dimanche 22 août 2010

Pukkelpop J1 : "Packt Like Sardines In A Crushed Tin Box" (19 Août 2010)

Rock En Seine, Solidays, Eurockéennes, Vieilles Charrues,... Après avoir fait le tour des principaux festivals hexagonaux, l'envie nous prend de changer d'air. La curiosité nous pousse à faire nos valises et à aller voir ce qui se fait chez nos voisins question gros raout estival. Après l'Espagne voilà deux ans (Benicassim), c'est au plat pays que nous nous rendons pour 3 Jours de rock, de camping et (surtout) de bière.

Pukkelpop - puisque c'est de cela dont il s'agit - fête cette année ses 25 ans parmi l'élite des festivals européens. Basé depuis 1991 à Kiewit, petite bourgade proche de Hasselt et de la frontière néerlandaise, le festival a accueilli en un quart de siècle le gotha du rock mondial. Pour ne citer qu'eux, Radiohead, Nirvana, Neil Young, Sonic Youth, The Jesus & Mary Chain, Ramones, Nick Cave & The Bad Seeds, Pixies, Iggy Pop (avec et sans ses Stooges), Rage Against The Machine, The Smashing Pumpkins, Red Hot Chilli Peppers, Beck, Metallica, Queens Of The Stone Age, PJ Harvey, Portishead, Elliott Smith, Coldplay, Muse, Guns N' Roses, Interpol, Arcade Fire, Franz Ferdinand, Arctic Monkeys, Daft Punk, Massive Attack,...

Tous ces grands noms ont un jour ou l'autre foulé le pré belge de Pukkelpop. Certains groupes programmés cette année sont même des habitués : The Flaming Lips, Jónsi (avec Sigur Rós) et Black Rebel Motorcycle Club avaient déjà joué une fois à Pukkelpop. Eels y retourne pour la troisième fois, Queens Of The Stone Age et The Prodigy la quatrième. Quant à Placebo, ils semblent avoir fait de Pukkelpop leur résidence secondaire : ils y donneront cette année leur sixième prestation (!).

Après quatre heures à avaler l'asphalte franco-belge, Kiewit pointe enfin le bout de son nez. Et là, stupéfaction : que de monde ! Du jamais vu. On a beau être la veille du festival à minuit passé, les abords du site fourmillent de festivaliers. Certains semblent avoir entamé les hostilités éthyliques depuis un petit moment. L'herbe a déjà bien souffert : on suppute que certains spectateurs sont arrivés depuis plusieurs jours. Une fois les formalités accomplies (parking, bracelet du festival) nous regagnons le monstrueux camping : un immense champ de près d'un kilomètre de long où les nouveaux arrivants se livrent à une véritable foire d'empoigne afin de dénicher leur emplacement. Il est près de 3 heures du matin lorsque, coincé entre l'énorme barnum quinze places installé par notre peu conciliant voisin belge et une inéluctable promiscuité avec des dizaines de tentes Quechua, les préparatifs se terminent enfin. Le festival peut commencer : "Now I'm Ready To Start", pour reprendre l'hymne de la bande de Win Butler (notre tube de l'été à nous).

Lève-tôt, couche-tard, il y en a pour tous les goûts à Pukkelpop : premier concert à 11H20, extinction définitive des enceintes à 4h du matin. Ce qui laisse une bonne marge pour ingurgiter sa dose quotidienne de Rock. Pour notre part, on vérifiera tout au long de ces trois jours que musical ne rime pas forcément avec matinal. C'est donc à 14h00 que nous commençons notre première journée par le concert des australiens Tame Impala. Chanteur pieds nus et exhibant un bandeau dans ses (longs) cheveux : ces petits nouveaux présentent tout l'attirail du parfait groupe hippie. Calmes et concentrés, leur musique laisse deviner une écoute assidue de - au hasard - MGMT (Tampe Impala a assuré des premières parties pour la tournée américaine des New-Yorkais). Leur pop psychédélique tortueuse et acidulée s'avère une belle entrée en matière, même si l'ensemble manque de mordant.

Passant d'un chapiteau à un autre, place à Lonelady. L'anglaise (de Manchester, plus précisément) propose un set aride et tendu qui ne passionne guère. Flanquée d'un batteur et d'un préposé aux bidouillages électro et autres claviers, la chanteuse montre pourtant de belles choses vocalement. Mais cela manque trop d'émotion et on décroche assez vite. On en profite pour se faufiler jusqu'à la grande scène juste avant l'arrivée de Seasick Steve. Allergiques au blues, passez votre chemin. Après tant de froideur, nous y trouvons largement notre compte. Affichant une barbichette de trois mois, un débardeur jaune doublé d'une une casquette verte, et accompagné d'un batteur encore plus distingué, l'américain velu va à l'essentiel. Même si la formule présente des limites, son blues près de l'os joué avec ferveur fait plaisir à entendre.

