Après une courte nuit, on retrouve dès le matin les températures caniculaires de la veille. On ne résiste pas à l'appel de la douche (solaire, la douche, ce qui n'a que des avantages : on fait l'économie d'une heure et demi de queue, l'eau est tiède et non froide, on peut boire l'apéro en même temps et, surtout, ça permet à certain(e)s d'exacerber leurs pulsions exhibitionnsites). Alors que l'on se savonne gaiement, les messages cocasses (à défaut d'être toujours fins) se succèdent au micro (oui, encore et toujours Radio Camping) : "Ce message s'adresse aux gens qui font la queue aux toilettes : ça serait cool que vous laissiez passer devant nos potes Jo' et Steph', ça fait 3/4 d'heure qu'ils font la queue et ils ont super envie de faire caca. En plus on les attend pour l'apéro" ; "On vient protester parce qu'on n'a pas d'herbe autour de notre tente. Il n'y a que de la terre. Donc si quelqu'un a de l'herbe, on est preneurs ! On vous attend à côté du terrain de volley-ball". Jolie surprise au petit-déjeuner (vers 12h) : sur la scène Paris (faisant face au camping), les balances de -M- tournent en un mini-concert pour les volontaires de Solidays. L'excitation monte d'un cran.
Gush démarre les hostilités ce dimanche, sous un Dôme bienvenu vu la lourdeur de l'atmosphère à l'extérieur. Déjà vantée auparavant, la qualité des prestations live des quatres jeunes français se confirme. Dans un registre plus électrique qu'à l'accoutumée, la fratrie met tout son coeur à l'ouvrage et accouche d'un set brillant. Les claps de "The Big Wheel" sonnent le rappel pour les festivaliers, qui se dirigent avec empressement devant la scène. Ils ont bien raison car, mis à part une ou deux chansons plus faiblardes ("Remedy"), on a droit à une collection de tubes : l'irrésisitble "Dance On", le tube "Let's Burn Again", l'explosive"No Way", la splendide ballade "My Favourite Song" interprétée par la voix écorchée du batteur. On se souviendra longtemps de l'enchaînement final "You Really Got Style" et "Vondelpark".
Gush, c'est America en boeuf avec les Beach Boys, Buffalo Springfield célébrant les Beatles. Tout (musique, coupes de cheveux, habits) porte à croire que les garçons se sont trompés de siècle. Ils semblent évoluer dans une dimension temporelle parrallèle. Echangeant leurs instruments, se succédant au chant et offrant des harmonies vocales de toute beauté, Gush tient déjà sa place dans le gratin pop (de terre).
Malgré quelques velléités de conscience professionnelle, l'appel du bout du monde (zone ombragée, vous vous rappelez ?) conjuguée à la chaleur étouffante de ce dernier dimanche de juin auront raison du concert des Local Natives. On se rattrape avec le groove efficace quoique répétitif de Souljazz Orchestra. Il est un peu tôt pour chalouper une bière à la main, mais on apprécie tout de même la science du rythme des canadiens.
Place à la formation hexagonale qui cartonne chez les d'jeuns (et pas que) : Pony Pony Run Run. Les cousins bègues d'Hey Hey My My, bretons pure souche (ils sont nantais) sont clairement une des attractions principale de la journée au vu de l'imposant flot continu de festivaliers venant gonfler un public pourtant déjà bien garni. En même temps : Pony Pony Run Run à l'Hippodrome de Longchamp... Forcément.
Malgré les singles efficaces et calibrés pour les radios ("Hey You", "Walking On The Line"), les poneys pas si fringants que ça sont bien loin d'atteindre les sommets de 16 Horsepower et surtout Sparklehorse (RIP). Bilan ? Le batteur fait toujours la même chose, les chansons se suivent et se ressemblent, le chanteur a des lunettes de soleil et le clavier a une mèche. L'espace temps semble être bloqué en 1986. Au moins Gush a eu la finesse de choisir la bonne décennie.
Il en va tout autrement de Nneka, petit bout de femme rappelant Ayo à plusieurs points de vue : belle, habitée, munie d'une voix chaude et intense, d'un sourire irrésistible et jouant une musique folk emprunte de soul et de hip-hop. La nigériane a tout pour plaire et le fait sans mal. Enchaînant les parties vocales, ralentissant et accélérant la cadence à bon escient, elle se met rapidement le public dans la poche. Ses tubes "Heartbeat", "Mind vs. Heart" et "Suffri" parviennent aisément à faire bouger l'assemblée. On peut lui reprocher une attitude trop statique sur scène, mais pour le reste, on est charmé.
