La seconde journée démarre sous un soleil de plomb avec la très belle pop-folk de Villagers. Beaucoup de monde malgré l'horaire pas évident (12h). Le groupe semble d'ailleurs agréablement surpris de voir autant de spectateurs devant eux. Le chanteur/auteur/compositeur Conor J. O'Brien donne de la voix et mène habilement la barque. Les irlandais, visiblement heureux d'être là, séduisent avec des compositions au fort potentiel mélodique qui gagnent souvent en intensité à mesure que la chanson avance. Le concert monte lui aussi en puissance jusqu'à un final intense. Une belle découverte.
On passe ensuite devant Matt & Kim, duo New-Yorkais dont on entend plus qu'on ne voit les deux dernières chansons. Leur électro-pop dansante est agréable à écouter et on a rarement vu une batteuse aussi ostensiblement heureuse de jouer. Le public leur réserve en tout cas un accueil extrêmement chaleureux.
On aurait aimé ensuite voir Fanfarlo à l'abri du soleil, sous la scène château. C'était sans compter sur un service de sécurité faisant rentrer au compte-goutte les spectateurs à l'intérieur d'un chapiteau à moitié vide. Mesures de sécurité, on imagine. Du coup on suit le début du concert comme à la radio. Les anglais jouent un folk-rock entraînant et de qualité. On se contentera malheureusement d'écouter l'album à notre retour.
Du coup, on se cogne - c'est le cas de le dire - The Cribs et leur power rock musclé. Mastoc et carré à défaut d'être réellement passionnant. Jonny Marr ou pas, on passe notre chemin. Ce qui nous donne l'occasion de voir un uluberlu s'engager dans une périlleuse ascension d'un poteau de signalisation, faire son malin arrivé en haut, avant de se poser la question de savoir comment redescendre. La chute de trois mètres de haut qui s'en suit était quelque peu prévisible, mais fort drôle ma foi.
Au forceps, on parvient à percer les défenses de la sécurité et pénétrer sous le chapiteau où joue Fanfarlo. Les quelques titres entendus font penser à un Arcade Fire de poche. Sur scène, un trio guitare-basse-batterie accompagné par un violon / ukulele et un clavier / trompette. Le groupe maîtrise ses crescendos et termine son set par un dernier titre effréné qui fait une nouvelle fois songer au groupe de Win Butler.
Après un rapide coup d'oeil aux Blood Red Shoes pour constater que la guitariste n'a rien perdu de sa superbe, on file voir The Soft Pack. Intrigué plus que séduit par leur album, on est curieux de voir ce que cela donne en live. Enceintes crachant des riffs saturés : leur post-punk n'a rien de soft. Les américains proposent un set tendu et électrique mais demeurent désespérément statiques. Très (trop ?) concentrés, ils semblent en oublier la présence de spectateurs en face d'eux. Les chansons ne sont pas mal quoique parfois brouillonnes, mais il n'y a pas de partage, tout ça manque de fougue. Le show pâtit d'un manque de charisme et le chanteur traîne une voix nonchalante. Comme me le fait remarquer l'armoire belge à côté de moi : "C'est meilleur les yeux fermés". Pas faux, l'ami.
On se rabat sur la fin du concert des Blood Red Shoes : là au moins on a les yeux grands ouverts. Laura-Mary Carter est toujours aussi sexy lorsqu'elle susurre "Enjoy the rest of your day". Elle se mue en diablesse dès les premiers accords tonitruants de "Heartsink", qui conclut avec brio le concert. Le duo de Brighton, outre son sex-appeal indéniable, reste une valeur sûre. Rapide détour devant la grande scène où White Lies déballe sa new-wave aussi comestible que la mayo servie ici avec les frites. Un tube efficace mais aussi fin qu'un double pancake nutella ("To Lose My Life"), une voix d'outre-tombe qui pourrait être celle du chanteur d'Editors (lequel a lui-même tout pompé sur Ian Curtis), synthés glacés, batterie en mode repeat : on ne s'attarde pas.
