Trois jours à Solidays, ça se prépare. Ce n'est pas à prendre à la légère et ça nécessite une logistique irréprochable... Surtout que cette année à Solidays, c'est camping ! Trois nuits sous les tentes : idéal pour plonger au coeur du festival, sentir battre son pouls. Les préparatifs, donc. D'abord, la météo. Tout bon festivalier se cale dans son canapé tous les soirs de la semaine précédant la grande fête, allume sa télé et attend fébrilement l'apparition de Laurent Romejko, impatient de savoir à quelle sauce il sera mangé. En général, l'alternative se réduit à : boue ou insolation ? Orages vendredi, averses samedi et grand soleil dimanche. Voilà ce qui nous attend. Bon, il va falloir ressortir les bottes... Tout ça sent à plein nez la putain de sale histoire...
Après avoir couvert - non sans mal - la (grande) distance séparant le parking de l'entrée du festival - quatre sacs à chaque bras et les tentes sur le dos -, nous apercevons enfin la terre promise. Premier constat : c'est un grand soleil, un ciel dépourvu de nuages et une forte chaleur qui nous accueillent à Longchamp. Il nous faut bien ça, car la queue devant l'entrée au camping s'étire sur une bonne centaine de mètres... Alors que nous nous armons de patience, nous regardons d'un oeil amusé tous les gens autour de nous engloutir leurs bouteilles d'alcool. Il faut dire qu'une fouille drastique est pratiquée à l'entrée du camping, ça ne rigole pas. Le premier obstacle franchi - après 1h30 d'attente (!!!) - nous gagnons notre emplacement ZEN. Les fêtards invétérés auront préféré, eux, le côté ZAP. Merci la SNCF.
Le temps de monter les tentes (ou plutôt de les jeter, merci Décathlon) ET de les recouvrir de rubalise (détail non négligeable car 95% des tentes du camping sont estampillées "2 secondes"... Allez retrouver une Quechua parmi une forêt de Quechua à 5h du mâtin après 9 heures de concert, 4 heures de nuit électro et quelques bières...), nous arrivons pile pour voir Neimo donner le coup d'envoi de cette édition 2009. Pas facile de jouer en plein après-midi, qui plus est devant un parterre plutôt clairsemé - la majorité des festivaliers n'étant pas encore arrivée. Mais les français s'en sortent très bien, avec un set musclé et extrêmement efficace. Torse nu, le chanteur se démène et, dans un style évoquant Iggy Pop, enchaîne les déhanchés avec fougue. Décidément, leur "Johnny Five" est une sacrée bonne chanson, et leur musique une véritable invitation au laisser-aller. Très bonne surprise que ce concert énergique des jeunes parisiens. Leur excellente réputation n'est vraiment pas usurpée. Ne leur reste plus qu'à se constituer un répertoire un peu plus dense, et le succès sera sans doute au rendez-vous.
Nous enchaînons par Moonraisers sur la scène Paris, parfait pour buller au soleil, une bière à la main. Ce groupe de reggae suisse (!) se révèle fort agréable à écouter et très bon sur scène. Manque une petite touche d'originalité pour obtenir complètement notre adhésion. Pendant que Debout Sur Le Zinc fait tout son possible pour à enflammer la scène Bagatelle (à l'extrémité gauche du festival) avec leur cocktail de musiques folkloriques cuisinées à la sauce rock, nous retournons sous le Dôme pour assister au concert de Hugh Coltman. Ce très attachant artiste anglais (mais parisien d'adoption), dont l'album "Stories From The Safe House" fut une des plus belles surprises de l'an dernier, nous a prouvé lors de son passage en mars dernier à l'Alhambra qu'en plus de son talent de songwriter, il était aussi un excellent chanteur doublé d'un véritable showman. Saura-t-il réitérer sa performance dans le cadre moins confiné de Solidays ? La réponse est oui : une nouvelle fois accompagné de son groupe The Persuaders, il a donné un concert de toute beauté, ponctué notamment par un duo avec Krystle Warren - ce qui devient une (très bonne) habitude. Les deux chanteurs, dont il est troublant de constater à quel point leurs voix se ressemblent, ont sobrement rendu hommage à Michael Jackson (dont on a appris avec tristesse le décès le matin même), en reprenant "The Girl Is Mine", qu'ils avaient déjà chantée ensemble lors de leur passage à Taratata. "Could You Be Trusted", "Voices", "Greener Than Blue", "On My Hands", "Something Wicked This Way Comes", etc... : toutes les pépites de son album sont chantées à la perfection et avec ferveur. Hugh Coltman, on en redemande !