On était curieux de voir à quoi ressemble Izia sur scène, on n'est pas déçu. Elle est exactement telle qu'on l'imaginait : une furie dotée d'une voix à décorner les boeufs. A se demander si son paternel ne serait pas plutôt monsieur Pop (iguane de son métier). Après le père la veille, c'est la fille qui triomphe ce soir devant un parterre noir de monde - il faut dire que la venue de Mathieu Chedid (autre fils de) a quelque peu sonné le rabattement des festivaliers vers cette partie-ci du festival. Malgré des compos encore très perfectibles, fifille Higelin donne une leçon de charisme et de rock & roll attitude à à peu près tous les artistes qui se sont présentés devant nous durant le week-end. Tous ? Non ! Car un artiste résiste encore et toujours à l'envahisseur...
Qui en Gaule actuellement arrive à le cheville de -M- question maîtrise de la scène ? On cherche bien, on ne trouve pas. Tout au long de sa tournée et ce soir encore, il a prouvé que transcender un album aussi plat que Mister Mystère en un feu d'artifice funky-électro-afro-rock est chose possible. -M- est unique, et c'est pour ça qu'on l'aime, comme il le dit. Entrée en fanfare sur "Mister Mystère" en ombre chinoise derrière son double M géant, coiffure extravagante de corbeau, lunettes étoilées et scintillantes : -M- est un showman-né, ça ne s'invente pas. Il a ça dans le sang et ça se voit. Pas le temps de s'ennuyer : chacun de ses titres est trituré et remixé, pour aboutir à des versions explosives.
Excepté les dispensables "Hold Up" et "Ça Sonne Faux", -M- commet un sans faute. Que ce soit les titres de son dernier album ("Est-Ce Que C'est Ça ?", "Le Roi Des Ombres", "Amssétou") ou d'anciens tubes qui ont gagné une place à vie dans notre cœur ("Je Dis Aime", "La Bonne Étoile", "Machistador", "Le Complexe Du Corn-Flakes"), le répertoire de fifils Chédid a de quoi rendre jaloux plus d'un chanteur. De longs solos de guitare en morceaux de bravoure (jeu avec les dents, avec un enfant qui lui tient les deux mains), de divers passages délirants (slam géant dans la fosse, jet de corn-flakes, costume de super-héro, strip-tease, double squelettique du chanteur courant sur place) en jeux avec le public (il réussit l'exploit de faire s'asseoir entièrement une foule de festival, de lui faire faire 30 cris d'affilée et de le faire participer à une chorégraphie géante sur "Amssétou"), -M- écrase la concurrence et propose un spectacle (car c'est autant un spectacle qu'un concert) mémorable.
Arrive comme chaque année le moment où Luc Barruet (co-fondateur et président de Solidarité Sida) joue le rôle du rabat-joie de service en annonçant la fin du concert et donc du festival. Profitant de l'occasion pour annoncer un nouveau record d'entrées (168 000 entrées sur les 3 jours), il se fait copieusement huer (c'est de bonne guerre). Alors qu'une partie des festivaliers commence à regagner la sortie et que les bénévoles de Solidays envahissent la scène, -M- revient seul, guitare en main et grosse caisse au pied. En parfait homme-orchestre, il offre comme dernières réjouissances de splendides medleys de "La Fleur", "Faut Oublier", "Mama Sam", "Qui De Nous Deux", et"A Tes Souhaits".
Les artistes pour lesquels nous irons à un concert les yeux fermés ne sont pas légion. -M- est de ceux-là. Après Manu Chao l'an dernier, Solidays se conclut encore une fois de la plus belle des manières. Au vu de l'affluence record et de la masse impressionnante de spectateurs présente aujourd'hui, on se dit que si Longchamp devient trop petit pour les Solidays, il faudra essayer un très long champ. C'est fatigué mais plutôt satisfait de ces trois jours que nous quittons cette 12ème édition du festival. La sortie du festival s'avère moins déjantée que l'an dernier : le slogan 2009 "libérez les lapins" a laissé cette année la place à "libérez les catins". Ce qui n'est pas mal non plus.
Lire également la chronique du festival sur Froggy's Delight.