C'était décidément une mauvaise idée que de vouloir venir en voiture à Paris ce vendredi soir. Après d'inombrables minutes passées dans les bouchons, suivies d'un rallye nocturne sur le périph' et dans les rues de Paris, et au bout d'un sprint interminable sur le trottoir du Boulevard Voltaire, j'arrive enfin à destination. Il était moins une : à peine le temps pour moi d'esquisser un pitoyable sourire à l'ouvreuse à qui je viens d'avouer ne pas avoir de monnaie, de mettre fin au supplice que m'inflige ma vessie et de regagner mon siège que le concert commence. Il semblerait que je n'ai pas raté grand chose pour ce qui est de la 1ère partie (dont s'est chargée l'artiste islandais Lay Low), plutôt ennuyeuse me souffle-t-on.
En guise de décor (assez minimliste), les lampes à abat-jour disposées sur scène contribuent à une ambiance très rétro dans laquelle la robe rouge très années 50 d'Emiliana se fond parfaitement. Elle se présente devant nous telle qu'on l'imaginait : petit lutin facétieux autant que petit papillon fragile. Des les premiers titres, sa voix reconnaissable entre toutes accapare l'attention du public du Bataclan (il faut dire que l'Islandaise possède un organe vocal très expressif, chargé d'émotion et délicieusement enfantin) – lequel demeure bien sage. Mais force est d'avouer que l'ambiance tamisée du concert ainsi que la disposition de la salle (sièges assis) se prêtent peu à tout débordement d'enthousiasme.
Tout au long de la soirée, son dernier album (l'excellent "Me And Armini") sera interprété dans son intégralité, à commencer par "Fireheads", qui ouvre le bal. Suivront la très pop "Heard It All Before" (une des chansons la plus produite du disque et parfaitement retranscrite en live), la minimaliste "Hold Heart" où sa voix, mise en avant comme rarement, exprime toute la mélancolie du monde, la sautillante "Me And Armini", la magnifique et magique "Birds", qui fait frissonner d'émotion la salle, "Ha Ha" et sa mélodie lancinante. Puis vient ma préférée : l'excellente "Big Jumps", petit rayon de soleil de trois minutes, remède immédiat à tout coup de blues. Elle est suivie du single déjanté "Jungle Drum", qui fait enfin réagir le public. La chanteuse puise également dans ses deux précédents albums (surtout "Fisherman's Woman", sorti en 2005) pour compléter la set-list.
Alors que de toute évidence, nous passons une soirée agréable, pourquoi n'arrive-t-on pas à se défaire de l'idée que tout cela est finalement un tantinet décevant ? Tout simplement parce qu'il manque clairement ce grain de folie, ce surplus de charisme qui ferait prendre aux chansons une autre dimension et nous ferait chavirer.
En effet, s'il n'est pas courant de posséder à la fois une si belle voix et de si bonnes chansons, si Emiliana est tour à tour attachante, amusante, charmante et touchante, si elle sait utiliser à son avantage humour et autodérision, elle semble gênée, peu à l'aise, elle n'arrive pas à se libérer complètement, à se lâcher, et à aucun moment on ne s'emballe vraiment. Les chansons s'enchaînent les unes à la suite des autres sans réelle surprise, et on ne peut une nouvelle fois s'empêcher de penser que ça manque cruellement de folie. Sur chaque morceau, elle reste imperturbable, concentrée dans sa chanson, se balançant d’une jambe sur l’autre au rythme des chansons. On a pu observer avec Alela Diane qu'un jeu scénique minimaliste et introverti mais habité pouvait suffire à subjuguer une salle entière, mais là, la mayonnaise ne prend pas vraiment.
Du coup on s'amuse à dévisager les membres du groupe (qui, soit dit en passant, retranscit à la perfection les chansons de l'islandaise) et on se surprend à leur trouver des ressemblances plutôt cocasses : un sosie de Francis Lallane à la guitare, un clavier à mi-chemin entre le Dr Jacoby de Twin Peaks et Danger Mouse (Gnarls Barkley), un cow-boy à la batterie et pour finir, un Rivers Cuomo (Weezer) à la guitare et à la basse.
Au final ce fut une soirée fort sympathique, mais on ne peut s'empêcher de se dire que pour une fois, l'album se suffisait peut-être à lui-même.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire