On a connu réveil plus agréable. Non, mais franchement... A quoi pensaient les organisateurs en installant des haut-parleurs aux quatre coins de l'enceinte et en diffusant dès 9h du mâtin la radio du camping à fond les manettes ? On n'a rien contre les Scissor Sisters, Madonna, AC/DC, Manu Chao, ou même l'animateur de "Radio Camping" (quoi que...), mais force est de constater qu'outre l'heure matinale, la programmation musicale se révèle assez douteuse... Passons les détails, mais il est vrai que s'il est assez insupportable - quel que soit le moment - de se voir imposer l'écoute de "Free From Desire" de Gala ou de "Wannabe" des Spice Girls (ah, les années 90 et la dance....), allez donc imaginer leur effet au réveil... Et puis oui, on sait : Michael Jackson est mort. C'est triste. Mais pas à 9h du matin ! Surtout quand c'est pour passer quatre fois "Heal The World" par heure. OK, OK, on exagère un peu, mais le bilan reste peu glorieux : réveillé contre notre gré après quatre petites heures de sommeil, la tête comme un pastèque et, pour ne rien arranger, chaleur insoutenable sous la tente et pas franchement plus supportable dehors... Réveillé, donc, mais pas franchement opérationnel...
Vous l'aurez compris, je ne suis pas vraiment du matin... Pour partir d'un meilleur pied, je décide d'aller prendre une douche (froide, la douche). Je constate que la tente de nos voisins a disparu en cours de nuit, ce qui est somme toute plutôt intriguant. Cela devient même plutôt marrant quand on nous raconte que les deux occupants de la tente en question sont revenus du festival la nuit précédente sans savoir où était partie leur tente, ni qui l'avait prise. Une tente mobile : ils sont vraiment forts chez Décathlon... Honnêtement, qui ne rêve pas de pareille surprise en revenant d'une journée de festival ? Cette histoire sent à plein nez la mauvaise blague d'amis sous l'emprise de l'alcool (c'est le terme officiel). Direction la douche, donc. En chemin je croise (non, pas un lapin rose géant, même si ça aurait pu...) deux potes tout heureux d'avoir déniché - je ne sais où - une bouteille de whisky et semblant fort pressés de revenir à leur tente pour la descendre. Je vérifie l'heure, des fois qu'on ne m'aurait pas mis au courant d'un quelconque décalage horaire. Mais non, c'est bien ça : il est 9h10, et tout va bien. Je constate d'ailleurs en avançant vers les douches que loin d'être un cas isolé, ces deux énergumènes sont plutôt en retard sur le timing : des apéritifs collectifs s'improvisent en effet déjà un peu partout dans le camping. Malgré la fouille très rigoureuse pratiquée à l'entrée et le nombre impressionnant de bouteilles réquisitionnées, on constate qu'une quantité non négligeable d'alcool circule dans le camping. Les petits heureux passés entre les mailles du filet font d'ailleurs profiter à qui veut le fruit de leur victoire, prouvant par là les valeurs profondément socialisantes de la boisson.
Revigorés par la douche froide, nous entamons notre journée de festival par une visite à l'Exposition "Renaître à la Vie", sur laquelle Solidays met les projecteurs cette année. Constituée à l'initiative du Fonds Mondial de Lutte Contre le SIDA, cette expo regroupe le travail de 8 photographes ayant suivi à travers le monde et sur plusieurs années 33 personnes infectées par le virus et bénéficiant d'un traitement. Plusieurs écrans munis d'un casque audio sont placés dans la salle, chacun étant libre de choisir le pays qui l'intéresse (Haïti, Pérou, Mali, Afrique du Sud, Rwanda, Swaziland, Inde, Russie et Vietnam). Nous voyons défiler un diaporama par-dessus lequel les personnes photographiées et leurs proches témoignent de leur vie avec la maladie. Les photos sont très belles, les témoignages émouvants, le message très fort. Regarder toutes les vidéos nécessiterait de passer la moitié de l'après-midi devant l'écran, mais c'est une expérience à recommander. Le livre tiré de l'exposition est lui aussi très beau (il reprend les mêmes photos et témoignages que ceux visibles dans les vidéos) et vaut le détour.