Ignorant sans scrupule les anglais de The Kooks, c'est à bras ouverts que l'on accueille Black Rebel Motorcycle Club sur la scène Marquee. Malgré un dernier album pas précisément enthousiasmant (Beat The Devil's Tattoo), les américains restent ce qui se fait de mieux actuellement au royaume du blues-rock torturé (et saturé). La set-list se concentre sur Beat The Devil's Tattoo, tout en ayant la bonne idée de n'en jouer que les meilleurs titres : "Bad Blood" (qui rappelle avec bonheur Baby 81, meilleur disque du trio à ce jour), la lancinante chanson-titre "Beat The Devil's Tattoo", et surtout l'explosive "Conscience Killer" qui provoque moult remous dans une fosse plutôt mollassonne jusqu'ici. Les deux guitaristes/chanteurs (Peter Hayes et Robert Turner), accompagnés d'une main de fer par la nouvelle venue Leah Shapiro à la batterie, sonnent comme s'ils étaient six sur scène. Propulsé vers le haut par les classiques que sont désormais "Stop", la rustique "Ain't No Easy Way", la musclée "Berlin", "Weapon Of Choice" (jouée tête dans le guidon), "Spread Your Love" et "Whatever Happened To My Rock & Roll" (qui conclut le show par un déluge de guitares hurlantes), le show des Black Rebel Motorcycle Club lance le festival sur d'excellents rails.

Après tant de noirceur vénéneuse, on en a oublié qu'il fait encore grand jour dehors. Et beau. Et chaud. Place maintenant au duel des "Band" : Band Of Skulls Vs Band Of Horses. Le Rock Band du festival, en quelque sorte. C'est Band Of Skulls qui monte le premier sur les planches, devant un parterre à bloc, qui connaît les paroles par coeur. Après les BRMC, on reste en terrain connu : riffs bien sentis et lourds, solos de guitare appuyés. Le point commun entre le batteur barbu, la bassiste au look de Jonny Ramone et le chanteur blond (et barbu) ? Les cheveux longs. Mis à part ça, les canadiens sonnent comme les Raconteurs ("Death By Diamonds And Pearls") quand ils ne lorgnent pas vers Franz Ferdinand ("I Know What I Am"). Ils proposent un cocktail rock sympathique à défaut d'être vraiment original.

Devant une assemblée plus conséquente, les Band Of Horses se montrent un cran au-dessus. Leur sunshine pop à haute teneur mélodique fait des étincelles malgré une sono pas vraiment à la hauteur. La musique des américains évoque successivement My Morning Jacket, Wilco, Fleet Foxes ou encore The Shins. Pas exactement des tâcherons, donc. Band Of Horses, c'est encore une histoire de poils : chanteur moustachu, clavier et guitariste barbu. Derrière les cinq musiciens, un diaporama épileptique retrace la vie du groupe pendant la tournée. Beaux refrains, harmonies pas piquées des hannetons : les Band Of Horses ont une classe de plus que le groupe rock lambda. Leurs titres proposent de belles envolées, mais on préfère lorsque le tempo ralentit et que la chanson se fait plus subtile. Le chant reste un peu trop uniforme, dommage. Après un dernier titre brillant, les américains se retirent. On reste sur notre faim : 45 minutes, c'est un peu court, mais telle est la dure loi des festivals.

La venue de Blink 182 sur la grande scène a au moins un avantage : prendre encore plus mesure de la qualité de la prestation de Band Of Horses. Concernant le show des punks à paillettes américains, tout est question de virgule. En ce qui nous concerne, elle se place après le 1. Variante : 182, comme la distance du périmètre de sécurité autour de la grande scène. Pour être totalement franc, c'est carré, rodé, costaud. Pas l'once d'un brin de subtilité à l'horizon. Entre deux morceaux pour skatteurs attardés, le chanteur nous sert des "holy fuck !" et des "holy shit !" du meilleur goût. Autant dire que ce n'est pas du tout notre truc. Force est d'avouer pourtant que la foule en redemande.