La faim se faisant sentir, nous faisons un crochet par le stand des Restaurants du Monde. Le choix gastronomique se révèle difficile : Brésil, Île Maurice, Japon, Ethiopie, Thaïlande, Liban, Italie, Inde,etc... Notre estomac goûterait bien à tout, mais notre portefeuille apprécierait moins ! L'initiative est à saluer, ça change des habituels Kebab. Mais les gros mangeurs en auront pour leurs frais. Que ceux-la se rassurent, ils trouveront leur bonheur en sandwiches américains, frites, et autres alimentations équilibrées un peu partout dans l'enceinte du festival. Nos accras mauriciens engloutis, nous nous posons sur l'herbe devant Sinsemilia, qui joue sur la grande scène (Paris). Mais même avec tout l'effort du monde, les boules Quiès seront de mise au bout de cinq minutes. La sieste est bienvenue pour recharger les accus en vue des gros morceaux nous attendant plus tard dans la soirée. Parallèlement, Lexicon jouent eux, sous le chapiteau Domino (celui dont l'intérieur est constellé d'étoiles argentées). Le hip-hop de ces deux américains, bien qu'énergique et mâtiné de guitares rock, manque de caractère pour vraiment convaincre. D'autant plus qu'on reconnaît immédiatement en "Junk Food" l'énervante plage musicale accompagnant chacune de nos visites sur le site de Solidays cette année.
Les choses sérieuses commencent à 20h avec Stuck In The Sound. Déjà présents il y a deux ans - ils avaient alors donné un concert époustouflant sous le chapiteau -, ils reviennent à Solidays forts d'un deuxième album percutant (Shoegazing Kids, mixé à New York) et rodés par une longue tournée. Cette fois, c'est sur la scène Bagatelle (la deuxième grande scène) que le public s'amasse pour les applaudir. La fosse, majoritairement composée de teenagers, ne tarde pas à pogoter méchamment, électrisée par les décharges sonores répétées du groupe ("Cramp, Push & Take It Easy !"). Innocence, urgence, rage adolescente : il y a un peu de tout ça dans la musique des quatre franciliens, qui touche particulièrement les d'jeuns. La voix de José est toujours aussi surprenante, et participe grandement à ce qu'on apprécie chez les Stuck : cette touche inimitable, ce mélange de violence sonique et de douceur ("Ouais", "Shoot Shoot"). La plupart des chansons sont construites à partir de ce contraste, qui évoque souvent les Pixies. Sur scène le groupe maîtrise à la perfection ces variations de tension, provoquant chez les spectateurs des moments d'euphorie incontrôlables.
"Zapruder", titre d'ouverture calme - mais tourmenté - de Shoegazing Kids, procure au public un moment de repos bienvenu en plein milieu du concert. Comme sur disque, cette chanson fait irrésistiblement penser à The Cure. José, affublé de son inamovible capuche, s'amuse à l'enlever et la replacer sur sa tête à la plus grande joie des fans. Lorsqu'il annonce que "la prochaine chanson, certains d'entre vous l'ont sûrement déjà entendue", un frémissement parcourt le public, qui explose littéralement lorsqu'il entend les premiers accords de "Toy Boy". Ce titre - qui a permis au groupe (de la même façon que les Hushpuppies avec leur "You're Gonna Say Yeah !") d'intégrer le jeu vidéo Guitar Hero -, c'est leur "Creep" à eux. Non pas que le reste de leur répertoire démérite, mais "Toy Boy" dégage l'évidence des grandes chansons et justifie à elle seule de se rendre à un concert de Stuck In The Sound. Des frissons nous parcourent pendant ces quatre minutes de bonheur, c'est vraiment trop beau. A vrai dire, "Toy Boy" est la seule chanson vraiment parfaite du combo francilien : refrains imparables, mais couplets inégaux, tel est souvent le cocktail proposé par le groupe. Du coup, même s'il nous est offert ce soir quelques très bonnes chansons ("Ouais", "Zapruder", "Shoot Shoot", "Playback A.L."et, bien sûr, l'immense "Toy Boy"), l'ensemble reste un peu trop inégal à notre goût. Mais suffisamment bon et joué avec assez de ferveur pour susciter notre enthousiasme, à défaut de notre admiration.
