Car Raphael Saadiq, s'il n'est sans doute pas destiné au mannequinat, dégage une classe folle, un charisme évident. Il se démarque de la meute par son côté sensible, voire légèrement efféminé qui jure avec le bling-bling, les gros pecs et le machisme ambiant prisés habituellement dans le milieu R&B. Il respire l'amour de la musique, se dépense sans compter et prend du plaisir à nous en donner. Curieusement, on lui donnerait 15 ans de moins que son âge (il a 43 ans), ce qui ne l'empêche pas de bouger admirablement bien sur scène – même si certains pas de danse orchestrés avec ses choristes sont un poil trop stéréotypées – et d'offrir au regard admiratif du public son swing sensuel.
Si son dernier bijou d'album lui a conféré une notoriété nouvelle auprès du grand public, la carrière de Raphael Saadiq ne se résume pas – loin de là – à ce dernier : cela fait 20 ans qu'il se consacre à la musique, de son groupe originel Tony ! Toni ! Toné !, en passant par la parenthèse courte mais fructueuse de Lucy Pearl (super-groupe formé à la fin des années 90's avec Ali Shaheed Muhammad – membre et producteur du groupe A Tribe Called Quest – et Dawn Robinson – ancienne chanteuse du groupe En Vogue), jusqu'au début de sa carrière solo aux débuts des années 2000 (entamée avec "Instant Vintage" en 2002 et poursuivie avec le succès que l'on sait jusqu'à son dernier et troisième album "The Way I See It"). Parallèlement, Raphael Saadiq mène une carrière de producteur on ne peut plus brillante : la liste de ses collaborations avec les plus grands parle d'elle même (D'Angelo, Whitney Houston, The Roots, Roots Manuva, 2Pac, Kelis, Snoop Dogg, Stevie Wonder, Earth Wind & Fire, Jill Scott, Joss Stone, Mary J. Blidge, The Isley Brothers, Shugg & Otis, Erykah Badu , Macy Gray, Angie Stone, Q-Tip, Chanté Moore, Lionel Richie, Leela James, Amp Fiddler, John Legend, Anthony Hamilton, etc...), et aujourd'hui, il endosse avec brio la quadruple casquette d'auteur, compositeur, interprète et producteur.
Le tableau de chasse et la polyvalence du monsieur impressionnent, mais ce concert est surtout l'occasion de rappeler à tout le monde qu'il est avant tout un chanteur d'exception. Pour ne rien gâcher, ce bassiste de formation se révèle être un très bon guitariste. Il fera étalage de sa dextérité à plusieurs reprises durant la soirée, lors de laquelle il ressert à la perfection la quasi-totalité de son dernier album, avec une sincérité évidente et un enthousiasme contagieux.
Le concert démarre en trombe : après un long instrumental funky en diable de son groupe, Mr. Saadiq arrive sous les vivats de la foule, et enchaîne "Keep Marchin'", "100 Yard Dash", "Love That girl", "Let's Take A Walk" et "Staying In Love", qui mettent le feu au public, littéralement scotché sur place. En un quart d'heure, Raphael Saadiq confirme nos soupçons : c'est bel et bien un grand. Outre les versions splendides des titres de son dernier album, nous retiendrons la reprise instrumentale enflammée de “Don’t Mess With My Man” (tube de son ancien groupe Lucy Pearl). Si l'on est un peu moins fan des titres plus R&B de ses albums précédents, la voix demeure, imperturbable et toujours aussi incroyable.
Ce soir, nous nous attendions à voir un orfèvre de la soul music interprétant à la perfection ses pépites. Ce fut le cas, mais nous avons surtout vu un véritable showman, qui s'est dépensé sans compter et a pris un malin plaisir à jouer avec le public. Après un rappel tonitruant et ponctué par un dernier instrumental, le groupe se retire, laissant les spectateurs pantois.
Le public ne s'y est pas trompé : après ces deux Bataclan printanniers sold out (14 et 15 avril), Raphael Saadiq reviendra nous enchanter Boulevard Voltaire les 10 et 11 juillet prochains – dates d'ores et déjà complètes. On ne peut que se réjouir de cet engouement ô combien mérité pour cet artiste étonnant, qui mériterait d'être davantage connu et apprécié à sa juste valeur. Pour ma part, je ne peux que le remercier car si je ne verrai jamais Marvin Gaye en concert, au moins, grâce à Raphael Saadiq, j’ai eu un aperçu de ce que pouvait donner un concert soul habité et classieux.
Merci à Robert Gil pour ses photos.
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