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mardi 23 mars 2010

Peter Gabriel (Palais Omnisports de Paris Bercy, 22 Mars 2010)

Peter Gabriel ne pourra pas être accusé de publicité mensongère : "Orchestra, No Drums, No Guitars", les choses sont on ne peut plus claires. Sorti il y a quelques semaines, Scratch My Back, lénifiant nouvel album constitué de reprises enregistrées "sans guitare et sans batterie", avait annoncé la couleur. La soirée fût à son image : terne et triste. Avec ce concept risqué de spectacle exclusivement orchestral, Peter Gabriel se prend sérieusement les pieds dans le tapis. Même ses meilleurs compositions, vidées de leur substance, n'en sortent pas indemnes.

Comme un pied de nez, ou pour mieux marquer le caractère particulier du concert de ce soir, l'orchestre se lance dans les premières mesures de "Sledgehammer". Peter Gabriel l'arrête très vite, annonçant que la première partie du spectacle serait consacrée à Scratch My Back, joué dans son intégralité. Logique et prévisible, mais on attend avec crainte la suite.

Pendant un peu plus d'une heure, nous écoutons donc sagement (et dans l'ordre) les douzes titres de Scratch My Back. L'espace de deux chansons ("Heroes" de David Bowie et "The Boy In The Bubble" de Paul Simon), on y croit. On se dit que finalement, peut-être Peter Gabriel est-il capable de transcender ce projet en live. L'orchestre qui s'élève progressivement, la voix profonde de l'ange Peter : à défaut de magie, l'alchimie se révèle plutôt séduisante. On ressent même de légers frissons lors de la montée finale de "Heroes" et le début de la touchante "The Boy In The Bubble". Puis, plus rien. Peter Gabriel nous guide ensuite vers des rivages d'un ennui profond.

Mis à part le crescendo spectaculaire de "My Body Is A Cage", rien ou presque ne nous sortira de notre torpeur. Bercy paraît bien vide et amorphe, mais Peter Gabriel ne nous aide pas vraiment : planté sur le côté gauche de la scène, immobile, les yeux rivés sur son prompteur, chantant d'une voix retenue, il laisse à l'orchestre le soin de jouer le premier rôle. Pour compenser la glaçante immobilité de l'ensemble, les écrans géants diffusent des visuels et jeux de lumière parfois réussis, mais souvent cheap et guère passionnants. Les arrangements de cordes ne sont pas non plus toujours très digestes. L'abattement est à son comble sur "Street Spirit" (une des plus belles chansons de Radiohead et dernier titre de Scratch My Back), qui finit de plomber l'ambiance.

Après vingt bonnes minutes passées à se persuader que la suite ne peut être que meilleure, la deuxième partie commence avec "San Jacinto". On n'est pas vraiment plus emballés, mais on contemple le très beau jeu de lumière de Peter Gabriel, qui tient dans sa main un miroir envoyant un faisceau lumineux dans le public. Avec "Downside Up", on entend enfin un titre plus entraînant. Le public en profite pour taper dans ses mains. Le lancement de "Digging In The Dirt" sera ensuite un grand moment de flou artistique. La cause : un problème informatique. Le chanteur comble comme il peut, expliquant que c'était prévu et qu'ils sont en train de jouer une pièce de théâtre nommée "le grand fuck off". On apprécie le refrain ("This time, you've gone too far") autant que le reste nous laisse parfaitement indifférent.

Cette deuxième partie suscite certes plus d'intérêt que la soporifique entame du concert. Le spectacle est plus vivant, le public répond présent, on sent Peter Gabriel un peu plus à son aise. Mais malgré quelque beaux moments ("Darkness", "Solsbury Hilll" où le public chante à tue-tête le refrain : "Go, go, go !", la fin de "The Rythm Of The Heat"), l'ensemble manque cruellement de mordant. L'anglais nous donne à écouter deux heures d'une pop orchestrale souvent quelconque. Alors que le public réclame un rappel, la voix de Youssou N'Dour se fait entendre. Le duo avec Peter Gabriel sur "In Your Eyes" fait des étincelles : il en résulte un superbe échange vocal. "Don"t Give Up", bien qu'un peu trop sucré à notre goût, s'impose comme un moment émouvant. Puis Peter Gabriel s'avance, annonce "quelque chose pour dire bye bye" et s'installe au piano pour "Low Light", clôturant ainsi une bien décevante soirée.

Malgré le bilan négatif, on comprend la démarche de l'artiste, cette volonté de revenir à plus de simplicité. Peter Gabriel aurait-il péché par orgueil ? Celui-ci semble en effet faire trop confiance à ses morceaux. Le problème est simple : le principal intérêt de ceux-ci se trouve dans les rythmiques et les arrangements foisonnants, dont rien ou presque ne subsiste dans ces versions orchestrales qui se veulent pourtant recherchées.

