jeudi 21 mai 2009

Patrick Watson "Wooden Arms"

C’est parfois un exercice difficile que de critiquer un disque, pour exemple ce dernier album de Patrick Watson, qui dispose d’indéniables qualités, mais qu’on n’arrive pourtant pas à trouver autrement que décevant. On aimerait en dire du bien, mais on n'arrive pas accrocher. Il faut dire que le Québécois avait placé la barre sacrément haute il y a trois ans avec l’album qui l’avait fait connaître au grand public : « Close To Paradise », magnifique recueil de chansons habitées par un souffle lyrique, une émouvante mélancolie et un touchant côté enfantin.

On a eu l'occasion de le voir à deux reprises lors de la tournée marathon qui s’en était suivie (au Trabendo puis aux Bouffes du Nord), et il nous avait à chaque fois subjugué. Patrick Watson est un O.V.N.I. musical naviguant à contre courant. Ses concerts sont des expériences toutes particulières où, dans une hilarité assez incongrue, il nous envoûte de sa voix planante. C’est un sacré personnage, réellement passionnant sur scène et accompagné d’un excellent groupe (The Wooden Arms) totalement acquis à sa cause et dont les arrangements mettent magnifiquement en avant ses compositions.

Bref, Patrick Watson est une de nos meilleures découvertes de ces dernières années. Et c’est pourquoi on est d’autant plus déçu par ce « Wooden Arms », clairement pas à la hauteur de son prédécesseur. Aucun titre n’arrive à la cheville de chansons telles que « Luscious Life », « The Great Escape », « The Storm », « Close To Paradise », « Giver », ou encore « Man Under The Sea ».


C’est bien là où le bât blesse : les chansons. Sur « Close To Paradise », son second album, les arrangements étaient à leur service, plutôt en retrait, créant une atmosphère planante, un univers original, coloré et captivant. Ils enrobaient les titres dans de somptueux ornements, mettant en lumière les mélodies. Là, le groupe donne l’impression d’expérimenter à tout va, et met en exergue son côté bruitiste et ses aspirations d'aventurier sonore. En cela, « Wooden Arms » ressemble davantage au premier album de Patrick Watson, « Just Another Ordinary Day », très inférieur à son successeur.

Tout cela sonne comme si Patrick Watson avait laissé encore plus son groupe prendre possession de son univers. Là où la porte était entrouverte sur « Close Paradise », elle est grande ouverte ici, et la confusion entre le titre de l’album et le nom du groupe du Québécois est assez révélatrice. D’au service des compositions de son chanteur, The Wooden Arms est devenu un tout, un ensemble noyant les mélodies sous des couches sonores (certes souvent virtuoses), et semblant étouffer quelque peu la créativité de son leader. On peut également imaginer qu’après leur éreintante tournée, les québécois étaient tout simplement harassés et que ce virage plus expérimental leur aura permis de se ressourcer.

Mais les chansons n’étant pas à la hauteur, tout ça tourne rapidement dans le vide, à notre plus grand regret. Le piano, qui dominait de sa grandeur « Close To Paradise », se fait ici plus discret, moins mélodique, plus rythmique, cantonné à une peau de chagrin alors qu’il évoquait tout un monde sur l’album précédent. Reste la voix, à la puissance évocatrice sans pareille.

L'album débute par un titre en faux semblant, plutôt trom-peur : "Fireweed". Avec ses faux-airs de « The Rip » de Portishead, il nous rappelle les émotions procurées par « Close To Paradise », sans qu'il soit de la qualité de ses précédentes compositions. Il monte progres-sivement en intensité, avec des chœurs planants derrière, mais se termine en queue de poisson. « Tracy's Waters » installe une atmosphère intéressante avec ses percussions avant que la voix, puis le bandjo, les cordes et le piano viennent s’y mêler. Mais c’est la voix de Patrick Watson qui change tout et rend la chanson autrement plus intéressante. Le groupe a diversifié sa palette musicale sur cet album et n’a pas cherché à reproduire le son de « Close To Paradise ». Il a notamment travaillé avec de nouveaux instruments et cherché à mettre davantage en avant les rythmes. Bref, il a trouvé de nouvelles idées, mais malheureusement, elles apparaissent moins bonnes, ou en tout cas moins bien concrétisées que sur le disque précédent.

