Phoenix, on y est venu progressi-vement, ça n’a pas été un coup de cœur immédiat. On les laissait même un peu de côté, il faut bien le dire. Jusqu’à ce que l’on se rende compte que finalement, non, au contraire de tant d’autres groupes tombés dans l’oubli, Phoenix n’est pas le groupe d’une seule chanson (« If I Ever Feel Better »). Et c’est encore moins le groupe pour midinettes qu’on a pu décrire par le passé. Ils ont su poursuivre leur voie, en restant exigeants envers eux-mêmes, et sans gagner à la facilité du Rock FM (Kings Of Leon, quelqu’un ?). Tout le mérite leur revient, et nous pouvons maintenant affirmer que l’engouement qu’ils suscitent depuis des années chez un nombre toujours croissant d’admirateurs était bel et bien justifié.
Non que Phoenix se soit métamorphosé en l’espace de trois ans – on retrouve ici leur son, leur patte –, mais ils ont grandi. Les quatre versaillais semblent avoir trouvé ici la parfaite alchimie entre l’électro-soul de leurs débuts et les aspirations pop-rock de « It’s Never Been Like That ». Sans conteste, le groupe se bonifie avec le temps et délivre avec « Wolfgang Amadeus Phoenix » son meilleur album. Le plus cohérent, le plus abouti.
Il n’y a quasiment aucun déchet sur ce disque, si ce n’est un léger coup de pompe sur la fin (« Count Down » et « Girlfriend », légèrement en retrait). Pour le reste, on est tout simplement renversé par tant de maîtrise. A commencer par cet incroyable instrumental de plus de sept minutes, « Love Like A Sunset », qui reprend les choses là où le groupe les avait laissées trois ans plus tôt (« North »). A ceci près que ce titre est autrement plus ambitieux et complexe que son sympathique prédécesseur. Presque six minutes d’une impressionnante montée d’adrénaline où l’on pense tour à tour à Radiohead (période « Kid A ») puis à Air. La chanson se compose d’un diptyque dont le deuxième volet – habité par la voix de Thomas Mars, débarrassée ici de tous ses tics – fait retomber la tension. Il conclut le titre par une partie apaisée et lumineuse, qu’on dirait tout droit sortie du dernier « Viva
Si « Love Like A Sunset » est leur morceau de bravoure, l’album regorge de pépites, toutes plus impressionnantes les unes que les autres. En tête « Lisztomania », qui a tout pour devenir un tube énorme. Portée par une rythmique titanesque et une mélodie accrocheuse, elle concentre tout ce que l’on aime chez Phoenix. « 1901 » est du même acabit, et nous permet d’apprécier l’apport de la production de Philippe Zdar (membre du groupe Cassius, qui a produit l’album dans ses studios) sur les chansons du groupe. « Fences » est un sommet de délicatesse auquel Phoenix nous avait peu habitué. Encore une fois, la production est extrêmement léchée, tout en restant sobre. Thomas Mars n’a sans doute jamais aussi bien chanté, et cela explique pourquoi ce titre s’avère si touchant. Un peu plus loin, l’introduction de « Lasso » surprend avec sa ligne de basse et son chant inspirés par Of Montreal. Un des titres les plus directs et résolument rock de l’album, aux variations d’intensité bien pensées. « Rome » est un sommet de plus, révélateur des progrès accomplis par le groupe, et une des plus belles chansons qu'il ait composé. Au final, l’album peut paraître assez court (36 minutes, 10 chansons, voire 9 si l’on regroupe « Love Like A Sunset » en une seule partie), mais il est d’une intensité telle qu’il n’y a rien à redire. Par ailleurs, on ne peut que louer la production, très travaillée et qui enrobe magnifiquement les compositions des français. De par la qualité de ses chansons, des arrangements, du chant, du jeu de guitare, des sons de clavier,… Phoenix parvient une nouvelle fois à se surpasser, et l’on se demande où ils vont s’arrêter…
« Nul n’est prophète en son pays » : cette maxime colle depuis trop longtemps à la peau des versaillais. « Wolfgang Amadeus Phoenix » marquera-t-il la fin du – relatif – désamour entre Phoenix et le public français ? Car depuis ses débuts, ils est assez surprenant de constater le décalage entre l’énorme engouement qu’ils suscitent chez nos confrères anglo-saxons et la relative froideur qui accueille régulièrement leurs disques en France. Phoenix vient clairement de passer un cap de célébrité outre-Atlantique : ils sont tout d'abord devenus le premier groupe français à passer au show télévisé Saturday Nigh Live – une véritable institution, ayant accueilli tout ce qui se fait de mieux sur la planète rock. Puis, dans la foulée, leur nouveau bébé est venu se placer directement en tête des téléchargements dès sa sortie aux Etats-Unis.
Quel accueil leur sera réservé dans l'Hexagone ? Impossible de savoir, et là n'est pas l'essentiel. Avec cet album, et jusqu’à ce que Air sorte de sa tanière – à condition que ceux-ci redressent la barre après un « Pocket Symphony » mou du genoux–, Phoenix s’impose sans discussion possible comme le plus grand groupe français actuel, et comme l’autre groupe hexagonal incontournable des années 2000. Les deux seules choses qu’ils auront ratées avec cet album, c’est son titre et sa pochette. Pour le reste... Chapeau bas, messieurs !
Lire également la critique de l'album sur Froggy's Delight.
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