mercredi 23 février 2011

Timber Timbre, CW Stoneking & Puta Madre Brothers (La Maroquinerie, Les Nuits De l'Alligator, 21 Février 2011)

L'association entre La Maroquinerie - salle à la programmation irréprochable - et le Festival Les Nuits de l'Alligator a pris la bonne habitude de proposer de jeunes talents en devenir, des artistes confirmés et des rencontres improbables. Rebelote pour cette sixième édition, avec une belle sélection sillonnant la France deux semaines durant en février. Ce soir, on prenait peu de risque sachant que Timber Timbre était de la partie. Mais CW Stoneking et, plus encore, les Puta Madre Brothers ont contribué à faire de cette soirée une belle réussite.

Comme leur nom ne l'indique pas, les Puta Madre Brothers viennent d'Australie. Avec un nom pareil, on se doute qu'ils ne sont pas du genre à se prendre au sérieux. Dès l'arrivée sur scène des trois brothers (deux guitaristes et un bassiste, chacun planqué derrière une grosse caisse), vêtus de jaquettes militaires et le visage barbouillé comme des bagnards, on se retrouve parachuté dans une scène du cultissime O'Brother.

Le concert part dans tous les sens : leur musique évoque un blues des îles, du surf rock coloré, un délire rock & roll 50's, Compay Segundo chanté par Elvis, les Shadows, Jerry Lee Lewis, Morricone,... Bref, c'est du grand n'importe quoi jubilatoire.

Ces hispanophiles - qui parlent espagnol comme Brad Pitt parle italien dans Inglourious Basterds - proposent un show décapant fait d'onomatopées sans queue ni tête, de voix gorgées de réverb et de guitares saturées de delay. Ils s'amusent des codes du genre avec un enthousiasme contagieux. A voir les gens battre du pied et sourire pendant leur numéro, ils ont réussi leur coup. On conseille de déguster ces Puta Madre Brothers sur scène car Queso Y Cojones, leur récent album au titre métaphysique, ne parvient malheureusement pas à retranscrire la ferveur et la folie de leur live.

C'est ensuite CW Stoneking qui foule les planches de la Maroquinerie. Première impression : se tient devant nous Hannibal Lecter, la muselière en moins. Tout vêtu de blanc, cheveux gominés plaqués en arrière sur le crâne, mutique, yeux perçants... On cherche dans la salle mais pas l'ombre de Jodie Foster. Nous voilà rassurés. Accompagné d'un batteur, d'un contrebassiste et de deux cuivres, le set de l'australien (décidément) propose une musique sympathiquement rétro (les années 20 et 30 ne sont pas loin), aux accents tantôt jazz tantôt country, chantée par une voix de black à l'accent à couper au couteau. La formule, séduisante, s'avère tout de même répétitive sur la durée. Ayant la délicate tâche de passer après les Puta Madre Brothers, la musique de CW Stoneking - malgré toutes ses qualités - manque de sueur et d'entrain. Bilan mitigé donc.

Inconnus au bataillon il y a encore six mois de ce côté de l'Atlantique, les canadiens de Timber Timbre ont depuis marqué bien des esprits avec leur somptueux troisième album (éponyme). Leur folk intimiste en apesanteur s'est imposé comme une des plus belles étrangeté attrapée au vol ces derniers mois.

"No Bold Villain", qui clôt le disque, est jouée ce soir en ouverture. Taylor Kirk au centre, tiré à quatre épingles, caresse ses cordes avec une telle douceur que sa guitare est parfois à peine audible. Pika Posen (Violon / Clavier) et Simon Trottier (Lap steel guitar / Autoharp) tissent autour du chanteur une toile sonore envoûtante. Le groupe enchaîne avec "Trouble Comes Knocking", dévoilant sa face sombre, puis propose un excellent nouveau titre, "Black Water" (le nouvel album Creep On Creepin' On sort au printemps) dont le refrain s'implante durablement dans le cerveau ("all i need is some sunshiiine"). Superbe entrée en matière.