Après ce moment de pur défoulement rock & roll, on change complètement de style avec The Dø. Notre avis n'a pas beaucoup changé depuis qu'on les a vus l'été dernier à Rock En Seine. Si on a apprécié leur album A Mouthful et ses petites ballades pop-folk ingénieuses mais sans prétention, on reste plus partagé quant à leurs prestations live.
Le positif ? La voix incomparable d'Olivia, la chanteuse franco-finlandaise du duo, qui tire les chansons vers le haut. Pour ne rien gâcher, elle s'avère délicieusement sexy, et n'hésite pas à se vêtir de tenues excentriques qui la mettent plutôt en valeur. Du coup, elle n'a pas besoin d'en faire des tonnes et parvient à avoir une présence par le seul magnétisme de sa voix et de sa plastique. Le concert réserve des moments magiques : même matraquées depuis un an sur toutes les radios, "At Last" et "On My Shoulders" gardent leur beauté et leur fraîcheur intactes.
Le négatif ? Les introductions à n'en plus finir sur quasiment tous les titres alors qu'on n'attend qu'une chose, c'est d'entendre la voix d'Olivia. Les versions décevantes de certains titres et les postures agaçantes de Dan Levy sur son clavier.. Le manque d'envergure de l'ensemble : contrairement à ce que le buzz veut bien nous faire croire, il y a encore du travail pour que The Dø soit taillé pour des scènes de festival.
Les scènes de concert, Tony Allen, lui, en a foulé plus d'une. Celui qui n'est ni le petit frère de Lily ou encore moins le fils caché de Woody, n'est autre que l'ancien batteur de Fela Kuti et l'un des pères fondateurs de l'Afrobeat. Il se produit ce soir (bien que le soleil soit encore de la partie) sous le chapiteau Domino, entouré d'une ribambelle de musiciens (clavier, percussionniste, guitariste, bassiste, cuivres) et de deux choristes. Sonorités africaines et rythmes funk se télescopent pour notre plus grand plaisir. Ses titres, emmenés sur un rythme d'enfer par Tony Allen lui-même (à la batterie et au chant en fond de scène), résonnent comme d'irrésistibles appels à la danse. Le nigérian parvient à faire danser une bonne partie de la foule, qui prend un plaisir visible devant le spectacle offert par le groupe. Il faut dire que ce dernier est vraiment bon, leur joie de jouer ostensible et, bien que plutôt néophyte concernant ce courant musical, il est difficile de résister à leur très bonne prestation.
Nous voilà maintenant devant un choix cornélien auquel les vieux routiers des festivals sont confrontés chaque année : deux groupes que l'on veut ab-so-lu-ment voir jouent à la même heure, sur deux scènes à l'opposée l'une de l'autre. Après avoir pesté une bonne partie de la journée, nous avons fait notre choix : nous laissons à grand regret les excellents Groundation se débrouiller sur la grande scène et prenons le chemin du Dôme pour aller voir Sporto Kantès. Avec tout le respect que nous avons pour Groundation, ce choix s'avèrera payant et nous ne le regretterons pas. En effet, Sporto Kantès a délivré l'un des tous meilleurs concerts du festival, sinon le meilleur. Déjà vus lors de la tournée ayant suivi la sortie de leur album 3 At Last, ils avaient alors paru peu sûrs d'eux et plutôt brouillons, compensant le tout par une grande énergie et une attitude rock & roll. C'est un tout autre groupe qui se présente devant nous ce soir. En quelques mois, Sporto Kantès s'est muté en véritable machine de guerre. Sûrement gonflés à bloc par l'ambiance de feu régnant sous le Dôme, les français nous ont servi un concert d'une générosité incroyable.