Setlist : 01 Sledgehammer (quelques secondes) / PART I : Scratch My Back / 02 Heroes (David Bowie), 03 The Boy In The Bubble (Paul Simon), 04 Mirrorball (Elbow), 05 Flume (Bon Iver), 06 Listening Wind (Talking Heads), 07 The Power Of The Heart (Lou Reed), 08 My Body Is a Cage (Arcade Fire), 09 The Book Of Love (The Magnetic Fields), 10 I Think It's Going To Rain Today (Randy Newman), 11 Après Moi (Regina Spektor), 12 Philadelphia (Neil Young), 13 Street Spirit (Fade Out) (Radiohead) / Interlude / PART II / 14 San Jacinto, 15 Downside Up, 16 Digging In The Dirt, 17 Wallflower, 18 Signal To Noise, 19 Washing Of The Water, 20 Blood Of Eden, 21 The Rythm Of The Heat, 22 Darkness, 23 Solsbury Hill / Rappel / 24 In Your Eyes (avec Youssou N'Dour), 25 Don't Give Up, 26 Low Light.

Lire également la chronique du concert sur Froggy's Delight.

Le Myspace de Peter Gabriel.

vendredi 11 décembre 2009

Paul McCartney "Good Evening Paris" (Palais Omnisports de Paris Bercy, 10 Décembre 2009)

La dernière fois que Paul McCartney a posé ses valises à Paris, c'était en 2007, quelques mois après la sortie de Memory Almost Full, pour un concert événement à l'Olympia. Sa dernière tournée mondiale - passée par le Stade de France - remonte, elle, à 2004 ("Back In The World"). Si ce n'est Electric Arguments - disque électrique et éloigné de ses terrains pop habituels -, sorti il y a un an sous le pseudonyme de The Firemen, Sir Paul se faisait discret depuis. Mais en 2009, l'ancien Beatles revient sur le devant de la scène et apparaît sur tous les fronts : après une tournée américaine cet été suivie de la sortie ces jours-ci du live Good Evening New York City, et dans un actualité Beatlesienne extrêmement riche (les controversés Remasters, le jeu Rock Band), Paul McCartney poursuit sa tournée en Europe tout au long du mois de décembre.

C'est dans ce contexte propice que l'anglais vient répandre ce soir la bonne parole Beatlesienne à un parterre d'adorateurs parisiens. A écouter les dialogues qui se nouent dans l'impressionnante file d'attente (on a rapidement abandonné l'idée d'en chercher la fin), l'amour que lui vouent ses fans semble sans borne. Clairement, la relation qu'ils entretiennent avec leur idole relève du sacré : "Voir Paul et mourir" entendons-nous même dans le public. C'est que McCartney est le dernier : ce n'est pas Ringo qui comblera l'immense manque laissé par John, assassiné il y a maintenant presque 30 ans et George, parti il y a 8 ans déjà. Non : à défaut d'être né 40 ans plus tôt, Paul est notre dernière chance d'approcher le mythe, de toucher du doigt ce qu'ont été les Beatles. Chacune des apparitions scéniques de cette légende vivante en devient donc presque vitale, et les fidèles affluent en masse au pèlerinage.

Après deux bonnes heures d'attente, nous pénétrons enfin dans un POPB à moitié rempli. Un peu avant 21 heures, les écrans s'allument et l'on y voit défiler lentement divers témoignages des années Beatles (images, objets, vidéos,...). Un peu de nostalgie ne fait jamais de mal, sauf lorsqu'elle est accompagnée d'immondes remix electro des titres des Fab Four et de Macca, boostés par de gros beats électro qui tâchent. Passons sur cette (interminable) faute de goût qui ne calme en rien notre impatience. On a toujours du mal à se faire à l'idée que dans quelques instants, on va enfin le voir pour la première fois en vrai.

21h15 : extinction des feux. Le noir se fait complet dans la salle, ce qui provoque instantanément un rugissement d'excitation dans la foule. Des lumières bleues inondent la scène, on voit (on essaie en tout cas) du mouvement en coulisses, puis une clameur envahit l'arène : Paul apparaît, sautillant, sa basse à la main, suivi de son groupe. Ça y est : il est là, juste devant nos yeux. La situation a quelque chose d'irréel, on a un Beatles devant nous ! Jamais on n'avait été aussi près de Paul McCartney de notre vie. A peine le temps de prendre conscience de ce qui se passe que retentissent les premiers accords de "Magical Mystery Tour". Le son est énorme, la voix de Paul un peu noyée - mais cela va s'arranger par la suite. Après cette entrée en matière claironnante, le chanteur enchaîne avec un autre classique des Fab Four ("Drive My Car") puis par un must de sa discographie solo : "Jet".

Le public reprend tous les refrains en choeur et continuera à soutenir son idole jusqu'à la dernière note de la soirée. "Bonsoir Paris, mon petit chou !" lance un Paul hilare et plus svelte que jamais (malgré les rides qui commencent à se faire nombreuses). "Only Mama Knows" (sur Memory Almost Full, 2007) et "Flaming Pie" (sur l'album éponyme de 1997) font retomber l'effervescence du début de concert, comme ce sera la cas pour la majorité de ses chansons post-Beatles. Il faut dire que malgré quelques très bons albums et une poignée de titres splendides, force est de constater que la carrière solo de Paul n'arrive pas à la cheville de ce qu'il a pu faire dans les 60's en compagnie de ses comparses liverpuldiens. A quelques exceptions près ("Let Me Roll It", "Band On The Run" et surtout "Live And Let Die"), ses titres solo seront donc accueillis avec politesse, en attendant le prochain extrait du fabuleux répertoire des Beatles.

