vendredi 21 janvier 2011

Keren Ann "101" (écoute de l'album, chambre 101 de l'hôtel Intercontinental)

Un matin, cette semaine, au volant. Le poste branché sur Radio Nova. Une rengaine obsédante au clavier, une basse ronde et agile, une batterie discrète et efficace, une voix aérienne et cristalline (on pense un instant à Brisa Roché), une chanson à haute teneur mélodique. Sans sucre ajouté. L'oreille est immédiatement attirée. Qui donc est cette chanteuse au timbre éthéré et à la voix légèrement fêlée ?

Paris, Jeudi 20 Janvier, Avenue Marceau. Journée promo pour l'équipe d'EMI, qui fait écouter en avant-première le nouvel album de Keren Ann dans la chambre 101 de l'Hôtel Intercontinental. 101, comme le nom du nouvel album de la dame, qui sortira le 28 février prochain. Une fois confortablement installé, verre de vin rempli et paroles placées sous nos yeux, le préposé à la chaîne hi-fi appuie sur "play". Et là, surprise : sort des enceintes la chanson entendue sur Radio Nova. C'était donc Keren Ann.

On comprend notre étonnement à l'écoute de l'album : oublié le folk rêche du précédent disque éponyme (2007), et encore plus les sympathiques chansons en français des débuts. 101 est un album tout en rondeurs, où un consistant travail d'arrangements perce dès la première écoute (Julien Delfaud, le producteur, et Albin De La Simone, l'homme de l'ombre, ont fait un sacré boulot). Le noyau dur reste identique (mélancolie de tous les instants, mélodies raffinées, chant délicat, textes touchants), mais les titres se parent d'atours résolument pop. Comme si Keren Ann concrétisait enfin ce qu'elle avait entamé avec "Sailor & Widow" en 2004.

D'emblée, deux ritournelles font pétiller les synapses : "My Name Is Trouble", titre d'ouverture précédemment évoqué et "Sugar Mama". Une certitude : on reparlera de ces chansons. Mieux, on s'en souviendra. Ces deux titres sont d'une évidence pop imparable.

L'atmosphère se fait brumeuse sur "Run With You", chanson crépusculaire où planent des voix d'anges. C'est splendide. Spleen chevillé au corps, Keren Ann ne fait pas défaut à sa réputation de mélodiste hors pair. "All The Beautiful Girls", dont les textes se laissent aller au name droping, est plus convenue.

Tout l'inverse de "Sugar Mama" qui, portée par un brillant riff de basse et des accents surf pop, est le rayon de soleil du disque. Un tube instantané. She & Him, April March ou encore The Birds & The Bees sont ici convoqués. Sur "Blood On My Hands", on croirait même entendre Zooey Deschanel entonner le refrain.

"She Won't Trade It For Nothing" - aux arpèges de guitare plus conventionnels -, la lancinante "You Were On Fire" - qui décolle sur le refrain (arrangements une nouvelle fois remarquables) - et la sombre "Strange Weather" - jolie mais un tantinet monotone - ne renversent pas des montagnes mais montrent tout le savoir-faire de la dame.

"Song From A Tour Bus", nébuleuse complainte où Keren Ann se retrouve en manque d'amour ("heart is empty", se désespère-t-elle), fait irrémédiablement penser au "Asleep From Day" des Chemical Brothers. Enfin, la chanson "101" clôt le disque par un déroutant compte à rebours métaphysique égrené d'une voix impassible. Le tout sur un instrumental qu'Air période 10 000 Hz n'aurait pas renié.

Bilan : le Keren Ann 2011 est un très bon cru. Un signe qui ne trompe pas : en ressortant de l’hôtel, on chantonne en boucle l'air de "My Name Is Trouble". On n'arrivera pas à se la sortir de la tête les trois jours suivants.



Découvrez la playlist Keren Ann "101"

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