Au Marquee, The Black Box Revelation, locaux de l'étape, ne comblent pas les espérances placées en eux. Look, énergie, jeu de guitare, poses : le duo bruxellois a toute la panoplie du parfait rocker. Mais ils donnent l'image de Black Rebel Motorcycle Club peu inspirés. Les jaillissements de guitare saturée et la batterie martelée font pourtant d'entrée leur effet, mais on perd petit à petit le fil, faute de grandes chansons. Leur set reste malgré tout un bon moment de rock & roll, un énergique cocktail blues rock aux riffs tranchants. Le batteur survitaminé secoue sa tignasse à longueur de chanson et maltraite ses fûts avec une rigueur métronomique. Ce qui ne parvient pas à palier le manque de force des compositions.
Juste le temps d'attraper une bière et un sandwich avant de se positionner devant la grande scène pour Eels. Jamais vu en concert, on attend avec impatience le groupe de l'énigmatique E. Ce dernier débarque tout de blanc vêtu, lunettes de soleil noires, bandana de corsaire dans les cheveux et barbe qui n'a rien à envier à celle de Seasick Steve. Eels semble d'ailleurs être un groupe totalitaire de la barbe : pas une seule joue visible à l'horizon. Si Eels cherche un mécène, Gillette lui semble tout indiqué. "Prizefighter", titre d'ouverture d'Hombre Lobo, est également celui du concert. Excellente introduction, mais on pressent une setlist très rock, tendance Souljacker. Cela se confirme très vite : Eels privilégie les blues écorchés comme "Hombre Lobo" à ses splendides ballades. On est en festival, cela se tient. Mais à trop vouloir durcir le ton, Eels finit par décontenancer.
Sa voix écorchée ne perd pourtant pas de sa superbe, le groupe est bon, E est très à l'aise sur scène, les titres interprétés avec fougue. Mais la setlist ne nous satisfait pas. Pas assez équilibrée. Il y a bien la charmante nouvelle mélopée "Spectacular Girl" (sur Tomorrow Morning, sortie dans les jours qui viennent) qui provoque un regain d'attention. Des fans agitent leurs panneaux sur les écrans géants : "I Like Birds !", "I Like Birds 2 !", "Me 2 !". L'appel sera-t-il entendu ? Alors qu'on n'osait plus l'espérer, E offre un "That Look You Give That Guy" d'une simplicité et d'une beauté à fendre le coeur, tout simplement le plus beau moment du festival. Le concert d'Eels valait le déplacement, ne serait-ce que pour ces quatre minutes de bonheur.
L'excitation retombe malheureusement bien vite : entre deux titres blues rock, Eels envoie un "Mr. E's Beautiful Blues" boogie-yéyé - pas mal - puis "I Like Birds" en version punk débraillée et vite expédiée. Deux façons de voir les choses : soit l'on considère qu'E revisite son répertoire en musclant son jeu, soit qu'il piétine la version originale. Après un ultime titre rageur, le groupe se retire. On attend "Novocaine For The Soul" en rappel, mais elle ne viendra pas. Snif.
C'est à présent la nouvelle génération qui débarque à Pukkelpop : la soirée s'annonce riche en sensations avec Foals, Local Natives, Hot Chip, Beach House et The XX. Ce qui frappe d'emblée avec Foals ? L'excellence de leur batteur. C'est du martèlement de haute volée, le battement est épileptique. Enchaînant crescendos menés tambour battant, envolées aériennes, pulsations frénétiques et passages vaporeux, Foals dévoile l'étendue de sa panoplie. Les jeunes anglais sont clairement très doués, mais il nous manque toujours l'essentiel : l'émotion. On apprécie davantage leur récent Total Life Forever que l'indigeste Antidotes, mais l'ensemble manque encore de substance. On en ressort une nouvelle fois pas convaincu malgré l'indiscutable maestria du groupe. La fosse, elle, est au bord de l'extase.
