lundi 29 juin 2009

Solidays investi par le "Front de Libération des Lapins Géants" (J3 - Dimanche 28 Juin 2009)

Ce matin, ce n'est pas Michael Jackson qui nous sort de notre tente, mais la chaleur, encore une fois insoutenable. On se précipite à la douche en quête d'un peu de fraicheur, mais on en aura pour nos frais : 1 heure d'attente... Le soleil tape fort, il n'y a pas un nuage à l'horizon et il fait très lourd. Comme depuis deux jours et ça devient de plus en plus dur. Où sont passés les orages et averses annoncés ? On en vient à se dire que les gens qui s'occupent de la météo, ça ne doit pas être leur vrai métier... Ils travaillent sûrement à la SNCF en temps normal.

Chaleur, donc... Le slogan "Sortez couverts" aura d'ailleurs rarement été aussi approprié : casquette et préservatif, voilà les deux ustensiles indispensables aux festivaliers de Solidays, surtout en cette édition 2009 placée sous le signe du beau temps (pour la deuxième année de suite, un bel exploit). Certains campeurs avaient prévu le coup et s'organisent pour combattre le soleil : on aperçoit notamment deux cow-boys à demi-nus dans une mini-piscine lancés dans un très sérieux duel aquatique . Dans un autre genre, on croise un mec en string fuyant les potes qui essaient de lui attacher une balle de tennis derrière la ficelle. Quand on vous disait que le soleil tapait fort...

Après un rapide tour au Village Solidarité (une centaine d'associations y sont représentées, que ce soit des associations françaises ou étrangères de lutte contre le SIDA, ou d'autres associations caritatives), qui a changé d'emplacement cette année et se retrouve sous un immense chapiteau (et donc à l'ombre), la dernière journée du festival débute par le concert de John & Jehn. Ce duo français exilé à Londres sonne comme un croisement entre The Kills et The Velvet Underground. Le duo joue serré, John torturant sa guitare pendant que Jehn s'excite sur son clavier. Leur concert fût très sympathique, mais il leur manque encore quelque chose pour passer le cap du groupe prometteur : des chansons plus accrocheuses et moins bavardes, un son moins faiblard, et un peu plus d'assurance. Un groupe à suivre.

En passant par l'espace presse, nous apprenons que le concert de Pep's, initialement prévu à 18h sous le chapiteau Domino, a été déplacé sur la grande scène Paris à 15h. Ça nous fait une belle jambe. Collé aux crash-barrières et ne manquant pas une note de leur concert, nous voyons progressivement renaître en nous l'excitation qui nous avait valu de devenir fan de Syd Matters. C'est que notre amour pour ce groupe avait été terni par un troisième album très décevant (Ghost Days) et une tournée pâlichonne. Rien de tel aujourd'hui, le groupe interprète une sorte de best of de ses trois albums, piochant allègrement dans ses deux premières merveilles (A Whisper And A Sigh et Someday We Will Foresee Obstacles) pour notre plus grand bonheur. Les rares titres de Ghost Days sont plutôt bien choisis : "Cloudflakes", "Everything Else",... Nous retrouvons le groupe fougueux et aventureux qui avait renversé La Cigale il y a de ça quatre ans. "End & Start Again", "Stone Man", "English Way", "Obstacles", "To All Of You", "Middle Class Men" : les petits chefs d'œuvre s'enchaînent sans temps mort. Le groupe est bon, soudé, concentré sur sa musique et, comme à son habitude, très réservé. Mais leur grande timidité n'est pas un obstacle lorsqu'ils proposent un concert du niveau de celui d'aujourd'hui. Ils se permettent même de reprendre l'intro de "Billie Jean" (hommage au King Of The Pop disparu dans la nuit de jeudi à vendredi) avant de se lancer dans l'épique "Stone Man". Pour pimenter tout ça, Rémi (guitares/clavier/chants) n'a rien trouvé de mieux que de se casser le poignet quelques jours avant le festival. Résultat : il joue plâtré, un médiator scotché à l'index de la main droite. Cela lui vaudra un moment de bravoure quand, sur "Stone Man", lancé à toute vitesse dans une série d'accords, son médiator se trouve projeté quelques mètres plus loin. La foule apprécie ce don de soi et l'acclame à plusieurs reprises. Sans renier nos premiers amours, on était allé à ce concert sans trop rien en attendre. On en ressort enchanté.

