dimanche 25 septembre 2011

We Love Green J2 (Dimanche 11 septembre 2011)

Si la journée du samedi marquait le retour de l'été, celle du dimanche fait craindre le pire : nuages et averses sont annoncés tout au long de la journée. C'est d'ailleurs une bonne ondée qui nous cueille en début d'après-midi. Les petits hauts et sandalettes de la veille ont été troqués contre le ciré et les bottes. Au final, les cumulus menaçants défileront toute la journée au-dessus de nos têtes sans qu'une goutte de pluie ne vienne gâcher la fête.

Début des hostilités avec la jeune chanteuse française Soko. Seule à la guitare électrique, elle entonne de sa voix cristalline des mélodies aussi douces que le jus de fruit bio avec lequel on fait le plein de vitamines. Emmitouflée dans un imperméable beige foncé, chapeau de Crocodile Dundee sur la tête, Soko apparaît un poil nerveuse mais déborde d'énergie. Parle plus vite que son ombre entre deux chansons. Bientôt rejointe par un guitariste, passant tantôt derrière la batterie tantôt à la basse et accompagnée d'une boîte à rythme, elle donne dans un folk lo-fi inventif et débridé. Sympathique mais pas transcendant, d'autant plus que la fille au clavier s'applique à chanter faux sur les choeurs.

Place à Piers Faccini. Le plus francophone des anglo-italiens, venu défendre son nouveau disque (My Wilderness, sortie fin septembre), entame seul son concert, voix a capella passée dans un sampleur. Ses deux musiciens viennent ensuite l'entourer. Plusieurs chansons du futur album sont jouées (dont le très bon single "Tribe"). La musique de Piers Faccini oscille en permanence entre canons folk et sonorités africaines, comme en atteste "Your Name No More", reconnue immédiatement par les festivaliers. Après un blues longuet, le chanteur interprète une belle ballade du précédent album "A Home Away From Home". Dans la foulée, on craint que "A Storm Is Gonna Come" ne devienne prophétique. Mais le chanteur nous rassure : "Je joue cette chanson parce que j'ai vu un coin de ciel bleu". Le timbre de voix et les vocalises du chanteur, par ailleurs excellent mélodiste, régalent nos conduits auditifs. On aurait aimé un concert un peu plus long (3/4 d'heure seulement) et une setlist plus complète, mais on s'en contentera.

Qui aurait parié sur une BB Blonde (Belle Belge Blonde) de 22 ans pour susciter tant d'enthousiasme avec un premier disque abouti oscillant entre raggamuffin, soul et folk ? Pas grand monde. Mais en quelques mois, Selah Sue s'est fait un nom. Son disque cartonne et la chanteuse convainc partout où elle passe. Même les non adeptes du genre tombent sous le charme. Aperçue quelques minutes cet été à Werchter, elle nous avait laissé une bonne impression. Confirmation attendue aujourd'hui au jardin de Bagatelle.

Premier élément de réponse : Selah Sue maîtrise la scène sur le bout des ongles. En véritable pile électrique, elle tient son public comme une frontgirl chevronnée. Module son chant à sa guise (débit ultra rapide et saccadé, douceur extrême, puissance vocale digne d'une chanteuse soul, tout y passe). Parcourt la scène crânement, sans s'économiser. La miss n'a pas froid aux yeux et fait corps avec sa musique. Chanson après chanson, elle fait preuve de talent, intensité, et musicalité ("This World", "Peace Of Mind Raggamuffin", le tube sur toutes les lèvres "Raggamuffin" et le bouquet final "Crazy Sufferin Style"). En harmonie avec le public, on kiffe la vibe. Tout serait parfait si d'autres n'avaient pas défriché le terrain auparavant (on pense à Patrice, Nneka voire Duffy).

On le sent, ça se voit : beaucoup de monde est venu voir Metronomy. Le quatuor Londonien, groupe hype du moment et candidat au titre de groupe de l'été, est sur toutes les lèvres. S'ils en sont arrivés là, c'est surtout parce qu'ils ont sorti au printemps un bien bel album (The English Riviera). Rien de révolutionnaire, mais une collection de chansons bien troussées voire emballantes. Alors, Metronomy ? Brillants rats de studio ou vrai groupe live capable de rallier les foules à leur cause ?