Les américains de Local Natives, moustachus à 60%, donnent un concert réussi au Club. Les fans énamourés du chanteur et de ses bacchantes à la Freddie Mercury tiennent leurs pancartes à bout de bras. Leur musique tortueuse alterne harmonies vocales à quatre, moments apaisés et passages rock. C'est certes moins impressionnant rythmiquement que Foals, mais tout de même assez recherché. Le cocktail proposé est abouti sans être toutefois mirifique. On retiendra surtout la très belle et originale "Airplanes", sur laquelle les Local Natives montrent un vrai savoir-faire mélodique.
On profite de la venue sur la grande scène de Limp Bizkit pour faire un tour rapide au camping. Confirmation de ce que l'on supposait jusqu'ici : à toute heure du jour et de la nuit, il y a autant de monde ici qu'au festival. Il y en a, aussi, du monde, pour voir Hot Chip au Dance Hall. Les anglais n'ont pas leur pareil pour mélanger électro et pop, pour insérer une dose d'humanité et de chaleur dans les sonorités froides des machines. La voix de cristal d'Alexis Taylor y est pour beaucoup, mais plus les albums passent plus leur sens des harmonies se fait entendre. C'est le cas sur le dernier One Life Stand. Les puristes crient sûrement au scandale. Pour notre part, nous nous réjouissons de compter un groupe qui parvient à faire rimer électro et émotion.
Hot Chip, ou comment faire danser en parlant au coeur. Sacré challenge, mais ils s'en sortent très bien. Tendance qui se confirme une nouvelle fois : en 45 minutes, les concerts tournent le plus souvent en de véritables contre-la-montre qui voient les artistes enchaîner les titres sans répit. Le concert est une succession de tubes certifiés : "And I Was A Boy From School", "One Life Stand", "Over & Over", "Hand Me Down Your Love", et un "Ready For The Floor" irrésistible en clôture. L'air de rien, Hot Chip vient d'accomplir l'un des concerts les plus solides vus ces deux premiers jours. Cerise sur le gâteau : Alexis Taylor, pour une fois, n'est pas déguisé en geek attardé. On regrette juste que l'ambiance n'ait été plus survoltée (on garde un souvenir ému de leur passage à Benicassim en 2008 devant une horde de fans anglais furieux et incollables).
Impossible d'accéder au chapiteau où se produit The Tallest Man On Earth, la copie la plus crédible de Dylan en 2010. On prête brièvement attention à la musique délicate et intimiste de The Prodigy avant d'aller écouter Beach House. Ces derniers jouent une musique souvent très belle ("Silver Soul", "Used To Be", "Better Times"), voire magnifique ("Zebra") mais dont la lenteur est le principal défaut. Surtout quand la chanteuse se lance dans une incompréhensible danse des cheveux derrière son clavier.
La grande interrogation de la soirée : que donnent The XX en concert ? On a beau être séduit par l'album, on reste sceptique quant à la transcription live. A raison : une fois passés "Intro" et "Crystalised", superbes titres d'ouverture à mi-chemin entre tension et délicatesse, l'effet de surprise s'estompe. La beauté des chansons ("Basic Space", "Islands", "Infinity", "Night Time") et les refrains accrocheurs ne parviennent pas à compenser le manque d'envergure des voix, les guitares timides et le jeu de scène restreint. Les XX réussissent tout de même l'exploit de faire danser la fosse avec leurs chansons éthérées et sombres.
Après une partie de dancefloor vitaminée par Digitalism, on tombe sur une troupe de flamands marrants et visiblement désireux de converser en français. On comprend très vite que la rivalité wallons / flamands n'est pas sujet à plaisanterie. Puis, arès échange de banalités du type choucroute/frites, "Sarkozy pas bien" et une leçon de flamand marrante (allez dire "Voulez-vous coucher avec moi ce soir ?" en flamand, et on en reparle), on parvient à glaner une information de la plus haute importance : "En Belgique, il faut venir en juin, en juillet et en août. Après, il pleut." On en prend bonne note, puis on tourne les talons en direction du camping et de notre duvet.
Lire également la chronique du festival sur Froggy's Delight.
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