Alors que nous sortons de l'exposition, nous tombons sur la scène France 4 (la chaîne fait une émission en direct du festival ce soir, avec plusieurs artistes invités) où Alela Diane effectue sa balance. Avant même de parler de musique, ce qui nous choque d'emblée, ce sont... ses cheveux. Qu'en a-t-elle fait ? Après la frange, les cheveux courts : Alela Diane semble en plein crise capillaire... Pour ce qui est de la musique, de crise il n'y a point, le baromètre est au beau fixe : après avoir sorti cette année son très beau second album (To Be Still), l'américaine est demandée partout et s'apprête à parcourir de long et en large le vieux continent dans une tournée marathon (31 concerts d'ici à mi-septembre, avec des aller-retour entre l'Europe et les Etats-Unis !) au cours de laquelle elle passera en France à plusieurs reprises. Pour sa balance, elle chante deux fois de suite "The Ocean" et, même interprété en dilettante, l'esprit ailleurs, le résultat est remarquable et de toute beauté. Outre ses brillantes compositions, on ne tarira jamais assez d'éloges sur la voix chaude et mélancolique de la chanteuse. Plus tard, en début de soirée, elle envoûtera complètement le chapiteau Domino avec des chansons telles que "White As Diamonds", "Pirate's Gospel", "The Ocean", "Lady Divine", ou encore "Tatted Lace". Le temps semblera alors suspendu pendant une heure au-dessus de Longchamp, comme retenu par une magicienne folk à la voix céleste et aux cheveux courts... Elle enchaînera ses plus grands titres sans temps mort. En deux albums et à à peine 26 ans, elle s'est déjà constitué un répertoire à faire frémir de jalousie n'importe quel chanteur.
Après les prestations pas vraiment mémorables des Québécois de Creature (pop-rock dansante vaguement électro et lorgnant sur les 80's : malgré toute la volonté du monde, il leur est difficile de cacher le manque de profondeur de leur musique, et leur concert tourne rapidement dans le vide) puis des français de La Casa (un énième groupe marchant sur les plate-bandes de Noir Désir dans ce qu'ils ont de plus agaçant, faisant même parfois penser au spectre honni de Cali), place à Stephanie McKay, artiste autrement plus intéressante. Son album Tell It Like It Is, paru en fin d'année dernière, s'inscrit dans la lignée du revival soul dont Raphael Saadiq et Erykah Badu sont les principaux ambassadeurs. Même goût pour la soul des années 70, sublime voix au timbre délicieusement éraflé, rythmiques funky, compositions classieuses, mélodies accrocheuses,... Stephanie McKay a tout pour devenir une grande dame de la soul, mais il lui reste encore des progrès à faire sur scène. Tout agréable qu'il fût, son concert n'avait rien à offrir de comparable avec la démonstration de Raphael Saadiq au Bataclan en avril dernier. Si son album comporte de bonnes chansons ("Jackson Avenue", "This Letter", "Where Did Our Love Go ?", "Little More Time"), leurs versions live sont moins enthousiasmantes. Ce n'est pas faute de se dépenser : quelque part entre Macy Gray et Ms.Dynamite, l'américaine occupe sans relâche le devant de la scène, fait le show tout en restant sobre, misant sur l'impact de sa voix. Mais ce n'est pas suffisant, et à vouloir trop être mise en avant, peut-être Stephanie McKay oublie-t-elle quelques ingrédients essentiels à tout bon concert soul : des choristes et des cuivres. Leur absence se fait cruellement ressentir et, du coup, si bon que soit son groupe, les versions live manquent de relief et d'allant. C'est dommage, mais il en restera tout de même un bon concert et un moment agréable.
Non loin de là, sous le Dôme, Amadou & Mariam entament leur show. Leurs rythmiques africaines sont de tels appels à la danse qu'on en oublie presque la grande naïveté des paroles et le caractère un peu répétitif des titres. La musique des deux Maliens vise à faire battre les coeurs, à donner du plaisir, et remplit très bien sa fonction. Accompagnés par un percussionniste, un batteur, une guitariste, un bassiste, un clavier et deux choristes dansant en synchronisation, Amadou & Mariam parviennent sans grande difficulté à faire danser les spectateurs du Dôme du début à la fin de leur concert.