Dans un tout autre genre (le spectacle hip-hop de marionnettes), Puppetmastaz a dynamité le Dôme avec son show aussi hilarant qu'entraînant. Les personnages se succèdent, s'interpellent et se chambrent entre deux titres. Les Puppetmastaz, ce n'est pas qu'un concept fumeux censé contourner les règles établies du hip-hop. C'est avant tout et surtout, un collectif de MC au flow tonitruant capable de produire des titres de l'envergure de "Bigger The Bitter", tube ultime du groupe. Postés derrière le rideau, marionnettes à la main et micro à la bouche, ils assurent comme des bêtes. Qui aurait cru qu'un jour des marionnettes pourraient conquérir une scène de festival ? Seul défaut de leur set : au bout d'un moment, on se lasse un peu musicalement parlant, les morceaux étant relativement similaires. En même temps, sous le petit chapiteau Cesar Circus, Piers Faccini délivre un concert magnifique. Sa musique est difficilement descriptible : tendant vers le folk, mais traversée de mélodies, rythmiques et sonorités tantôt arabisantes, tantôt bluesy, tantôt africaines. Elle est portée par une voix splendide et des compositions non moins magnifiques. Ce chanteur anglo-italien a sorti cette année son troisième album, Two Grains Of Sand, qu'on recommande chaudement (tout comme ses prédécesseurs Leave No Trace et Tearing Sky). Accompagné par un groupe dans lequel on aperçoit Laetitia Sheriff à la basse, ce concert fut un de nos gros coups de cœur du festival. Cet artiste aussi attachant que brillant reviendra à Paris le 16 Décembre prochain à La Cigale, salle qui se prêtera sans doute mieux à la délicatesse de ses chansons.

Pendant que le Patchwork des Noms se déroule sur la scène Paris, nous allons nous ressourcer au Bout Du Monde, véritable havre de paix ombragé respirant le calme. Un moment de détente (et de fraîcheur) bienvenu avant d'aller voir Ayo. Si l'on est pas vraiment fan de ses chansons gorgées de soul, de reggae et de folk (un peu trop lisses à notre goût), on doit avouer qu'elle se débrouille vraiment bien sur scène. Visiblement très émue de l'accueil fait par les spectateurs, elle écrasera quelques larmes durant son concert. Malgré un malheureux accident quelques jours avant Solidays (une fausse couche), la longiligne et séduisante allemande est là et bien là. Sa voix légèrement éraillée, à la fragilité captivante, est bien en place. On ne changera pas d'avis sur les morceaux de la dame, mais on ne peut qu'applaudir sa performance.

Direction l'ex-Yougoslavie désormais. C'est Emir Kusturica & The No Smoking Orchestra qui se pointe sur la scène Bagatelle pour mettre le bazar dans le cadre un poil trop ronronnant du festival. Vêtu d'un improbable costume bleu ciel moulant tendance chauve-souris (super sexy), le chanteur fait rire au début, mais se révèle être une véritable bête de scène. Multipliant les poses ridicules, invectivant le public, jouant avec ses musiciens (dont un Emir Kusturica stoïque et barbu à la guitare électrique), il assure le show sans se démonter.
Musiques tziganes, rock (allant jusqu'à reprendre l'intro de "Smoke On The Water" de Deep Purple), folklorique, frôlant par moment le hip-hop slave aux paroles incompréhensibles, le cocktail détonnant du No Smoking Orchestra est un bain de jouvence hédoniste, du grand n'importe quoi élevé au rang d'art. Les titres phares du groupe, qui compose les B.O. des films de Kusturica, sont chantés à tue-tête par le public : "Pitbull Terrier" et "Fuck You MTV" en tête.
Un interlude est même proposé, le temps d'organiser un concours de virtuosité mettant aux prises le violoniste du groupe et Emir Kusturica à la guitare. Le principe ? Le jeu consiste à tendre un archet (de taille normal, puis de plus en plus grand, jusqu'à arriver à un archet géant) en hauteur et à laisser le violoniste et le guitariste se débrouiller pour jouer en faisant glisser leur instrument sur l'archet. De la haute précision. Ils font monter deux filles sur scène (pas mal choisies, les filles) pour réaliser la tâche ardue de tenir l'archet en hauteur.
Ils ne se prennent pas au sérieux et s'amusent comme des petits fous sur scène : on a l'impression de voir des gamins dans une cour de récréation. Le résultat est euphorisant car, loin de ne faire que les imbéciles, ce sont de très bons musiciens qui savent faire décoller les foules en un rien de temps. Peu avant un final épique, le chanteur fait signe aux spectateurs de monter sur scène, ce qui aboutit à une invasion de scène totalement bordélique et incontrôlable. Ce concert jubilatoire fût l'un des meilleurs moments du festival.