Commencé en douceur par "Concrete", chanson lancinante dont la version live est traversée par des larsens de guitare, le concert sera placé sous haute tension par la suite. Ce premier titre sonne comme le calme avant la tempête : par la suite, dans la foule, c'est du délire complet, un bordel sans nom. Le groupe (le duo originel formé par Benjamin Sportès et Nicolas Kantorovwicz est accompagné sur scène d'un batteur, un guitariste et un clavier/violoniste) enchaîne les excellents titres du dernier album avec une énergie contagieuse : "Roma's Life", tranquille sur disque, donne envie ici de remuer le popotin ; "Da Rock" et ses guitares rugissantes ; "Slits" et ses notes de guitare que les spectateurs reprendront à pleins poumons dans un bazar indescriptible ; "Liquid" offre un grand moment sur le refrain ("Et je reste immobile, après tout je m'en fous..."), où le groupe laisse parler la poudre et réussit le tour de force de faire sauter la fosse comme un seul homme ;"Tower" et, bien sûr, le tube "Whistle", sur lequel le public se déchaîne complètement. Mais le point culminant de ce remarquable concert reste "Lee", titre présent sur le précédent album du duo (2nd Round, 2004). Véritable bijou, cette grande chanson méconnue est en fait un bordélique puzzle musical orchestrant à la perfection cuivres enfiévrés, samples en tous genre (l'intro est à elle seule un chef d'oeuvre, et que dire du refrain...), gimmick de guitare funky et batterie presque disco. Le résultat est un cocktail explosif complètement barré (écouter tout particulièrement le passage où s'élève une voix féminine : "Approche ! APPROCHE ! Tu sens mon talon aiguille ! Je n'ai qu'un petit coup à donner... ça te fait de l'effet, hein ? Lèche maintenant. LECHE, c'est un ordre !") qui fait chavirer de bonheur les spectateurs du Dôme. Ceux-ci braillent du "Yo ! Leroy ! Yo Leroy ! Calling your mam's ! Calling your mam's !" à s'en déchirer les cordes vocales. Le groupe prolongera même le plaisir jusqu'à jouer une seconde fois "Lee" en rappel. Pour ceux qui ont raté ça, précipitez-vous sur les places de leur concert du 24 Septembre prochain au Bataclan. Vous ne le regretterez pas.
Comment rebondir après un concert de cet acabit ? La tâche est en effet très dure, trop dure pour Kool Shen qui pallie avec courage la défection de dernière minute de Joey Starr (condamné à 6 mois de prison quelques jours avant le festival et qui n'a donc pas pu être présent ce soir, malgré les négociations entamées avec la Justice) en offrant à Solidays un concert sans son acolyte de NTM. La déception était déjà grande de ne pas voir le duo, mais malgré toute la bonne volonté du monde, l'absence du fauve Joey Starr, véritable bête de scène, se fait terriblement sentir. On n'en voudra pas à Kool Shen. Il aura essayé, et c'est tout à son honneur. Mais les titres de NTM sonnent désespérément creux sans la présence animale du Jaguar... Ce ne sont pas les doublures invitées par Kool Shen qui combleront ce manque, ni les titres solo de ce dernier. Une grande déception.
Sans s'éterniser sur ce premier accroc, nous filons au Dôme où la Nuit Electro vient de débuter avec Yuksek. Très attendu, le set du DJ français (dont le premier disque Away From The Sea est sorti cette année) sera l'un des grands moments du festival. Montées d'adrénaline, rythmes épileptiques, beats énormes, il nous sort le grand jeu et enchaîne les tubes de son album. Ses petites bombes électro mettent une ambiance de folie et l'immense dôme - où nous avions vu Etienne De Crecy donner un show mémorable l'an dernier - se retrouve transformé en dancefloor grandeur nature. Les festivaliers, endossant pour l'occasion les habits de clubber, ne boudent pas leur plaisir et donnent de leur personne : ça danse dans tous les coins, ça bouge de partout, ça saute, ça hurle, et certains sont même au bord de la transe. Entre Justice, Birdy Nam Nam et, donc, Yuksek, l'électro française se porte décidément très bien et vient de se trouver de parfaits ambassadeurs. Suivront deux très bons sets de South Central et Digitalism pour clore cette première journée de festival. Entre deux remix de Daft Punk et Justice, les duos électro (respectivement) anglais et allemands ont délivré deux concerts puissants et intenses qui, sans égaler celui de Yuksek, ont réussi à faire danser jusqu'au bout de la nuit des festivaliers de moins en moins alertes et aux paupières de plus en plus lourdes...
Après cette très bonne première journée de festival pendant laquelle nous avons fait le plein d'émotions, nous regagnons notre tente en quête d'un sommeil réparateur. Il faut pour cela naviguer entre les divers cadavres (de bouteilles et d'humains) que ne manque pas de générer le festival chaque année. Dans le camping, quelques irréductibles continuent la fête près de leur tente (ces ZAP, vraiment...). Ce n'est pas notre cas : une fois notre Quechua retrouvée, nous nous écroulons sur notre matelas gonflable et sombrons instantanément dans un sommeil lourd...
Festival couvert pour Froggy's Delight.
Merci à Nicolas Patault pour ses photos.
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