mardi 12 mai 2009

Elie "Paperboy" Reed & The True Loves (11 Mai, Trabendo)



Sacré personnage que ce Eli "Paperboy" Reed (prononcer "Ilaye")... Du genre à vivre dans les années 50. D'ailleurs, n'allez pas lui raconter que nous sommes en 2009 : on ne la lui fait pas, à lui. Et puis il risquerait de mal le prendre ! Non, on est en 1959, et c'est pour ça qu'il se coiffe comme Elvis, s'habille comme Johnny Cash, se prend pour Chuck Berry et imite le chant de James Brown (il a d'ailleurs adoré ses derniers singles, "Please Please Please", et "Try Me". Il ira loin le James...).

Vous l'aurez compris, ce soir c'est soirée rétro au Trabendo ! En ouverture sont programmés The Right Ons, groupe espagnol très rock&roll (musique et attitude), avec un pied bien ancré dans le passé. Ça sent à plein nez le groupe de potes qui a passé des heures et des heures à répéter dans son garage, et qui en ressort gonflé à bloc pour tout donner sur scène. Ça transpire la sueur de partout (à tel point qu'ils en partagent une partie avec les spectateurs situés juste devant la scène), ils se démènent comme des diables, sont heureux d'être là ("à Pariiiiis", avec l'accent espagnol de rigueur) même si c'est pour jouer devant trois pelés comme c'est le cas au début de leur concert ce soir. Leurs chansons sont ultra efficaces à défaut d'être originales, le groupe super carré, extrêmement rôdé, et capable de jams assez impressionnants. Ceci dit, tout fut loin d'être parfait, quelques accrocs étant à déplorer : notamment le son, beaucoup trop fort (mais ce sera le gros point noir de la soirée), leurs poses parfois énervantes, et leur propension à boire ostensiblement et à plein goulot (on ne parle pas d'eau là, hein...). Mais c'était globalement un très bon set, à la fin duquel Eli et quelques membres des True Loves vinrent prendre la température et applaudir la prestation du combo ibérique.

Une petite demi-heure plus tard, alors que la salle s'est progressivement garnie, The True Loves investissent la scène, avec leurs dégaines plus improbables les uns que les autres. A gauche, un trio de cuivre vissé derrière leurs lunettes noires (saxo baryton, saxo alto et trompette), à droite un bassiste, un guitariste portant un casque emprunté à un employé de piste d'atterrissage d'aéroport et des lunettes de soleil sur le front. Au niveau vestimentaire, c'est tout et n'importe quoi, ça va du pantalon à pince au baggy en passant par le batteur black à dreadlocks et pantalon vert... Ils entament le show comme il se doit par un instrumental qui annonce clairement la couleur (ça va swinguer ce soir !), avant que le saxo endosse le costume de chauffeur de salle en invectivant le public avant d'annoncer l'arrivée de leur leader, le dénommé Eli "Paperboy" Reed.

Si les membres de son groupe ne figureront sûrement pas au panthéon des musiciens les plus fashion de l'histoire du rock, que dire de leur chanteur ? Celui-ci débarque avec un look tout droit sortie d'un film des années 50, portant un costume gris comme on n'en fait plus, avec un pantalon trop petit lui arrivant aux chevilles et, cerise sur le gâteau, une chemise rouge sang assez affreuse, il faut bien le dire. Ce côté rétro amuse, mais dès qu'Eli se met à chanter, c'est le respect qu'il inspire. Parce qu'à défaut d'un charisme à la James Dean, il dispose d'une voix en tous points remarquable évoquant clairement James Brown (dont il a repris certains tics, notamment cette façon sauvage de crier avant de reprendre un couplet).

L'américain jongle entre les titres de son dernier album "Roll With You" et ses titres plus anciens : ça groove à mort, le chanteur dose le tempo à la perfection, le groupe carbure à plein régime derrière lui, entièrement dévoué à sa cause (et à ses chansons), Eli cabotine à mort, reste à fond dans son personnage de crooner coquin. A peine quelques paroles très vite prononcées (et difficilement compréhensibles) entre deux chansons, et c'est reparti de plus belle. Le groupe relâche l'accélérateur sur quelques slows langoureux où l'américain donne du "baby, honey, sweety, I love you, I miss you sooo muuuch" à la pelle (on doit bien avouer qu'on frôle régulièrement la guimauve niveau paroles, mais l'essentiel est ailleurs), puis se lance dans un court instrumental le temps pour Eli de reprendre son souffle, avant de laisser ce dernier seul face à son auditoire. Orphelin de ses fidèles partenaires, il nous livre deux splendides chansons – "dont l'une de son tout première album, donc c'est normal si personne n'en n'a jamais entendu parler" – interprétées dans leur plus simple appareil.

Puis les musiciens reviennent au complet pour jouer quelques nouvelles compositions que le groupe, explique Eli, ne va pas tarder à aller enregistrer en studio (le Trabendo de ce soir est l'antépénultième date de leur tournée, mais aucun signe de fatigue à l'horizon). Avant d'entamer l'une d'entre elles, le chanteur demande au public de lui indiquer à la fin d'un morceau s'il lui a plu ("mais bon, je sais qu'il est génial", plaisante-t-il). Difficile de juger sur une seule écoute, mais ils font plus que tenir la route et feraient excellente figure sur "Roll With You", ce qui est assez prometteur pour la suite.

Après quelques autres titres dont le génial "The Satisfier", le groupe finit son set sur le sommet "Take My Love With You", trésor qu'on jurerait avoir déjà entendu chez Tamla Motown au milieu des 60's. Mais non, Eli sévit aujourd'hui, à notre époque, et pour notre plus grand plaisir, ce soir, devant nos yeux. Le public en réclame davantage, et celui-ci s'exécute sans trop rechigner : il fera même trois rappels, dont un dernier et mémorable "(Doin' The) Boom Boom" exécuté à 12 sur scène (les espagnols de The Right Ons les rejoignant pour cette dernière) dans un bordel pas possible.

Tout au long de cet excellent show, le chanteur n'aura pas ménagé pas sa peine, hurlant tout ce qu'il pouvait (voir un peu trop), poussant son organe vocal au maximum, et mettant un point d'honneur à chanter le tout avec ferveur et conviction. Eli Paperboy Reed ne dansera jamais comme Mickael Jackson, n'aura jamais la gueule d'ange d'Elvis, mais il en n'a cure, il se consacre à 100% (et avec brio) à la mission qu'il s'est assigné : faire bouger nos derrières. Au final, bien qu'un poil répétitif sur la fin, nous aurons assisté à un très bon concert, desservi toutefois par une sono irraisonnablement forte (à la limite du désagréable).

Comme un signe, à peine le concert terminé et une partie du public partie vers d'autres aventures, Eli se rue au stand T-Shirt pour serrer des poignées de main à la pelle, distribuer des sourires, servir du "thank you" à qui en veut (et aussi vendre des t-shirts, parce que quand même, faut pas déconner...). Il ne se prend pas la tête, reste simple et à l'image de sa musique : direct, passionné, et honnête. Il y a des choses qui ne s'inventent pas, des attitudes qui ne trompent pas, et cette fraîcheur, ce type qui transpire la musique par toutes les pores, ça fait plaisir à voir, et ça fait du bien. C'est cette image que nous garderons de lui, jusqu'à la prochaine fois où nous aurons l'honneur de le recroiser.


Lire également la chronique du concert sur Froggy's Delight.

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