Si l'écoute de ce disque vous donne des airs de déjà vu, c'est que Julian Plenti n'est autre que le pseudonyme utilisé par Paul Banks - chanteur d'Interpol - pour son premier album solo. A l'image de Thom Yorke et de son Eraser, et comme 80% des Strokes (dernier en date, et pas des moindres : Julian Casablancas, dont l'album solo Phrazes For The Young sortira prochainement), Julian Plenti is... Skyscraper ressemble fort à une évasion solitaire à mission salutaire. Traduction : "prenons temporairement le large afin d'éviter l'implosion".
Il est fort à parier que la génèse de ce disque trouve sa source dans les soubresauts qui animent régulièrement la vie interne d'Interpol, groupe qu'on annonce régulièrement au bord de la rupture. Les albums solo sont l'occasion pour un chanteur, libéré des contraintes et des concessions de son groupe, de laisser libre cours à son inspiration et à ses obsessions. C'est humain, mais il est rare que cela donne de grands albums. Ils permettent souvent de vérifier l'adage selon lequel on est toujours plus fort à plusieurs que tout seul. Dans un groupe, chacun a son opinion, et les inévitables prises de bec sont la plupart du temps productives musicalement parlant. Pas nécessairement bénéfiques aux relations entre les musiciens, il est vrai. Mais ces divergences permettent avant tout d'éviter la crise de mégalomanie galopante qui menace tout leader de formation rock (Axl Rose, si tu m'entends...).
Ainsi, Julian Plenti is... Skyscraper ne déroge pas à la règle, mais offre davantage qu'une honnête compilation de Faces B d'Interpol. Certes, mis à part la fragile et émouvante "No Chance Survival", parcourue par des arpèges de guitare aériens, rien d'exceptionnel à se mettre sous la dent. Rien de comparable non plus à Antics (le chef d'oeuvre du groupe New-Yorkais), si ce n'est l'explosive "Games For Days", chanson qui se rapproche le plus de l'univers du groupe. Et pourtant, cet album mérite que l'on s'y attarde et qu'on tende l'oreille d'un peu plus près.
La nouveauté, c'est l'air frais qui souffle dans les compositions de Paul Banks. Elles respirent et laissent place à de nouvelles sonorités (arragements de cordes, guitares acoustiques, plans de synthé discrets, touches délicates de piano). Il se permet même une chanson gaie ("Unwind"). On rassure les fans : l'ensemble reste tout de même sombre et mélancolique, on ne se refait pas. Mais Paul Banks arrive enfin à se détacher de ses sempiternelles influences (Joy Division) et ouvre peut-être une nouvelle voie pour son groupe, plus délicate et diversifiée.
Il faut donc prendre Julian Plenti is... Skyscraper pour ce qu'il est : un disque très agréable à écouter, le témoignage sincère d'un songwriter crédible qui se sent à l'étroit dans les costumes noirs de son groupe. C'est en tout cas autrement plus intéressant que le premier album solo de Jason Lytle, qui semble avoir bien du mal à se remettre du split de ses Grandaddy. Si vous êtes convaincu par le disque, vous pourrez tenter l'aventure en live le 13 décembre prochain à l'Alhambra.
Lire également la critique de l'album sur Froggy's Delight.
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