pas à chercher dans la douceur ce soir.

"No Hits", extrait du premier album, conclut le set par un trip électro prog soutenu par une grosse caisse généreuse et un batteur qui donne de sa personne. On se laisse emporter avec plaisir. Alors que cela fait 1h30 que notre voisin secoue sa tignasse non-stop quelque soit le tempo, le groupe se retire sobrement dans les coulisses.

Ils en ressortent quelques minutes plus tard pour un rappel à l'image du concert : inégal. Entamé par un titre planant au final saturé grandiose ("Queens Will Play"), il se poursuit par une jam psyché interminable pour se conclure par un dernier titre très bon où les canadiens lâchent des riffs énormes entrecoupés d'intermèdes plannants. Black Mountain conclut sur une bonne note un concert mitigé où les morceaux d'In The Future et Wilderness Heart se sont taillés la part du lion.

Il est 23h, c'est maintenant l'heure de combler notre frustration en terme de houblon sur le chemin du retour.

Setlist : 01 Wilderness Heart, 02 Evil Ways, 03 Let Spirits Ride, 04 Wucan, 05 Tyrants, 06 Buried By The Blues, 07 Stay Free, 08 Angels, 09 Old Fangs, 10 Rollercoaster, 11 Stormy High, 12 No Hits