lundi 2 février 2009

Eagles Of Death Metal "Heart On"


Les moustaches, la bière, les tatouages, le mauvais goût, les virées nocturnes entre potes, c’est pas votre truc ? Passez votre chemin. Car s’il y a bien des domaines où le dénommé Jesse “The Devil” Hughes – leader et chanteur des Eagles Of Death Metal – s’y connaît fort bien, ce sont ceux-là.
Mais cela reste un peut réducteur pour cerner complètement le personnage. C’est que l’énergumène a une personnalité quelque peu atypique, voire encombrante : fervent cocaïnomane, profondément mégalomane, fidèle croyant mais obsédé sexuel et pornographe notoire, activiste républicain, anti-Obama convaincu, membre de longue date de la NRA (lobby pro-armes américain extrêmement puissant),… De là à dire que Jesse Hughes est un gros con, il n’y a qu’un pas, certes, mais… Mais “Heart On” est si excitant et réveille en nous quelque chose de si rare (une énergie rock primale, la vraie, la bonne, celle qui fait bouger les fesses et secouer la tête sans calcul, sans retenue, sans comprendre vraiment ce qui nous arrive) qu’à vrai dire, tout ça, on s’en tamponne un peu…

Comment les Eagles Of Death Metal en sont-ils arrivés là ? Car, il faut bien l’avouer, malgré la présence du surdoué Josh Homme, rien ou presque ne laissait présager qu’ils évolueraient un jour à ce niveau. Après un 1er album assez brouillon (“Peace, Love, Death Metal”, 2004), un 2ème sympa mais pas transcendant (“Death By Sexy”, 2006), et à l’image de leur faiblarde 1ère partie des Strokes au Zénith en 2006, on les croyait condamnés à évoluer à jamais dans l’ombre, dans une sorte de 2ème division du Rock. Oui, mais voilà : de la même façon que le fantastique “Midnight Boom” des Kills ou le “Baby 81” des Black Rebel Motorcycle Club (groupe aussi doué que son nom est débile) nous avaient cloués sur place après plusieurs albums inégaux, leur “Heart On” nous laisse pantois, sans voix. C’était inattendu et ça n’en est que meilleur.
Pour faire court : la moitié de l’album est globalement extraordinaire avec, en tête, ce “Wannabe in LA”, chanson comme on n’en n’a plus entendu depuis des lustres : il faudrait remonter à l’époque où les Strokes ne pointaient pas aux abonnés absents pour retrouver un single de cette envergure. On pense aussi au “No One Knows” des Queens Of The Stone Age, par ailleurs concurrents directs d’Eagles Of Death Metal pour le titre du nom de groupe le plus stupide de la planète… Du reste, ce n’est peut-être pas un hasard car leur leader n’est autre que Josh Homme, lequel s’avère être l’ami d’enfance de Jesse Hughes, mais surtout le co-fondateur, producteur et homme à tout faire des Eagles Of Death Metal, auxquels il se consacre à 100% lorsque les Queens Of The Stone Age lui laissent des vacances.

Ce qui nous frappe spontanément à l’écoute de l’album, c’est l’omniprésence de l’influence des Rolling Stones : on imagine aisément les deux compères écouter “Sticky Fingers” en boucle pendant l’enregistrement. Il faut dire qu’à certains moments, on a franchement l’impression que Mick Jagger et Keith Richards ont été invités sur le disque (tout particulièrement sur le solo de “Prissy Prancin' ”, le chant de “Solo Flights” ou bien les riffs de “Heart On” et “How Can A Man With So Many Friends Feel So Alone”).
Mais si “Heart On” est donc un album profondément « Stonien » dans l’âme, il n’en demeure pas moins que le groupe possède un son et une atmosphère reconnaissables entre tous : ce mélange de guitare heavy, de voix de fausset aux accents funky, de riffs excitants, de martèlement de batterie,… Ne crions pas au génie : les Eagles Of Death Metal n’inventent rien mais, dans la droite lignée des prodigieux Hives, ils recyclent 60 ans de musique rock avec un brio peu commun et un plaisir contagieux. On sent que les deux J.H. prennent un pied incroyable à jouer ces chansons, et cet enthousiasme est plus que partagé par l’auditeur.

D’emblée, “Anything 'cept The Truth ” annonce la couleur : le titre est féroce, carré, puissant, les guitares lourdes et saturées. Le message est clair : nous allons assister à un déluge de guitares. “Wannabe in LA”, sommet de l’album dont on ne parvient pas à se lasser, même après la 128ème écoute, réveillerait un mort et ferait remuer les fesses d’un mormon. Comme souvent chez les Eagles Of Death Metal, la chanson tient à un fil, un enchaînement de 3-4 accords composant un riff énorme et dansant à souhait, magistralement accompagné par la batterie de Josh Homme. “(I Used To Couldn’t Dance) Tight Pans” et “High Voltage”, qui viennent juste après, sont révélateurs des faiblesses (car il y en a) qui caractérisent le groupe. En effet, si Jesse Hughes est passé maître dans l’art de concocter des cocottes, gimmicks et autres riffs surpuissants, les mélodies manquent encore trop d’épaisseur pour convaincre complètement (pour preuve ce “Now I’m A Fool”, tentative à moitié réussie de ballade pop). Là réside à vrai dire le seul vrai défaut de ce remarquable 3ème album, qui repart ensuite de plus belle : “Secret Plans” et “Heart On” sont du même acabit que “Wannabe in LA”. Sur “Cheap Thrills”, le groupe laisse parler sa puissance avec des guitares crasseuses, pendant que la voix de Jesse Hughes plane au dessus de ce magma sonore en fusion.
L’album s’achève par un bouquet final : “How Can A Man With So Many Friends Feel So Alone”, “Solo Flights”, l’immense “Prissy Prancin' ” et “I’m Your Torpedo” viennent enfoncer le clou et rappeler, si besoin est, qu’avec leur nouvel opus, les deux américains viennent de placer la barre haut, très haut. Ils parviennent ici à conjuguer deux aspirations essentielles (total fun et énergie rock pure et dure), et signent un album excitant comme on en trouve trop rarement. L’année débute à peine, et nous tenons déjà entre nos mains un petit chef d’œuvre.


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