On file immédiatement à l'Espace Presse, où les conférences de presse d'Emir Kusturica puis de Manu Chao nous attendent. En arrivant, on découvre une Ayo courtisée de toute part par une horde de journalistes. Attendant que le tourbillon passe, nous parvenons à demander à la chanteuse une photo, qu'elle accepte avec grand plaisir, juste avant de repartir vers d'autres aventures. Au milieu de tout ça, personne ne semble remarquer Pep's, qui, doit se demander ce qu'il fait là. Alors que le nombre de personnes attendant patiemment dans la salle d'interview augmente petit à petit, la nouvelle tombe : conférences annulées pour Emir Kusturica et Manu Chao. Génial.


On rejoint notre petit groupe devant la scène Bagatelle, où les Wampas s'apprêtent à retourner le festival. Sur le trajet, nous croisons un rasta endormi en plein milieu du passage vers la grande scène, c'est-à-dire à l'endroit où il y a le plus de passage à la minute. Il s'en faut d'ailleurs de peu pour que les gens ne lui marchent dessus. Pendant l'attente, on nous dit le plus grand bien du concert de Caravan Palace, malheureusement placé en même temps que celui d'Emir Kusturica & The No Smoking Orchestra. Dommage. Alors, quid des Wampas ? Comme à chacun de leurs passages, ils ont pris d'assaut la scène et le public pour ne les relâcher qu'une fois complètement lessivés. Punk-rock joué à toute berzingue, chansons enchaînées sans répit, show frapadingue de notre conducteur RATP préféré, qui crie plus qu'il chante, se jète dans le public, et charrie Manu Chao (qui joue juste après) sur la chanson du même nom : "il est là cette année, je l'aurai ! je l'aurai!". Mais oui, Didier, mais oui. Le groupe qui, comme chacun le sait, a "inventé le rock & roll" joue comme si sa vie en dépendait, constamment à 200%, collant au cul de son chanteur survitaminé. La fosse n'est plus que sueur et corps s'entrechoquant, le public rugit son bonheur. Les Wampas, même la dixième fois, c'est toujours aussi bon.

Dernier groupe avant le clou de la soirée, Cocoon revient à Solidays après un passage remarqué l'an dernier. Un peu à l'image des Ting Tings, ils ont acquis en un an une notoriété non négligeable à force de tourner sans relâche dans toute la France. Du coup, ils changent de dimension et jouent sous le grand Dôme dans une formation complète (avec bassiste et batteur). Alternant entre titres du premier album déjà en passe de devenir des classiques ("On My Way", "Vultures", "Christmas Song", "Chupee", "Owls", "Paper Boat") et chansons du prochain album (qui ne parlera que d'animaux marins), Cocoon donne un très beau concert. L'apport de la batterie et de la basse se fait ressentir, les chansons ont plus d'allant.
Comme à l'accoutumée, Mark et Morgane, les jeunes et beaux chanteurs du groupe (lui à la guitare, elle au clavier) rivalisent d'humour et d'auto-dérision. Un groupe vraiment sympathique à défaut d'être révolutionnaire, et au succès mérité. On a pu vérifier à Solidays d'une part que leur côte de popularité était au beau fixe et d'autre part que le duo était toujours aussi attachant et passionnant en live. S'ils franchissent avec succès l'épreuve du deuxième album, ces deux-là semblent bien partis pour s'installer durablement dans le cœur des français, en attendant pourquoi pas de conquérir ceux d'autre pays.