On est autrement plus dans notre élément avec Girls, un de nos coups de coeur 2009 qui, juste après blinque ouane hey titou, redore le blason de la Californie. Les cinq musiciens (guitare/chant, seconde guitare, basse, clavier, batterie) enchaînent les titres sans temps mort. Les pépites pop défilent devant nos oreilles. On adhère, même si les versions manquent d'envergure et la voix trop maniérée agace par moments. On retiendra notamment la splendide "Laura", l'intense "Hellhole Ratrace" et son émouvant refrain ("I don't wanna cry my whole life through / I wanna do some laughing too") et un "God Damn" autrement plus rageur que sur disque. Le show se termine sur "Morning Light", titre puissant et psychédélique, noyé sous des strates de réverb.

Place désormais à la grande messe Hard Rock du festival : les vétérans britanniques d'Iron Maiden investissent la grande scène pour deux heures d'un énorme show métalo-SF. Peu étonnant vu le nombre impressionnant de T-Shirt (hideux) estampillés Iron Maiden croisés sur notre chemin aujourd'hui : une horde de fans a pris d'assaut la scène. Poings brandis, paroles vociférées, tête balancée en rythme. Le décor fait dans la démesure et le show dans le grand-guignolesque, notamment lorsqu'un alien s'invite à la fête (clin d'oeil appuyé à leur tout récent album The Final Frontier). Rock & Roll jusqu'au bout des ongles, Iron Maiden assume le caractère outrancier du spectacle : solos à n'en plus finir, chanteur parcourant des kilomètres sur les décors surélevés, poses de guitaristes avec manches à 90° et tentatives de grand écart contrariées par un slim peu extensible. Qu'on apprécie ou pas, on ne peut nier que les anglais assurent comme des bêtes. Gros riffs qui tâchent, chanteur à la hauteur niveau voix : on est captivé malgré nous (et malgré quelques longueurs).

Le moment est venu d'évoquer le gros point noir de la soirée : Placebo. Pendant cinq ans - de Without You I'm Nothing (le second album, 1998) à Sleeping With Ghosts (quatrième livraison du trio, 2003) -, on a aimé et défendu la bande de Brian Molko malgré des boursouflures gagnant un peu plus de terrain à chaque fois. Porté par une poignée de singles épatants, Placebo faisait partie des groupes qui compte. De l'eau a coulé sous les ponts, un Steve en a remplacé un autre derrière les fûts, et ce n'est pas Meds (2006) ni encore moins le pénible Battle For The Sun, sorti l'année dernière, qui changeront la donne : Placebo n'excite plus grand monde aujourd'hui.

La foule immense venue entendre leurs tubes en aura pour ses frais : mis à part "Nancy Boy", servie d'entrée, "Soulmates" - pas franchement leur plus grande réussite -, "Special Needs", un "Every You, Every Me" bâclé, la semi réussie "Meds", la reprise facile d'"All Apologies" (Nirvana) et l'agaçante "Song To Say Goodbye", on se farcit essentiellement le dernier album du groupe. Après une heure de show, "The Bitter End" parvient enfin à faire bouger une foule dans l'expectative. Pas de cris ni d'applaudissement pour le rappel. Le groupe revient pour quatre titres dont on retiendra un "Infra-Red" efficace et surtout un "Taste In Men" rappelant les moments d'éclats dont ils étaient capables à l'époque. Brian Molko, coincé sous son bonnet et derrière ses lunettes, ressemble à un petit lutin mal dans sa peau. Sa voix particulière nous donne aujourd'hui des boutons. Sept ans ont passé depuis Sleeping With Ghosts, la ferveur s'est évaporée, mais Brian Molko continue d'y croire. C'est tout le mal qu'on lui souhaite, mais ce n'est pas gagné.

Sans transition, on file voir les Flaming Lips sous l'immense halle Marquee, où l'effervescence règne : derrière des dizaines de ballons géants flottants puis rebondissant sur le public, on parvient à apercevoir sur scène un ours géant, une chorale yé-yé en mini-jupe orange en bords de scène et un Wayne Coyne sautillant. A l'image d'Of Montreal, on assiste à une performance plus qu'à un concert. Du grand n'importe quoi mis en scène et joué avec un enthousiasme à toute épreuve. OK, mais la musique dans tout ça ? Un gloubiboulga acidulé qui ravit sans doute les tenants du tout psychédélique mais finit par écoeurer. Dommage, car dans ses moments les plus posés, les chansons de Wayne Coyne peuvent s'avérer splendides ("Do You Realize ??", pour ne citer qu'elle).

On en profite pour aller voir ce que nous concocte Fat Freddy's Drop sous le petit chapiteau du Club. Les néo-zélandais surprennent agréablement et s'imposent même comme la bonne surprise d'une première journée en demi-teinte. Leur reggae électro teinté de soul (3 cuivres sur scène et la voix douce de Dallas Tamaira), d'une coolitude absolue, fait mouche.

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