Immédiatement après vient le grand moment de la journée : Keziah Jones sur la grande scène, devant laquelle une foule immense l'attend de pied ferme. Précédé par son batteur et son bassiste, il débarque sur scène torse nu, pantalon africain bariolé et converse rouges. Après trois titres dont un "My Kind Of Girl" un peu expédié, il se lance dans une danse endiablée, jouant avec son public et bougeant son corps musculeux dans tous les sens. Rapidement, on sent que quelque chose cloche : trop de passages instrumentaux, pas assez de mélodies. Keziah Jones fait étalage de ses incroyables talents de guitariste, mais semble oublier qu'il est aussi un excellent chanteur. Du coup, et même s'il sort le grand jeu sur sa six cordes, on ne s'enthousiasme pas vraiment, contrairement à son magnifique concert à l'Olympia en janvier dernier. La fin du concert remontera un peu le niveau d'ensemble avec une reprise endiablée du "All Along The Watchtower" de Jimi Hendrix, puis "Beautiful Emilie", où Keziah Jones fait chanter le refrain au public (qui n'attend que ça) et, enfin, la chanson tant espérée et passage obligé de chacun de ses shows : "Rythm Is Love". L'effet bœuf est instantané : ce titre a vraiment quelque chose de magique. Le nigérian se retire, puis revient pour un rappel intense mais qui retombe dans les travers du début de concert : Keziah Jones utilise sa guitare comme percussion. Si impressionnant que ce soit, on ne rentre pas vraiment dedans. Ainsi, malgré de très bons moments, on reste globalement sur notre faim. On a plutôt eu l'impression d'assister à un concert en pilote automatique, et on aurait aimé entendre davantage de titres de la trempe de "Long Distance Love", "Familiarize", ou "My Brother". Pourtant, le concert fût plutôt bon, mais le nigérian nous a tellement habitué à placer la barre très haut qu'on ne peut qu'être déçu.
Après un détour par le centre névralgique du festival pour quérir une bière bien fraîche, nous nous approchons du chapiteau Cesar Circus, rempli à ras bord pour écouter les ballades pop-folk de Yodelice. Celui qui s'est fait connaître avec l'excellent titre "Sunday With A Flu" donne un très beau concert, bien aidé par ses compositions de très bonne facture, aux tonalités organiques et imprégnées d'un brin de tristesse. Un arbre de décoration que Tim Burton n'aurait pas renié occupe la scène non loin du guitariste. Autre atout : le français au chapeau à plume dispose d'une magnifique voix, avec beaucoup de caractère. Au final, ce concert reste une excellente surprise et force est de constater que les commentaires positifs ayant suivi la publication de son album Tree Of Life sont parfaitement justifiées. Les chansons de Yodelice n'ont certes rien de révolutionnaire, mais elles sont de très bon goût, interprétées avec une grande conviction, et tissent une univers souvent fantasmagorique qui intrigue et interpelle. Pour finir, il nous offre une reprise étrange et toute personnelle de "Smell Like Teen Spirit" : lancinante, ténébreuse, une vraie réussite. La lumière perce rarement dans la musique de Yodelice, mais c'est un vrai bonheur que de l'écouter chanter.
Sans temps mort, nous nous rendons sous le chapiteau Domino, où jouent les anglais de Friendly Fires. Nous ne connaissons d'eux que le sympathique morceau "In The Hospital", enlevé et dansant. Leur concert se résumera à un électro rock aux sonorités synthétiques joué à grand renfort de grosses caisses, très proche dans l'esprit de Hot Chip, Metronomy ou Late Of The Pier. Très hype, donc. Malheureusement, les compositions ne suivent pas vraiment et manquent d'originalité. De plus, le chanteur s'époumone tout ce qu'il peut d'une voix plutôt agaçante. Bref, on est pas vraiment fan. On en vient à bailler assez rapidement, et du coup on tourne les talons pour aller attendre les Ting Tings à l'autre bout du festival.