S'il y a un artiste français pour qui le succès international n'a plus de secret, c'est bien Manu Chao. Celui qui est un vrai Dieu-vivant en Amérique du Sud a l'honneur de clore la 11ème édition du festival, accompagné par son groupe de toujours, Radio Bemba. Après une première demi-heure très classique et pas vraiment surprenante pour qui a déjà vu l'ancien leader de la Mano Negra en concert (énormément d'énergie, tempo échevelé, alternance de rythmes reggae et rock, solos de guitares énôôôôrmes, Manu qui donne du "Bombala Bombala Bombala" et du "Oh Yo Oh, Oh Yo Yo Yo", repris en cœur par le public), celui-ci baisse le tempo pour une longue plage où, pour une fois, il joue ses titres en entier. C'est que lors de ses précédents concerts, il avait la désagréable habitude d'entamer ses chansons puis de les faire partir dans des versions ska certes euphorisantes mais un peu lassantes à force. Lors de son passage à Bercy il y a un an, il était resté 3h30 sur scène, enchaînant sans répit des versions speedés de ses titres, et nous laissant au final sur les rotules. Si la performance est remarquable, on apprécie qu'à l'occasion de son passage à Longchamp, il ralentisse un peu la cadence et nous laisse apprécier jusqu'au bout ses petites ritournelles latino. Ainsi, "Clandestino", "La Rumba de Barcelona", "Me Llaman Calle", "Desaparecido" ou encore "La Vida Tómbola" retrouvent un second souffle, pour notre plus grand plaisir. Puis Manu Chao refait parler la poudre pour un final enflammé dont il a le secret. Devant les rugissements de plaisir du public, il se lance dans un titre de Sibérie M'était Comptée. L'organisation, veillant scrupuleusement à ce que les horaires soient respectés, coupe le son à deux reprises, mais Manu Chao, imperturbable, poursuit son concert. Le titre se poursuit en un "Pinocchio" d'anthologie, dédié à "tous ces politiciens, tous ces menteurs". Les bénévoles de Solidays montent sur scène et, en communion avec le public, prolongent le plaisir pendant de longues minutes en chantant à tue tête l'air de "Pinocchio". La fête est belle, mais comme tout bonne chose, elle a une fin. Un concert de Manu Chao trop court, qui aurait cru que ce serait possible ? Après 1h30 d'un concert intense de part en part, il se retire, laissant les spectateurs le réclamer pendant un bon moment, mettant par la même occasion Luc Barruet, le président de Solidarité Sida, dans l'embarras. Ceux qui désirent poursuivre la fête pourront voir Manu Chao lors de sa tournée française en septembre.












"Un lapin rose je vous dis ! De cette taille là !"



"Un vrai géant, grand comme ça ! Vous ne l'auriez pas vu ?"

Pour notre part, nous quittons le festival pour une dernière nuit au camping avant de revenir à notre train train quotidien. Le retour à la réalité sera difficile. Alors que nous pensions avoir eu notre quota de surprises pendant le Week-End, une de taille nous attend à la sortie. A mesure que nous nous en approchons, nous percevons une grande excitation devant les barrières de sortie. Arrivés à proximité, nous tombons sur une scène surréaliste : des centaines de festivaliers accrochés aux grillages, scandant en chœur "Libérez les lapins ! Libérez les lapins !" devant quelques membres de la sécurité du festival visiblement dépassés. C'est que, non contents de lutter avec ferveur pour la libération des centaines de sculptures de lapins géants de toutes les couleurs disséminés sur le champ de course de Longchamp (initiative du Cracking Art Group), certains festivaliers vont jusqu'au bout de leurs idées en sautant par-dessus les grillages et en tentant de subtiliser les lapins au nez et à la barbe des agents de sécurité. Ce qui aboutit à des plaquages mémorables et des courses poursuites fort amusantes. Sauf qu'on imagine que ces lapins doivent coûter une fortune, et on peut comprendre le peu d'humour du service de sécurité, qui repousse à grand peine les assaillants. Tout ça finit par se calmer, et on ressort définitivement de l'enceinte, après que les bénévoles, amassés à la sortie, nous aient adressé un dernier au revoir.


Encore une édition réussie pour Solidays. Beau temps, concerts de qualité, bonne ambiance : le festival était bel et bien placé sous le signe du plaisir solidaire. Que demander de plus ? Eventuellement une mise au pas du programmateur de Radio Camping ? Non, une Nuit du Zapping pardi ! Fort d'un bilan très positif (152 000 festivaliers sur les 3 jours, et environ 1,5 Millions d'€ récoltés), Solidarité Sida relance l'aventure de la nuit du Zapping, qui passera par Bercy le 24 Octobre prochain avant de partir en tournée dans toute la France. 5000 place à 15€ sont dors-et-déjà en vente pour la date de Bercy. N'attendez pas !

Festival couvert pour Froggy's Delight.

Merci à Nicolas Patault pour ses photos.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire