Alors que le public s'étoffe peu à peu, DjeuhDjoah se présente devant nous en toute décontraction, prenant tout son temps, se mettant à l'aise. Il ne cache pas son bonheur d'être devant nous ce soir, mais il semble assez rapidement évident que ça ne sera pas forcément réciproque. Au milieu d'un néant musical, il aligne jeux de mots et autres touches d'esprit parfois drôles ("Comment me gratter quand je joue de la gratte") mais qui tombent le plus souvent à plat, le tout interprété dans un état léthargique le plus complet. A oublier, donc.
S'en suit une courte pause au bout de laquelle arrive Joseph Leon, chanteur folk mélancolique révélé il y a peu par la plutôt jolie "One In One Out". Ses chansons ne manquent pas de qualité, mais d'une part elles ont un goût de déjà vu (Nick Drake, Elliott Smith, Herman Düne, ...), et d'autre part il est grandement desservi par son manque cruel de charisme et d'assurance. Il semble complètement paralysé par le trac, éprouve visiblement des difficultés à maîtriser sa voix (laquelle s'avère plutôt terne), sort entre chaque titre un bout de papier chiffonné sur lequel il a grifonné sa playlist, se plante deux fois sur la même chanson et l'abandonne finalement,... La comparaison est rude avec – au hasard – Alela Diane qui, sans bouger et par le seul magnétisme de sa voix, parvient à nous envoûter totalement. Au final, on ne manque pas de s'ennuyer et ce n'est pas la présence à ses côtés (sur "One In One Out") de l'irritante Alison Young qui lui sauvera la mise.
A l'approche du concert de Hugh Coltman, la crainte nous assaille : sera-t-il à la hauteur ? saura-t-il dynamiser ses splendides contines mêlant aussi bien pop, folk, que jazz ? Arrivera-t-il à retranscrire la magie qui émane de son album "Stories From The Safe House" ? L'anglais de souche mais parisien d'adoption entre sur scène, suivi de près par son groupe (The Persuaders : un guitariste, un clavier, un batteur, et un bassiste/contrebassiste). Il entâme par "Greener Than Blue", tout en délicatesse. Il se lâche au fur et mesure des chansons, et nous ne tardons pas à être conquis : charisme, voix, présence, humour, chansons, il a tout pour lui.
Au final, il jouera son album en entier, agrémenté de quelques surprises (titres inédits, reprises, invités...). Nous retiendrons particulièrement la splendide interprétation de "Sixteen", chanson d'ouverture de l'album, jouée dans un dépouillement quasi-complet (seul au ukulélé et presque sans micro) et écoutée dans une ambiance religieuse, l’entraînante "Could You Be Trusted", "Voices" (chanson par laquelle on l'a découvert et qui, sur scène, garde sa fraîcheur intacte), la très Beatlesienne "On My Hands", et enfin "Apologize" (nouveau morceau où, nous explique Hugh Coltman, il essaie désespérément de se faire pardonner par sa petite amie), qui se transforme en une reprise habitée du "Jealous Guy" de John Lennon (pendant laquelle le chanteur s'amuse avec son pianiste : il penche son clavier de gauche à droite et rigole en le laissant se débrouiller pour terminer son solo).
Puis, contre toute attente, il laisse parler l'électricité sur "Something Wicked This Way Comes", où il sort sa guitare électrique et pousse sa voix à pleine puissance. Un bon concentré d'énergie. Autre agréable surprise : il invite l'américaine Krystle Warren à l'accompagner sur "All The Lovers Come And Go These Days" (c'était déjà le cas sur le disque). Bien que cette chanson n'atteigne pas les sommets des autres titres de l'album, le duo fonctionne à la perfection, et on se laisse une nouvelle fois envoûter par ce petit bout de femme (elle nous avait déjà enchanté en janvier dernier au concert de Keziah Jones). Sa voix fait des merveilles, se mêle parfaitement à celle de l'anglais, et leurs harmonies provoquent des étincelles.
Après une bonne heure de show, le groupe quitte la scène puis revient quelques instants plus tard pour un rappel haut en couleur, débutant par une reprise sautillante et enjouée du tube 70's de Mungo Jerry, "In The Summertime". Hugh Coltman fait ensuite (re)monter sur scène un cortège d'invités : Krystle Warren et Alison Young – qu'on a entendues plus tôt dans la soirée –, Spleen, et surtout Sandra Nkaké (déjà aperçue comme choriste avec Sly Johnson), chanteuse à la beauté sculpturale et dont les sonorités rondes et châleureuses évoquent un demi-siècle de musique noire, dans la plus pure tradition soul. Tout ce beau monde l'accompagne sur la dernière chansons du set ("Slow Movin Traffic", blues lancinant laissant la part belle aux voix des invités), et on doit l'avouer : on n'a d'yeux que pour Sandra Nkaké, qui domine tout ce petit monde de la tête et des épaules – au propre comme au figuré.
En un peu moins d'une heure et demi, Hugh Coltman a balayé toutes nos craintes et s'affirme comme un grand orfèvre de la pop avec ses mélodies classieuses et ses chansons de haut vol, le tout agrémenté, pour ne rien arranger, d'une voix rare.
Merci à David Didier pour ses photos.
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