"We Broke Free", l'intro d'English Riviera, ouvre le set, suivie de "Love Underlined" qui secoue bien le public. Deux titres de Nights Out ("Back On The Motorway" où le groupe commet l'irréparable en plaçant un solo de sax, puis "Holiday"), le premier album, font retomber la pression. La sombre "She Wants" met en exergue les talents du bassiste, au jeu chaloupé et aux déhanchements stylés. Les nouvelles chansons ajoutent à la rythmique efficace du premier disque une conscience pop bienvenue. Metronomy semble s'être trouvé sur English Riviera.

"Heartbreaker", qui surnageait sur Nights Out, reste une de leurs toutes meilleures compositions et réveille le public. Pendant "The Bay", les anglais touchent du doigt quelque chose de rare : une électro-pop intelligente capable de remuer les foules. Ils n'atteindront ce niveau à aucun autre moment du concert. S'en suit une fin de set décevante : "You Could Easily Have Me", incartade rock limite punk, est certes énergique, mais d'autres le font mieux qu'eux. "Corinne" puis "A Thing For Me" ne soulèvent pas vraiment l'enthousiasme alors que "The Look", single efficace d'English Riviera, sonne bien plate en live.

Malgré les coeurs lumineux sur la poitrine et les bonnes chansons, Metronomy laisse un sentiment mitigé. Leur prestation souffre notamment d'un manque de puissance sonore et les versions des morceaux restent un peu trop sages. Metronomy en concert, c'est comme le Schweppes : sautillant et frais mais pas renversant.

Frais, on doute qu'il le soit, Peter Doherty, lorsqu'il pénètre sur scène sans prévenir. Occupé à échanger nos derniers tickets boissons contre une pinte de cervoise teutonne, on regarde le début de sa prestation de loin. L'anglais surprend tout le monde, roadies y compris, en empoignant sa guitare en avance sur l'horaire. Il ne la lâchera plus une heure durant. Ce concert confirme que le grand échalas britannique reste un cas à part : comment se fait-il que tout seul, à l'arrache, visiblement éméché et livrant des versions parfois approximatives de ses morceaux, il signe le meilleur concert du week-end ?

Libéré de prison quelques semaines auparavant (il avait dû annuler son passage à Solidays fin juin pour cette raison), Peter Doherty livre un récital pendant lequel il passe en revue ses meilleures compositions (période Libertines et Babyshambles y comprise). Dans une setlist où le chanteur semble naviguer à vue trônent quelques perles de Grace / Wastelands, son album solo dont on ne cesse de mesurer la qualité, deux ans après ("Arcady", les sublimes "Lady Don't Fall Backwards" et "Sheepskin Tearaway" - dont l'enchaînement sera le point culminant du set -, "Last Of The English Roses").

Les Libertines ne sont pas oubliés avec "Can't Stand Me Now" où Soko (dans le rôle de Carl Barât pour l'occasion) n'en revient pas de se retrouver sur scène avec Mr. Doherty, et "Music When The Lights Go Out". Mais ce sont les chansons des Babyshambles qui recueillent la majorité des suffrages : "Delivery", "You Talk", "Fuck Forever" et "Albion" (encore avec Soko à l'harmonica). Ultime pirouette : une reprise de "Twist & Shout",  puis Peter Doherty tourne les talons, salue, et s'en va.

Ce soir, l'anglais était en mode Jukebox. Pas un grand concert, donc, mais une très bonne prestation où sa voix toujours aussi touchante et ses superbes compositions font la différence. Il est temps désormais pour lui d'écrire un nouvel album, en solo ou avec ses Babyshambles. Après deux ans sans nouveauté à se mettre sous la dent, on attend avec impatience la suite.


dimanche 18 septembre 2011

We Love Green J1 (Samedi 10 septembre 2011)


Un festival écolo à Paris, ça donne quoi ? La question était sur toutes les lèvres dans la navette amenant les festivaliers vers le parc Bagatelle. Premier élément de réponse, le festivalier type du We Love Green semble être bio et bobo, férocement indé et bien fringué. Bref, malgré la proximité de l'Hippodrome de Longchamp, on n'est pas exactement à Solidays.