Macca ne fait pas la fine bouche, la setlist puisant largement - pour notre plus grand plaisir - dans la discographie des Fab Four. Voir ces chansons qui font partie intégrante de notre ADN prendre vie devant nous procure une émotion indescriptible. Les moments de bonheur absolu s'enchaînent les uns à la suite des autres : "Got To Get You Into My Life", "The Long And Winding Road", "Blackbird", "And I Love Her", "Michelle", "Eleanor Rigby", "Back In The U.S.S.R.", "Paperback Writer", "A Day In The Life", "Let It Be",...

L'émotion atteint son comble lorsque McCartney rend un vibrant et sincère hommage à son alter ego Lennon : il explique que sur "Here Today" (chanson tirée de Tug Of War, son premier album sorti après la mort de John Lennon), il a essayé d'imaginer la conversation qu'auraient eu les deux hommes si John était toujours là aujourd'hui. Gorge serrée, on écoute en retenant une larme. Plus tard, à la suite de l'insurpassable "A Day In The Life", Paul reprend "Give Peace A Chance", manifeste pacifiste de John malheureusement toujours d'actualité. Entre temps, la version au ukulele de "Something", classique des concerts de McCartney, aura rappelé quel songwriter unique a été George Harrison.

A l'inverse, ce n'est pas l'émotion qui nous étouffe lorsque l'on découvre la dernière née du chanteur, intitulée "(I Want To) Come Home" et écrite pour le prochain film de De Niro. Projetées sur les écrans géants, les images de ce dernier en grand-père grimaçant n'arrangeront rien. Bercy semble ensuite ravi de scander le refrain certes entraînant de "Mrs Vandebilt", mais à coup sûr écrit par une chorale de bûcherons slaves. On voit également avec circonspection apparaître sur les écrans les Beatles personnifiés par Rock Band. Ces images au goût trop commercial font un peu tâche. Autre sujet de contrariété : pourquoi, dans un concert, ce sont toujours les gens qui chantent le plus faux qui chantent aussi le plus fort ?

Après un "Live And Let Die" d'anthologie où explosions et flammes viennent accompagner le refrain, Paul nous mime la blague du "Oh j'ai mal aux oreilles, je n'en peux plus, vraiment, je suis à bout, je ne peux plus continuer, pitié !!! Vous en voulez vraiment encore ? Bon, OK, dans ce cas, d'accord...". Il revient à son piano pour se lancer dans ce qui est sans aucun doute le moment le plus attendu de la soirée : "Hey Jude", entonné en chœur par les 18 000 spectateurs. C'est si beau que des frissons nous parcourent l'échine. McCarney clôt là-dessus la première partie du show avant de revenir pour deux rappels consacrés exclusivement aux Fab Four : "Day Tripper", "Lady Madonna", "Get Back", "Yesterday" (moment magique), "Helter Skelter", "Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band/The End".

Si cela ne tenait qu'à nous, on continuerait bien la soirée : Paul aurait pu jouer jusqu'au milieu de la nuit sans que l'on se lasse d'écouter ces prodigieux et inoubliables standards. Preuve est faite si besoin était que sa voix fait toujours des merveilles. Tout au long des (presque) 3 heures de show, McCartney est apparu rayonnant, à l'évidence comblé de partager son bonheur avec nous. Malgré Bercy (vraiment, on ne s'y fait pas...) et quelques petits ratés, on aura assisté ce soir à un concert exceptionnel. Ce père fondateur de la pop, qui restera quoi qu'il advienne comme l'un des plus grands mélodiste de notre époque, nous a délivré une magistrale leçon de musique. Les géants se font de plus en plus rares, nous avons eu la chance infinie d'en croiser un ce soir à Bercy.

Set-list : 01 Magical Mystery Tour, 02 Drive My Car, 03 Jet, 04 Only Mama Knows, 05 Flaming Pie, 06 Got To Get You Into My Life, 07 Let Me Roll It/Foxy Lady, 08 Highway, 09 The Long And Winding Road, 10 (I Want To) Come Home, 11 My Love, 12 Blackbird, 13 Here Today, 14 Dance Tonight, 15 And I Love Her, 16 Mrs.Vandebilt, 17 Michelle, 18 Eleanor Rigby, 19 Band On The Run, 20 Ob-La-Di, Ob-La-Da, 21 Sing The Changes, 22 Back In The U.S.S.R., 23 Something, 24 I've Got A Feeling, 25 Paperback Writer, 26 A Day In The Life/Give Peace A Chance, 27 Let It Be, 28 Live And Let Die, 29 Hey Jude / Rappel / 30 Day Tripper, 31 Lady Madonna, 32 Get Back / Rappel 2 / 33 Yesterday, 34 Helter Skelter, 35 Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band/The End

Lire également la chronique du concert sur Froggy's Delight.