La suite est à l'avenant : la setlist alterne entre titres du dernier album et morceaux inconnus, Timbre Timbre proposant des versions réarrangées de ses chansons (avec notamment de longues intros planantes). La voix au timbre magique de Taylor Kirk occupe une place centrale, accompagnée par son jeu de guitare tout en contrastes (d'une douceur extrême entrecoupée de fulgurantes incartades), son articulation exagérée et très théâtrale, ses tics vocaux (cris à la fin des phrases). Tout ceci fait de Timber Timbre un cas vraiment à part.

Mis à part l'absence de "We'll Find Out", c'est un concert en tous points réussi que nous ont livré les canadiens. Parmi d'autres splendeurs ("No Bold Villain", "Trouble Comes Knocking", "Black Water", "Demon Host", "Until The Night Is Over", "I Get Low"), on retiendra particulièrement la version profonde et intense de "Lay Down In The Tall Grass".


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jeudi 3 février 2011

Fyfe Dangerfield (La Boule Noire, 2 Février 2011)

Il existe des disques tortueux, qui jouent à cache-cache avec l'auditeur pour mieux se révéler quand on ne s'y attend plus. Et puis il y a des albums, tels Fly Yellow Moon, qui ne nécessitent pas plus de deux écoutes pour s'imposer comme l'un des plus beaux disques de l'année passée. Libéré du carcan de son groupe (les sympathiques mais inégaux Guillemots), Fyfe Dangerfield prend son envol de songwriter.

Qu'en est-t-il de la retranscription live ? Livré à lui-même (seules une violoniste et une altiste sont à ses côtés) et pourvu d'un sampler, le chevelu anglais et ses pop-songs ciselées séduisent. La Boule Noire est ce soir complète et le public très concerné. L'ambiance est détendue et Fyfe Dangerfield à son aise : l'intimité de la salle sied parfaitement à la finesse de ses compositions.

Sans livrer une performance renversante - on aurait aimé entendre les chansons dans des conditions optimales : avec un vrai groupe accompagnant le chanteur -, le talent de l'anglais pour jongler entre piano et guitares, son magnifique organe vocal et son humour so british rendent ce tour de chant extrêmement plaisant.

Et puis la force des morceaux est telle que, même dans des versions parfois un peu cheap, on est conquis. Sur certains titres, même réduits à l'essentiel, la magie opère ("Firebird", d'une extrême douceur en ouverture, "Live Wire", qu'on croirait sortie d'un disque d'Eels, "Barricades", somptueuse ballade Lennonienne à faire pâlir de jalousie Chris Martin, la délicate "Don't Be Shy"). Le leader des Guillemots semble surtout avoir un don pour les envolées lyriques - que Rufus Wainwright ne renieraient pas -. Sans verser dans l'emphase, ses mélodies dorées et ses refrains virevoltants captivent ("So Brand New", "Faster Than The Setting Sun", "She Needs Me").

Fyfe Dangerfield se permet même deux reprises, aussi surprenantes l'une que l'autre - chacune à sa manière - : il revisite tout d'abord le "Fool On The Hill" des Beatles. Osé, mais le chanteur enfile la combinaison de McCartney avec une insolente réussite et livre une version toute personnelle et intense. Et puis, beaucoup plus surprenant, il reprend un titre du girl band Girls Aloud, sorte de Spice Girls des années 2000. Un succès, contre toute attente.

Après une cocasse intervention évoquant les charmes des interviews en France pour un chanteur Anglais et deux faux-départs parfaitement gérés sur "Let's Start Again"(la faute à un accordeur laissé outre-Manche) - ne parvenant pas à accorder convenablement ses guitares, il se rabat brillamment sur le piano -, le chanteur conclut par une version d'"Any Direction" aux airs de démo. Il revient pour deux chansons en rappel : "She's Always A Woman" à la guitare acoustique (chanson de Billy Joel présente sur l'album) puis "If The World Ends" des... Guillemots. Une façon de rappeler que cette escapade solo couronnée de succès n'était qu'une parenthèse avant le prochain album de son groupe. Qui sera, on l'espère, du même niveau que Fly Yellow Moon.



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