
Comme un pied de nez, ou pour mieux marquer le caractère particulier du concert de ce soir, l'orchestre se lance dans les premières mesures de "Sledgehammer". Peter Gabriel l'arrête très vite, annonçant que la première partie du spectacle serait consacrée à Scratch My Back, joué dans son intégralité. Logique et prévisible, mais on attend avec crainte la suite.
Pendant un peu plus d'une heure, nous écoutons donc sagement (et dans l'ordre) les douzes titres de Scratch My Back. L'espace de deux chansons ("Heroes" de David Bowie et "The Boy In The Bubble" de Paul Simon), on y croit. On se dit que finalement, peut-être Peter Gabriel est-il capable de transcender ce projet en live. L'orchestre qui s'élève progressivement, la voix profonde de l'ange Peter : à défaut de magie, l'alchimie se révèle plutôt séduisante. On ressent même de légers frissons lors de la montée finale de "Heroes" et le début de la touchante "The Boy In The Bubble". Puis, plus rien. Peter Gabriel nous guide ensuite vers des rivages d'un ennui profond.
Mis à part le crescendo spectaculaire de "My Body Is A Cage", rien ou presque ne nous sortira de notre torpeur. Bercy paraît bien vide et amorphe, mais Peter Gabriel ne nous aide pas vraiment : planté sur le côté gauche de la scène, immobile, les yeux rivés sur son prompteur, chantant d'une voix retenue, il laisse à l'orchestre le soin de jouer le premier rôle. Pour compenser la glaçante immobilité de l'ensemble, les écrans géants diffusent des visuels et jeux de lumière parfois réussis, mais souvent cheap et guère passionnants. Les arrangements de cordes ne sont pas non plus toujours très digestes. L'abattement est à son comble sur "Street Spirit" (une des plus belles chansons de Radiohead et dernier titre de Scratch My Back), qui finit de plomber l'ambiance.

Cette deuxième partie suscite certes plus d'intérêt que la soporifique entame du concert. Le spectacle est plus vivant, le public répond présent, on sent Peter Gabriel un peu plus à son aise. Mais malgré quelque beaux moments ("Darkness", "Solsbury Hilll" où le public chante à tue-tête le refrain : "Go, go, go !", la fin de "The Rythm Of The Heat"), l'ensemble manque cruellement de mordant. L'anglais nous donne à écouter deux heures d'une pop orchestrale souvent quelconque. Alors que le public réclame un rappel, la voix de Youssou N'Dour se fait entendre. Le duo avec Peter Gabriel sur "In Your Eyes" fait des étincelles : il en résulte un superbe échange vocal. "Don"t Give Up", bien qu'un peu trop sucré à notre goût, s'impose comme un moment émouvant. Puis Peter Gabriel s'avance, annonce "quelque chose pour dire bye bye" et s'installe au piano pour "Low Light", clôturant ainsi une bien décevante soirée.
Malgré le bilan négatif, on comprend la démarche de l'artiste, cette volonté de revenir à plus de simplicité. Peter Gabriel aurait-il péché par orgueil ? Celui-ci semble en effet faire trop confiance à ses morceaux. Le problème est simple : le principal intérêt de ceux-ci se trouve dans les rythmiques et les arrangements foisonnants, dont rien ou presque ne subsiste dans ces versions orchestrales qui se veulent pourtant recherchées.
Setlist : 01 Sledgehammer (quelques secondes) / PART I : Scratch My Back / 02 Heroes (David Bowie), 03 The Boy In The Bubble (Paul Simon), 04 Mirrorball (Elbow), 05 Flume (Bon Iver), 06 Listening Wind (Talking Heads), 07 The Power Of The Heart (Lou Reed), 08 My Body Is a Cage (Arcade Fire), 09 The Book Of Love (The Magnetic Fields), 10 I Think It's Going To Rain Today (Randy Newman), 11 Après Moi (Regina Spektor), 12 Philadelphia (Neil Young), 13 Street Spirit (Fade Out) (Radiohead) / Interlude / PART II / 14 San Jacinto, 15 Downside Up, 16 Digging In The Dirt, 17 Wallflower, 18 Signal To Noise, 19 Washing Of The Water, 20 Blood Of Eden, 21 The Rythm Of The Heat, 22 Darkness, 23 Solsbury Hill / Rappel / 24 In Your Eyes (avec Youssou N'Dour), 25 Don't Give Up, 26 Low Light.
Lire également la chronique du concert sur Froggy's Delight.
Le Myspace de Peter Gabriel.
Sans remettre en cause vos talents d'écriture je dirai que du petit au de mes 27 ans c'est un des plus beaux concerts. L'émotion, frissons et surtout un peu de fraicheur dans un magasin où les lives se ressemblent tous comme des boites de céréales. Scrtach my back reste pointu mais les lives de Peter sont des shows à ne pas rater. Cliff (Avignon)
RépondreSupprimerMerci pour ton commentaire, Cliff. Comme tout projet hors norme, les concerts de la tournée "Scratch My Back" suscitent des réactions diamétralement opposées : dithyrambiques ou poliment désapprobatrices. Le concert m'a déçu mais pas la démarche de Peter Gabriel, compréhensible, respectable et risquée. On reconnaît les grands artistes par leurs prises de risques et remises en question, Peter Gabriel est de ceux-là. Mais il arrive que l'on se plante...
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