Sur le chemin, nous croisons Keziah Jones interprétant "Lagos vs. NY" sur la scène France 4, plutôt une bonne surprise. A l'inverse, sur le chemin, nous passons très vite devant la scène Paris où Bénabar aligne ses fadasses chansonnettes aux paroles marrantes ou indigestes, c'est selon. Si le personnage est fort sympathique (nous avons pu le vérifier plus tôt dans l'après-midi en conférence de presse) et s'il se révèle être un très bon show man, on le regarde avec consternation chanter de sa voix plate ses aventures trépidantes avec sa machine à laver et sa brosse à dent... Alors que nous arrivons en avance pour The Ting Tings, nous écoutons avec amusement une bande de joyeux lurons passablement alcoolisés raconter avec ferveur et avec maints détails croustillants le show de "Bénabouze", qui semble avoir troqué sa machine à laver pour des papillons... Première remarque concernant les Ting Tings : ils ont enfin réussi à se débarrasser de leur méticuleux mais horripilant roadie rouquin. Le duo anglais avait été la révélation du festival l'an dernier, et on se souvient avec émotion de leur fantastique concert sous le minuscule chapiteau Cesar Circus. On les avait revus quelques jours plus tard au Festival de Benicassim, où ils avaient une nouvelles fois impressionné. L'évolution en un an est considérable : ils ont pris une dimension énorme, joué à plusieurs reprises à guichets fermés à Paris (notamment au Bataclan), et c'est devant une bonne dizaine de milliers de spectateurs qu'ils vont se produire ce soir.
Ce concert est l'occasion de constater à quel point il est difficile de tenir une si grande scène, qui plus est à deux, voire toute seule. En effet, Jules de Martino reste la plus part du temps derrière sa batterie et laisse le soin à Katie White - encore une fois terriblement sexy dans son rôle de Betty Boop rock & roll - d'assurer seule le show. Elle s'en sort avec les honneurs (il faut dire qu'elle stimule quelque peu les hormones de la gente masculine), même si on peut lui reprocher une certaine froideur dans son attitude. Mais ne sont pas les Kills qui veut. Si bons que soient les Ting Tings et leur album (We Started Nothing, sorti l'an dernier, et véritable carton commercial), ils ne disposent pas encore d'un répertoire leur permettant de postuler au rang de grand groupe rock. Car si leur disque recèle quelques tubes électro-rock rendant ivres de plaisir un public les connaissant sur le bout des doigts ("Shut Up and Let Me Go", "Great DJ", "That's Not My Name", "Keep Your Head", "Be The One"), le reste est un peu moins consistant. De plus, même si le concert sera au final une vraie réussite, un pur moment de défoulement, avec des titres jouissifs déjà élevés au rang d'hymnes, force est de constater que le show des Ting Tings n'a quasiment pas évolué en un an. Pas de nouveaux titres, même jeu de scène, versions identiques,... Du coup, à aucun moment on n'est vraiment surpris. On attend désormais avec impatience le second album du duo, en espérant retrouver autant de machines à danser que sur We Started Nothing.
C'est parti pour la seconde nuit électro. Début des hostilités avec Beardyman, extraordinaire human beatbox qui, par la seul magie de sa bouche, fait danser les milliers de personnes entassées sous le chapiteau, rendant notamment à plusieurs reprises hommage à la machine à tube qu'était Michael Jackson. Vraiment étonnant. La seconde moitié de son set, plus orientée électro, sera moins passionnante même si de bonne facture. Le moment le plus attendu de la nuit sera le passage sous le Dôme de DJ Zebra. Le champion des bootlegs rock made in France n'a pas son pareil pour mixer des titres qui n'ont, a priori, rien en commun, et en tirer de petites bombes. L'exemple le plus marquant reste "J'Arrive" de Joey Starr, doublé de la marche de l'empereur de Star Wars, le tout donnant un résultat explosif : "Joey Starr Wars" (DJ Zebra se targuant d'avoir, lui, réussi à amener Joey Starr à Solidays). Un grand moment de n'importe quoi et un amusant jeu de devinettes musicales. Seule petite critique : la plupart des bootlegs joués ce soir sont connus depuis un moment déjà, un peu de renouvellement ne ferait pas de mal à DJ Zebra.
Toutes nos plus plates excuses à Buraka Som Sistema, Autokratz, Surkin et Girl Talk, mais la fatigue se faisant grandement ressentir, nous sommes rentrés plus tôt que prévu au camping. Au moment de se coucher, on espère de toutes nos forces que la station émettrice de "Radio Camping" sera détruite pendant la nuit, ou que les hauts-parleurs deviendront subitement défectueux... N'importe quoi, mais par pitié laissez-nous dormir !
Festival couvert pour Froggy's Delight.
Merci à Nicolas Patault et Eddy pour leurs photos.
Mon dieu, ta boycotte "Buraka Som Sistema"...
RépondreSupprimerJte parle plus !