Ce n'est pas faute d'avoir cherché, mais entre le périph' avoisinant et les rangées de bâtiments grisâtres, difficile de trouver un quelconque attrait aux environs de la Porte de la Villette. Ce coin guère accueillant était pourtant "Ze place to be" ce vendredi soir. Profitant des beaux jours, le Glazart fait sa mue estivale et s'offre une sablonneuse scène extérieure où se succèdent tout l'été de très beaux noms. Deux jours après la funk acidifiée de George Clinton et son Parliament/Funkadelic, c'est Roy Ayers, l'homme le plus samplé au monde qui vient déverser son funk-jazz sensuel.
A 69 ans, Roy Ayers jouit d'une aura d'artiste culte. Ce qui signifie parfois stades remplis et hordes de fans enragés, mais plus souvent "musique réservée à un petit cercle de fidèles admirateurs". C'est le cas pour le pape du vibraphone qui, au vu du public clairsemé, n'a pas déplacé les foules ce soir. Quelques petits malins se sont mêmes placés sur la colline surplombant l'enceinte pour jouir gratuitement du spectacle.
Sur scène, un clavier (Rolland), un bassiste, un batteur blanc (et anglais), un percussionniste nigérian, un choriste/chauffeur de salle à béret et sandales Adidas et un saxo/clavier (Korg) composent le backing band. Roy, en devant de scène, dirige les opérations. Vêtu d'une très saillante combinaison costard-bonnet-chaîne en or-lunettes en plastique jaune et rouge, il jongle entre vibraphone et chant.
Après deux titres langoureux qui donnent sérieusement envie de copuler avec son prochain, le groupe balance une tuerie funk qui voit le parterre se trémousser sur le sable. Visiblement d'excellente humeur, Roy se lance avec son choriste dans un désopilant jeu d'onomatopées. Le public, amusé, s'incruste dans le jeu à la grande joie du chanteur alors que le choriste feint d'être vexé. Après un ultime refrain repris en coeur par les spectateurs ("My Wy" de Sinatra), retour aux affaire sérieuses.
Impassible en fond de scène, un improbable cow-boy noir tout droit sorti de Shaft scrute les moindres faits et gestes du groupe. Le manager, sans doute. Pendant ce temps, Roy Ayers alterne habilement entre parties de vibraphone inspirées, chant et moments où il laisse son groupe déployer son groove irrésistible. Le saxo amuse la galerie puis finit couché après un solo énergique.
Alors que ça s'embrasse avec la langue à notre gauche sous les derniers rayons du soleil couchant, le maître de cérémonie s'improvise juke-box. Il demande au public les titres qu'il désire entendre. S'en suit un prévisible brouhaha qui semble fort l'amuser. N'entendant rien, il décide que ce sera "Baby You Got It", sur laquelle le choriste y va de son solo en voix de fausset. La suite n'est qu'une pluie de standards : "Searchin", "Can't You See Me", "No Stranger To Love", et bien entendu "Everybody Loves The Sunshine".
Après 1h30 de show, Roy Ayers quitte la scène, non sans difficulté. Malgré les efforts du public, on sent que c'est râpé pour le rappel. Confirmation de l'organisation après quelques minutes : "désolé, mais c'est fini pour ce soir... soyez indulgent... 69 ans... 1h30 de show c'est déjà pas mal". On se contentera donc de ces très bonnes 1h30.
Vendant T-Shirts et disques à la sortie du concert, acceptant avec générosité de poser pour des photos, Roy Ayers est l'exemple même de l'injustice commerciale. Comme il l'a dit un peu plus tôt sur scène, "il est très difficile de trouver (ses) CD, vu que les maisons de disques ne sortent plus que les albums de Beyoncé". Hilarant ou triste, c'est selon. Cruelle vérité quoi qu'il en soit.
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