Première vue d'ensemble : on proposerait bien au festival de se renommer We Love Beige, ça serait plus raccord avec la couleur dominante du décor. Il est annoncé 6000 festivaliers ce week-end, là encore on est bien loin des mastodontes de fréquentation franciliens qui dépassent chaque année les 100 000 entrées. We Love Green se veut un festival intimiste comme en atteste la petitesse du site (une seule scène). En découle une douceur de vivre et un confort inhabituel pour le festivalier qui peut déambuler en toute décontraction. Pas besoin de jouer des coudes pour se frayer un passage ou encore marcher dix bonnes minutes pour assister au concert suivant. Pour ne rien gâcher, c'est dans un bain de soleil que nous assistons au coup d'envoi de l'aventure We Love Green.

Pas grand chose à dire sur Pilooski, qui termine son DJ Set dans l'indifférence générale. A sa décharge, l'électro au milieu de l'après-midi, ça n'a jamais fait rêver les foules. On profite de la demi-heure de battement avant Connan Mockasin pour faire un tour des stands. On s'attarde sur la bicyclette qui, moyennant quelques coups de pédale, nous permet de recharger notre portable avant de jeter un oeil aux splendides (et instructives) affiches situées juste après l'entrée. On apprend notamment qu'en France, après des siècles de déforestation humaine, la forêt reprend de la place grâce à l'exode rural. Fichtre ! On rentrera moins con ce soir. La suite des clichés fait mal à notre petit coeur écolo, mais on tient bon.

Suite du programme : confection de colliers de fleurs personnalisés, un attractif espace lounge avec coussins moelleux et coin à l'ombre, un bar pas comme les autres (bières hollandaises exceptées, tout est bio), un stand de bouffe pas comme les autres (maîtres mots : bio et végétarien, ça change des kebabs et sandwiches américains), deux mini-géodes en bois dont une abrite une expo photo, des toilettes sèches avec sciure de bois, un stand de crêpes bio,...

L'esprit du festival est bien présent (tout est pensé pour être écolo), mais pas pour tout le monde. Chaque festival a son lot de crétins, on s'attardera ici sur une frange agaçante des festivaliers (pas très green pour le coup) qui jette par terre papiers, emballages et mégots. Un comble. D'autres semblent être venus surtout pour exhiber leurs dernières acquisitions shopping en cet ultime week-end estival.

Pour nous, We Love Green, c'est avant tout une programmation musicale croustillante mais bizarrement répartie : si dimanche offre un consistant plat de résistance (Peter Doherty, Metronomy, Selah Sue, Piers Faccini), le samedi fait plutôt pâle figure. En dehors de Connan Mockasin et des excellents Of Montreal, pas grand chose à se mettre sous la dent pour rassasier notre appétit musical. 

En ce week-end d'ouverture de la coupe du monde de rugby, on ne s'étonnera pas de voir les néo-zélandais Connan Mockasin livrer le premier vrai concert de la journée. Leur second disque (Forever Dolphin Love) est dors et déjà une des belles surprises de l'année et on est curieux d'entendre ses perles de pop atmosphérique live. Le chanteur avoue être content d'être en France et remercie chaudement le public de s'être déplacé car "chez nous, personne ne vient nous voir".



L'album est joué en entier, à commencer par l'excellente "Faking Jazz Together" et son riff hypnotique, "Megumi The Milkyway Above", "It's Choade My Dear", ou encore "Forever Dolphin Love", longue et envoûtante plage progressive d'une douceur extrême. Les chansons sont là, le son aussi, mais ça ne fonctionne pas vraiment. La musique de Connan, mystérieuse, sensible, est un oiseau de nuit. En plein jour, la magie du disque tombe un peu à plat. Concert agréable malgré une pointe de déception.