« Beijing », avec son piano étrange et ses percussions originales, accroche l’oreille au début, mais tourne au rond au bout d’un moment. La chanson ne démarre jamais vraiment. Pourtant, le refrain contient un potentiel mélodique incroyable (« it was the sound of the city… »), mais ce n’est pas ce qui semble intéresser le groupe ici, et c’est bien dommage. « Wooden Arms » nous redonne des couleurs : c’est le sommet de cet album, la preuve que Patrick Watson est encore capable de nous bouleverser avec trois fois rien. On salive déjà de la version live que le groupe nous concoctera, en espérant qu’elle sera aussi étonnante que celle de « Man Under The Sea ». « Hommage » est un court instrumental bercé par un quatuor à cordes. Apaisant, mélodieux, mais pas franchement passionnant.

« Traveling Salesman » est hanté par un son de synthé tout droit sorti d’un film d’horreur, on pense à « La Cité des Enfants Perdus » de Jeunet. On attend la mélodie qui fera partir la chanson, mais elle ne viendra jamais. « Big Bird In A Small Cage » commence de façon très prometteuse, puis s’oublie en route. Elle demeure une belle chanson, mais trop répétitive, et du coup pas nécessairement indispensable. Pourtant, les voix se mêlent parfaitement l'une à l'autre, et les chœurs qui s'élèvent sur la fin sont plutôt beaux. Mais rien de comparable à « The Great Escape » encore une fois. « Down At The Beach » débute par une indigeste introduction de 2 minutes, puis se rétablit un peu lorsqu’apparait la voix céleste de Patrick Watson, survolant avec grâce ce magma sonore. Mais celle-ci disparait trop rapidement à notre goût (à peine trente secondes) et la chanson repart ensuite dans un no man’s land où percussions, arpèges de piano et ligne de basse se répondent sans vraie logique et sans réelle harmonie. La fin réserve toutefois une belle surprise : de magnifiques arpèges de harpes, mais qui ne suffisent pas à rattraper le niveau de l’ensemble.

« Man Like You » essaie de nous refaire le coup de « The Storm », mais encore une fois, bien que la chanson tienne la route, on décroche au fur et à mesure. Une fois de plus, on se dit qu’on attendait tellement mieux de la part de Patrick Watson… « Where The Wild Things Are » n’est pas déplaisante et sonne de façon assez originale avec ses pizzicato de cordes, son xylophone, mais la mayonnaise ne prend qu’à moitié. Pour conclure, « Machinery Of The Heavens », plus enlevée et avec une vraie mélodie accrocheuse, relève le niveau et redonne – un peu tard – des couleurs à l’album. Mais elle aurait gagné à être plus concise.

Il y a beaucoup de choses intéressantes dans cet album, mais ça part trop dans tous les sens, et l’alchimie ne prend pas. Quelques passages sont pourtant magnifiques, mais trop peu de chansons tiennent la route sur la durée. Le groupe a cherché sur « Wooden Arms » à multiplier les pistes, à diversifier sa palette, à ne pas rechercher la facilité. Davantage que le travail d'un songwriter, le disque semble ainsi être le fruit des expérimentations sonores de ces musiciens aguerris. L’intention était louable, mais le résultat n’est malheureusement pas à la hauteur.

Au final, "Wooden Arms" est l'album le plus lumineux de Patrick Watson, mais le noir semble davantage lui convenir. Malgré ce léger accroc, on ne peut que vous inciter à aller voir Patrick Watson et ses « Bras de Bois » sur scène. C'est là où son univers et surtout sa voix donnent leur pleine mesure, où ses chansons prennent toute leur dimension, et où il parvient à nous subjuguer.

Lire également la critique de l'album sur Froggy's Delight.

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