S'en suit un interminable changement de plateau. On se dit d'abord que Superpitcher, prévu à 18h20, est gonflé de prendre autant de temps et va mettre tout le monde à la bourre. Puis on se rend compte que c'est Of Montreal qui effectue ses balances et qu'on ne verra pas le DJ allemand. Le combo funko-psychédélique américain (pas canadien pour un sou) débarque un peu après 19h, bariolés comme à leur habitude, visiblement ready to party. Ça tombe bien, nous aussi.

En trois disques de haute volée (Hissing Fauna, Are You The Destroyer ? (2007), Skeletal Lamping (2008), False Priest (2010)) et après une décennie passée dans l'anonymat, Of Montreal s'est forgé un style immédiatement reconnaissable et une solide réputation : morceaux disco-funk-psyché-rock, chanteur dépressif à la voix de fausset, performances scéniques hautes en couleur.

Les concerts des américains colorés convoquent en général un bestiaire et un cortège de personnages improbables. Le show d'aujourd'hui ne déroge pas à la règle : slam de superheros en collants rouge et noir, combat de catcheurs, jet de dollars dans le public, apparition de cochons sur scène, longue saucisse de ballons de baudruche dépliée dans le public,... Le chanteur Kevin Barnes (très seyant en collants mauves, mocassins rouges et short blanc) et son guitariste en mode Woodstock s'en amusent. On en oublierait presque la musique. Avec une setlist centrée sur Hissing Fauna..., Of Montreal régale et livre une performance enthousiasmante.


Capable d'envolées rock ("Suffer For Fashion", "Coquet Coquette"), les américains excellent lorsqu'ils versent dans une funk sous LSD ("For Our Elegant Caste", "Gronlandic Edit"). Basse souple et ondulante, gimmicks de guitare sautillants, voix haute perchée, claviers psyché : la formule fait mouche presque à chaque coup ("A Sentence Of Sorts In Kongsvinger", "St.Exquisite's Confessions" - qui finit dans une longue jam prog -,  "Heimdalsgate Like A Promethean Curse").



Le concert se termine avec un coucher de soleil de toute beauté à gauche de la scène. Et c'est à peu près tout pour ce samedi, puisqu'après quelques minutes (assez pénibles) de DJ Koze, on se résout à rentrer chez nous et faire l'impasse sur Kruder & Dorfmeister. Au final, la première journée aura été fort agréable (soleil, cadre bucolique, rosé bio) mais peu consistante au niveau musical (deux concerts ? C'est un peu court, jeune homme...).

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Crédits photos : Pierre Baubeau.

dimanche 4 septembre 2011

We Love Green (Samedi 10 & Dimanche 11 Septembre 2011 au Parc de Bagatelle)

Nouveau-né dans le monde des festivals rock parisiens, We Love Green pointe pour la première fois le bout de son nez à côté des incontournables Solidays, Rock en Seine et la Fête de l'Huma. Si certaines similitudes avec l’événement organisé par Solidarité Sida peuvent être notées (festival militant, défense d'une cause noble (respect de l'environnement) et site du parc de Bagatelle tout proche de celui de Longchamp), We Love Green passe à la vitesse supérieure en matière d'éco-responsabilité.

Comme son nom l'indique, We Love Green se pare de vert et s'engage à réduire l'empreinte écologique du festival, sensibiliser les festivaliers (et les artistes) au respect de l'environnement et innover en matière de développement durable. Vaste programme. Le site du festival nous donne quelques indications quant à la philosophie et la genèse du festival : "We Love Green choisit de promouvoir l'idée du beau, du bon, du bien, du green. Pourquoi se priver d'être plus responsable tout en se faisant plaisir aux yeux et aux oreilles ?". "We Love Green se positionne comme un laboratoire d'innovations en terme environnemental, social et sociétal, met en oeuvre des solutions nouvelles et teste de nouvelles pratiques". "L'éco-conception est LA direction artistique de notre festival."

Côté programmation musicale, du très beau monde va se succéder tout au long du week-end prochain dans le splendide Parc de Bagatelle : le label Because, partenaire de l'événement, se taille la part du lion avec Connan Mockasin, Metronomy, Selah Sue et Soko. Pour le reste, Of Montreal, Piers Faccini et Peter Doherty complètent l'affiche de cette alléchante première édition du We Love Green.

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